GUY MARIUS SAGNA : «Je n’ai jamais demandé de liberté provisoire»

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SENTV.info : Guy Marius Sagna n’a pas perdu sa verve, malgré ses trois mois passés en détention au Camp pénal de Dakar. L’activiste arrêté le 29 novembre 2019 et mis en liberté provisoire le 3 mars 2020, revient d’attaque contre le régime de Macky Sall. En conférence de presse hier nuit, à Dakar, le patron de Frapp/France Dégage et membre du collectif «Noo lank» n’a pas hésité à déverser sa colère sur le pouvoir.

Il y avait l’apparent : Un Guy Marius Sagna paré au combat, habillé en tenue traditionnelle africaine, façon de faire un pied de nez à l’«impérialisme» français qu’il combat jusque dans le port. Il y avait également le caché, ses meurtrissures enrobées dans la dureté du verbe, le détail accusateur de ceux qui sentent être dans leur bon… droit.

Dans son face-à-face de plus d’une heure de temps, hier nuit, avec la presse nationale et internationale, Guy Marius Sagna a peiné à digérer son arrestation du 29 novembre 2019 devant les grilles du Palais avec 8 autres de ses camarades activistes qui réclamaient la baisse du prix de l’électricité. Le leader de Frapp/France Dégage a ruminé sa colère contre le régime de Macky Sall qu’il qualifie de «dictateur».

L’activiste, membre du collectif «Ñoo Lànk» et de la plateforme «Aar Li Ñu Bokk», ayant obtenu la liberté provisoire le 3 mars 2020, a ouvert grand son cœur aux Sénégalais, afin qu’ils sachent les moments difficiles qu’il a traversés durant sa détention à la prison de Rebeuss, puis du Camp Pénal de Liberté 6. Mais aussi les «blessures» qu’il garde en son for intérieur envers le Pouvoir en place, surtout contre le président de la République.

«Macky Sall a fait pleurer mon père. Mais le peuple a essuyé ses larmes en me manifestant son soutien indéfectible pour que je puisse sortir la tête haute de l’épreuve que j’ai traversée. C’est ce travail que nous allons continuer pour essuyer également les larmes des milliers de Sénégalais qui sont actuellement en difficulté partout où ils se trouvent», a fait savoir Guy Marius Sagna. L’activiste dit avoir été arrêté et libéré arbitrairement par le pouvoir en place. «On m’a arrêté et retenu au Camp pénal de manière arbitraire. Je pense qu’aussi la façon dont j’ai été libéré ne tient pas la route. Celui qui sait comment fonctionne la prison sait que si le pouvoir veut vous libérer, vous n’y pouvez rien. On vous force à sortir», dénonce-t-il.

Guy Marius Sagna est revenu sur son arrestation du 29 novembre devant les grilles du palais pour dire que lui et ses camarades arrêtés n’étaient pas devant le palais de la République, mais plutôt au palais du gouverneur de la France. «Le jour de mon arrestation, nous n’étions pas au Palais présidentiel, mais plutôt au Palais du gouverneur de la France, car Macky Sall est le gouverneur de la France, gouverneur de l’impérialisme. Macky Sall est là pour les intérêts qui ne sont pas ceux du peuple Sénégalais. Il ne défend pas les Sénégalais…», a fait remarquer l’activiste.

Il note que rien ne pourra arrêter son combat contre l’injustice, l’accaparement des deniers publics. Puisque, dit-il, «la défense des intérêts du peuple Sénégalais vaut tous les combats. Le peuple doit mériter qu’on se sacrifie pour lui».

«Je n’ai jamais demandé de liberté provisoire»

Guy Marius Sagna signale n’avoir jamais demandé une liberté provisoire. «J’avais dit à mon avocat, Me Moussa Sarr, que c’est trois choses qui peuvent me faire sortir de la prison. D’abord que mes avocats refusent la demande de liberté provisoire, deuxièmement qu’on me juge et enfin que je purge les six mois en prison pour sortir automatiquement. On devait me juger, si ce que j’ai fait était grave ou on me libère si tel n’est pas le cas afin que tous les Sénégalais sachent où se trouve la vérité», souligne Guy Marius Sagna.

Le leader de Frapp/France dégage dit être «resté trois mois en prison sans pouvoir communiquer au téléphone avec sa femme et sa fille, alors qu’au Camp pénal, il y a des détenus non encore jugés à qui on permet de communiquer avec leur famille». Guy Marius Sagna a tenu à remercier les Sénégalais qui se sont mobilisés comme un seul homme en mettant la pression sur le pouvoir en place afin qu’il obtienne la liberté provisoire.

«Je remercie tous les Sénégalais, tous les démocrates et progressistes du monde. Je ne pouvais manquer de les remercier, même si actuellement, nous vivons des moments difficiles avec la maladie du coronavirus qui secoue le monde entier. Parler aux Sénégalais était une obligation pour moi parce que si je suis libre aujourd’hui, c’est par la mobilisation des Sénégalais», a-t-il indiqué.

 «L’Archevêque de Dakar m’a rendu visite dans ma chambre au Camp pénal…»

Guy Marius Sagna a tenu cependant à se prononcer sur la sur la sortie de Barthélémy Dias qui disait «que le pouvoir en place l’a gardé en prison parce qu’il est de la religion Catholique et pas des autres confessions musulmanes». «Avant la naissance de cette polémique, l’Archevêque de Dakar (Benjamin Ndiaye) est venu me rendre visite dans ma chambre au Camp pénal, au quartier haute sécurité. Il a prié pour moi devant tout le monde.» Après avoir rencontré l’Archevêque de Dakar pour le remercier de son geste, Guy Marius Sagna n’exclut pas d’aller à la rencontre d’autres guides religieux du Sénégal. Il demande cependant aux tenants du pouvoir d’éviter l’injustice qui pourrait semer la confusion dans la tête de certains qui peuvent penser à une «manipulation des sentiments religieux ou ethniques».

«Il faut éviter de diviser pour mieux régner», avertit-il. Revenant sur son quotidien après sa libération, Guy Marius Sagna dit avoir pris contact d’abord avec ses camarades de Frapp/France Dégage qui lui ont demandé d’aller rendre visite à sa famille (sa femme et sa fille à Koungheul, dans la région Kaffrine). Il y a passé un jour et demi avant de retourner sur Dakar pour préparer son voyage sur Ziguinchor pour voir ses parents (son papa, entre autres). Depuis lors, dit-il, il multiplie des rencontres de proximité sur le terrain. «J’ai rencontré le professeur Abdoulaye Bathily, l’Archevêque de Dakar (Benjamin Ndiaye), les agents de l’ex Sotrac à qui l’Etat doit de l’argent, les agents de Africamer, les notaires qui veulent aller en grève de la faim…», informe-t-il.

«Macky n’aura pas un 3è mandat, ce qu’on a pas accepté à Wade, il ne l’aura pas»

Guy Marius Sagna s’est intéressé au débat sur l’éventuel troisième mandat suscité récemment par les proches du Président Macky Sall. Ils essayent de travailler les consciences des Sénégalais afin de dérouler le tapis rouge au patron de Benno bokk yakaar (Bby) en 2024. L’activiste est formel : «Macky n’aura pas un troisième mandat au Sénégal. Ce qu’on n’a pas accepté à Me Abdoulaye Wade en 2012, Macky ne l’aura pas. Il est à son deuxième et dernier mandat. Qu’il ne pense pas pouvoir manœuvrer pour avoir un 3è mandat», prévient-il. Guy Marius Sagna note que dans le cadre du combat pour la transparence des contrats sur le pétrole et le gaz, la plateforme «Aar li nu bokk» a joué un rôle important pour éveiller les sénégalais.

«Aar li nu bokk n’a pas échoué dans son combat. Les résultats du combat vont suivre sans tarder. La bataille va continuer. L’espoir n’est pas perdu. On va continuer la sensibilisation des Sénégalais», indique-t-il. Non sans faire savoir également que le collectif «Ñoo Lànk» va poursuivre son combat pour la construction d’un Sénégal nouveau. Car, «Macky et Cie sont en train de se partager les deniers publics du Sénégal. Ça suffit. On ne peut pas continuer à regarder Macky faire ce qu’il veut au Sénégal. Si ça lui plaît, il ouvre des dossiers judiciaires ou il met le coude sur d’autres dossiers», confie Guy Marius Sagna.

MATHIEU BACALY

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