De retour au terrain sans préparation complète après plusieurs semaines de confinement, les meilleurs footballeurs d’Europe ont entamé dans la touffeur de l’été un marathon inédit qui doit se terminer en juin 2021 avec l’Euro. La saison s’annonce aussi interminable que dangereuse pour les corps et les esprits.
Les meilleurs joueurs des championnats européens vont vivre un été intense, avant de débuter une nouvelle saison qui s’annonce elle aussi très longue. Ils pourraient enchaîner une centaine de matches jusqu’à l’Euro, qui aura lieu en juin 2021 après avoir été reporté d’un an.
Quatre-vingt-dix minutes de football tous les trois jours à une température flirtant avec les 30 degrés, voilà le quotidien des joueurs de Liga ou de Serie A d’ici quelques jours, si les thermomètres atteignent les sommets habituels. Ensuite, les équipes qualifiées pour les Coupes européennes de clubs basculeront dès août sur les phases finales de ces compétitions, puis en septembre sur une saison 2020-2021 sans répit, clôturée le 11 juillet 2021 par la finale de l’Euro ou de la Copa America.
« Cela fait quasiment une saison et demie en un an, c’est du jamais-vu », se projette Nicolas Dyon, préparateur physique passé par Rennes, Saint-Étienne ou Nice. « Certains internationaux vont enchaîner 100 matches, c’est énorme. Pour les joueurs, ça va clairement être une saison charnière. »
Une saison où la rotation d’effectif sera encore plus capitale : « Bienvenue dans la peau d’un joueur de basket. Certains vont comprendre ce que c’est que d’avoir un jour ‘on’ puis un jour ‘off’ », prolonge le préparateur Aurélien Simon, qui travaille individuellement avec plusieurs pros comme Andy Delort (Montpellier) et Ismaël Bennacer (AC Milan).
Craintes d’une augmentation des blessures
Ce calendrier infernal n’est pas sans risques pour les joueurs, d’autant qu’il démarre sans préparation complète après un confinement inédit en raison de la pandémie de Covid-19. « Je serai curieux de voir les statistiques sur les blessures en fin de saison prochaine. Avec un tel enchaînement, l’exposition aux blessures est beaucoup plus importante. La fatigue s’accumule, et à un moment le corps va dire stop », s’inquiète Nicolas Dyon.
Dans les grands championnats, ces craintes sont partagées, même si la reprise n’a pas montré une recrudescence majeure des blessures.
En Espagne, le principal syndicat de joueurs AFE a par exemple demandé à la Liga qu’aucune rencontre ne soit jouée au-delà de 32 °C. Une température pourtant courante en Andalousie l’été. « On soigne beaucoup la récupération. C’est très important », a confirmé cette semaine Zinédine Zidane, l’entraîneur du Real Madrid. « D’abord en raison de la situation sanitaire, avec notre retour au terrain. Et ensuite, il faut ajouter à ça le facteur chaleur. Nous savons que la chaleur va être écrasante à partir de maintenant. »
« C’est la saison de tous les dangers, surtout pour les championnats autres que la France », s’alarme Philippe Piat, président du syndicat des joueurs français UNFP et dirigeant du syndicat mondial Fifpro. « Je suis assez sceptique, et je me demande de quelle manière les joueurs la finiront. »
Ne pas négliger le travail mental
Comment limiter la casse ? « Ce n’est pas cette année qu’on fera de la préparation physique, c’est sûr », remarque Aurélien Simon. « On va voir les vrais travailleurs sortir du lot. Une saison pareille, on n’y survit pas simplement au talent », estime-t-il.
Nicolas Dyon pointe pour sa part un triple risque. « Le premier, c’est les grosses blessures, du type ligaments croisés. Le deuxième, c’est la baisse de forme habituelle de l’entrée de l’hiver, qui sera plus précoce et plus importante. Et il y a le burn-out, la décompression psychologique. Car, à un moment, c’est le cerveau qui décide. »
Dans les têtes, « l’entraînement invisible sera déterminant », juge Raphaël Homat, préparateur mental engagé régulièrement avec plusieurs joueurs pros. « Récupérer au niveau cognitif et émotionnel sera essentiel et le travail mental, moins fatiguant musculairement, peut être tout à fait pertinent. »
Dans cette phase, l’encadrement des clubs sera déterminant. Certains entraîneurs sont déjà montés au créneau pour dénoncer les matches en après-midi en plein été, comme Paolo Fonseca, l’entraîneur de l’AS Rome. D’autres techniciens fustigent plutôt les horaires tardifs, mauvais pour la récupération : « À ce rythme-là, les joueurs risquent un véritable épuisement physique », s’est inquiété Ivo Pulcini, responsable médical de la Lazio Rome.
Reste un levier pour préserver les joueurs, alors que la trêve hivernale sera raccourcie dans de nombreux pays : les jours de repos. « Il faut vraiment que les entraîneurs n’aient pas peur de donner parfois cinq ou six jours à leurs joueurs », lance Nicolas Dyon. « C’est indispensable. Sinon, vous allez vite les perdre. Physiquement comme mentalement. »