Rien n’a changé sur les podiums de la Fashion Week qui s’ouvre ce matin à Paris. Les profils des mannequins qui défilent pour les plus grandes marques sont toujours les mêmes. Silhouettes filiformes, côtes parfois apparentes et minceur à tous les étages. Le 26 janvier 2016 a pourtant été promulguée la loi de santé dite « Marisol Touraine » dont deux articles, les 19 et 20, sont aujourd’hui connus comme la loi mannequins. Ces deux articles applaudis par l’opinion publique devaient instituer la mention « photographie retouchée » dans les magazines ainsi que l’obligation d’une visite médicale et d’un indice de masse corporelle (IMC) minimal pour les modèles désirant exercer en France. Des mesures pour lutter contre le fléau de l’anorexie et une image de la femme, véhiculée par la mode, dangereuse pour la santé. Un an après, les décrets d’application de ces deux articles n’ont toujours pas été publiés au « Journal officiel », ce qui rend inapplicable cette loi .
Olivier Véran, candidat PS aux législatives dans l’Isère, ancien rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, se montre d’ailleurs très inquiet. « Je n’aimerais pas que l’on ait voté cette loi et qu’elle ne soit jamais appliquée. Si ça continue, les décrets ne seront jamais publiés avant la fin du quinquennat. Et il y a manifestement un frein quelque part », assure ce neurologue. « Le milieu de la mode, c’est la grande muette. Je ne souhaite pas que la concertation avec l’industrie noie le bébé », enchaîne-t-il. Au ministère de la Santé, on évoque seulement des freins technocratiques qui font que les deux articles ne seront pas publiés avant… le printemps. L’article 19 est dans les mains de la Commission européenne avant de repasser devant le Conseil d’Etat, et l’article 20 doit faire l’objet d’une consultation par le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) avant d’être cosigné par les ministères du Travail et de la Santé !
Du côté de la profession, c’est l’omerta. Contactées ces derniers mois, les grandes agences de mannequins refusent de communiquer. Impossible de savoir si elles envisagent de modifier leurs habitudes. Motus et bouche cousue aussi à la sortie des podiums. Sous couvert d’anonymat, quelques mannequins avouent toutefois être au courant de cette loi mais n’ont pour autant rien changé à leurs habitudes alimentaires… ni à leurs mensurations.