SENTV.info : Il y a de ces hommes qui marquent de leur empreinte toute une histoire. Le doyen Mamadou Djiméra, un des pionniers de la promotion de la langue et de la culture Soninké fait partie de cette race. Hélas, il tire sa révérence, s’en allant sur la pointe des pieds laissant toute une communauté orpheline.
Doté d’un mémoire infaillible, Mamadou Djiméra maîtrisait parfaitement l’histoire du Soninkara mais aussi la généalogie de la quasi-totalité des familles soninkés. Né à Kounghany, un village situé dans la commune de Ballou, département de Bakel, le doyen comme l’appellent les intimes, après avoir fait ses études coraniques, intègre l’école française à l’âge de 12 ans. Il débute ses cours en classe de CE1. Doté d’une intelligence peu commune, il passe son entrée en 6ème en 1955 à Bakel. « J’ai poursuivi mes études secondaires à Saint-Louis où j’ai eu mon brevet en 1959 à la veille de l’indépendance. Ensuite j’ai fréquenté le lycée à Thiès et après la classe de seconde j’ai suivi une formation pédagogique en 1960 à l’école de Médine », a-t-il confié à SENTV.info, lors d’un entretien réalisé en Mai 2019.
Il débute sa carrière d’enseignant à la frontière avec la Guinée dans un village Ballante situé à Sédhiou. Deux ans après le doyen Djiméra passe brillamment sonexamen professionnel (CAP) avant d’être affecté à Ziguinchor en 1962.
Au fur et à mesure des années il gravit les échelons pour devenir instituteur titulaire. De directeur d’école (Dembacani1964, Dagana en 1968, camp militaire de Thiaroye en 1971 puis à l’école des Hlm Patte d’Oie jusqu’en 1975) à animateur pédagogique, il aura roulé sa bosse un peu partout.
Il fut le premier à écrire et à enseigner la langue soninké en 1975 à la télévision nationale.
« En 1981, j’arrive au ministère du développement social à la direction du bien-être familial. J’ai été engagé en tant qu’animateur pédagogique du projet formation des migrants de retour pour leur réinsertion », déclarait-il dans l’interview réalisé par rédaction de la SENTV.Info. Il fut également coopté au cabinet du ministère de l’éducation par son ami et promotionnaire Ibrahima Niang alors ministre de l’éducation avant d’intégrer le lycée sénégalais de Banjul de 1989 à 1994. Il prit sa retraite en 1996.
Ce n’est pas pour autant qu’il va goûter paisiblement à ce moment de repos après plusieurs années de travail, au service de l’éducation et de l’action sociale.
Avec Wagadu, le doyen Djiméra va continuer à œuvrer pour la promotion de la langue et de la culture Soninké. Il fut d’ailleurs l’un des membres fondateurs. « Wagadu est le fruit de la fusion des cinq principales associations qui existaient à l’époque. J’ai travaillé avec l’ensemble de ces associations quand j’étais à la télévision. Les étudiants ont été les premiers à en former avec « Bogou Khoura». L’idée de fédération vient de Bassouaré Diaby en 1985 à l’issue de la semaine nationale de l’alphabétisation qu’on célébrait chaque année avec l’ensemble des cinq associations existantes », se rappelle-t-il. Le nom « Wagadu Jidda » fut proposé par le doyen Djiméra qui a évoqué l’ancien Empire Soninké qui voit ses fils réunit.
Toujours au service de la communauté, il effectue un long séjour en France où il a travaillé avec les migrants. Le doyen est auteur de plusieurs productions écrite parmi lesquelles on pourrait citer la biographie de Diaby Doua, un des pionniers de la chanson Soninké.
Hélas le serviteur du Soninkara s’en est allé le 4 décembre dernier avec l’espoir que ses écrits seront publiés un jour pour servir la nouvelle génération. Ecrits qui font de lui, aujourd’hui, un immortel parmi les vivants.
Dieynaba TANDIANG
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Mohamed WAGUE