SENTV.info : « La pandémie du coronavirus n’est pas seulement une crise sanitaire, mais aussi une crise sociale et économique. L’impact du Covid-19 sur l’emploi est profond, d’une grande portée et sans équivalent ».
C’est en ces termes que Guy Ryder, Directeur Général de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) s’était exprimé le 27 mars dernier.
Dans un rapport publié le 7 avril dernier, l’agence spécialisée des Nations unies indique notamment que la pandémie paralyse 81% de la population active mondiale. L’équivalent de 195 millions d’emplois à temps plein devrait être perdu entre avril et juin.
L’Asie est le continent le plus touché par les suppressions d’emplois selon l’OIT. En effet, à elle seule, la région Asie-Pacifique regroupe 125 millions des 195 millions d’emplois supprimés au deuxième trimestre de l’année 2020. En Europe, la situation inquiète également. Des mesures d’accès au chômage partiel ont été mises en place par de nombreuses entreprises.
Aux Etats-Unis, 17 millions de demandeurs d’emplois supplémentaires ont été enregistrés en trois semaines. Les grandes entreprises américaines qui licencient essuient, par ailleurs, de nombreuses critiques à l’instar du géant du fast-food McDonalds, de General Motors (troisième constructeur automobile mondial) ou la compagnie maritime spécialisée dans les navires de croisière Royal Caribbean International: « Nous continuons à agir de manière ferme pour protéger notre situation financière et nos liquidités ». Les décisions de ces entreprises de ne pas maintenir les salaires de leurs employés font polémique au regard de leurs chiffres d’affaire et des dividendes maintenus, à priori, pour les actionnaires.
Qu’en est-il en Afrique ?
Sur la totalité du continent africain, 20 millions d’emplois risquent d’être supprimés selon une étude publiée par l’Union africaine le 6 avril dernier. Le secteur du tourisme, qui constitue un important levier de développement pour de nombreux pays africains, est frappé de plein fouet. L’association internationale du Transport Aérien (IATA) estime que la contribution économique du secteur en Afrique s’élève à 55.8 milliards de dollars, et soutient 6.2 millions d’emplois.
Le numéro un du continent, Ethiopian Airlines, affiche déjà un demi-milliard de pertes. Son PDG s’est, néanmoins, dit confiant en la capacité de la compagnie, propriété de l’État éthiopien, à faire front face à la crise sans avoir à licencier un seul de ses 13 000 employés réguliers : « Notre plan est de résister et passer cette crise seuls, mais, si malheureusement elle se prolonge au-delà de ce qu’on imagine, nous verrons cela le moment venu », a déclaré Tewolde Gebremariam, PDG d’Ethiopian Airlines.
Le groupe sud-africain MTN a annoncé dans un communiqué de presse rendu public le 15 avril 2020, les détails de son programme de secours de 250 millions de rands en réponse à la pandémie de COVID-19. Présent sur 21 marchés, MTN Group a personnalisé sa réponse pour reconnaître sa responsabilité de contribuer à la fois sur son marché intérieur, l’Afrique du Sud, ainsi que sur de nombreux autres marchés confrontés à d’énormes défis pour gérer la pandémie.
« Nous pensons qu’il est de la responsabilité de toutes les organisations d’aider là où elles le peuvent pendant la pandémie », a déclaré Mcebisi Jonas, président du groupe MTN.
Estimant que charité bien ordonnée commence par soi-même, le Groupe prévoit de lever 40 millions de rands pour le Fonds mondial d’urgence du personnel MTN pour les employés dans le besoin. Le président du conseil d’administration, le PDG du groupe, le directeur financier du groupe et un certain nombre d’administrateurs du groupe MTN ont engagé 30% de leurs jetons de présence et salaires pour les trois prochains mois.
Certains pays ont d’ores et déjà pris des mesures fermes pour enrayer la menace d’un désastre social.
Au Sénégal, le gouvernement a décidé de prendre des mesures de soutien aux travailleurs : l’interdiction des licenciements autrement que pour une faute lourde et la garantie de 70% de la rémunération en cas de chômage technique.
A Dakar, quelques directions d’entreprises interrogées ont accepté de commenter la décision.
Pour Mamour Diallo, Directeur des Ressources Humaines de la société Four du Khalife Sénégal -FKS, le risque sanitaire pourrait certainement avoir des répercussions négatives pour les employés. « Toutes les mesures préventives d’hygiène ont été prises pour préserver leur bon état de santé afin que nous puissions toujours disposer des ressources humaines en quantité et qualité suffisante. Avec cette conjoncture difficilement maîtrisable, notre ligne de mire sera de toujours rechercher le maintien de l’emploi. Réaliser ce qui est économiquement faisable et socialement souhaitable sera l’équilibre qui guidera notre plan social au besoin. En conséquence, nous adapterons notre organisation de travail aux différentes solutions de permissivité légale notamment le travail par roulement, la réduction des heures de travail, le redéploiement du personnel, le télétravail, etc. » a-t-il déclaré.
Khady Mbacké Ndoye Sarr, Directrice des Ressources humaines pour la Région Afrique Subsaharienne de Philip Morris International basée au Sénégal nous a quant à elle indiqué que dans un communiqué rendu public le 9 avril dernier, l’entreprise a posé des actes forts en guise de contribution à la réponse internationale contre cette pandémie et qu’elle s’est engagé à protéger la santé de ses agents, la stabilité des emplois et la garantie de revenus entre autres mesures : «: Dès la mi-mars, nous avons mis en place des mesures de télétravail pour la majorité de nos collaborateurs à Dakar et dans toutes les autres villes où se trouvent nos collègues. Notre force de vente depuis le 1er Avril n’est plus sur le terrain au Sénégal par exemple, nous avons pris cette décision, aussi difficile qu’elle puisse être commercialement pour ne pas les exposer à des transmissions communautaires mais aussi éviter qu’ils en soient des vecteurs, nous avons aussi implémenté dans notre usine de Pikine des mesures très fortes de distanciation sociale et de désinfection. De surcroît, conformément à la décision de Philip Morris International au niveau global, nous avons pris et communiqué l’engagement que durant toute la durée de cette crise, nous garantirions à chacun de nos employés au Sénégal comme ailleurs l’intégralité de sa rémunération qu’il ou elle soit en mesure de remplir ses obligations professionnelles ou pas. Nous traversons une période extrêmement pénible pour tous et c’est précisément le moment de soutenir nos employés et leurs familles quoi qu’il en coûte ».
Quelques analystes s’aventurent à prédire combien de temps cette crise durera, il est cependant clair qu’elle constitue un test de loyauté pour les employeurs vis-à-vis de ces hommes et femmes avec qui ils ont destins liés particulièrement en ces temps de crise.