SENTV : Ce mois de juin 2020 restera à jamais gravé dans la mémoire des musulmans et fidèles du Hamallisme. En l’espace de neuf jours, deux érudits, d’une dimension spirituelle incommensurable, nous ont quitté laissant toute une communauté ; enfants, fidèles disciples, amis et parents, éplorés.
Quarante jours déjà que mon père, El Hadji Mahamadou Bouna Wagué a tiré sa révérence et un mois, jour pour jour que son compagnon d’arme, notre Grand-père El Hadji Mouhamadou Ibn Abdoullahi Koita plus connu sous le nom de Guidado Koita, nous disait Adieu à son tour. Ces deux hommes ont œuvré leur vie durant, pour L’islam et le Hamallisme. Ils ont su tenir le flambeau que leur a laissé leurs prédécesseurs avec une main de fer teintée d’humilité et de sagesse.
Mahamadou Heinda Wagué fut pour moi, un père, un professeur, et surtout un Guide spirituel. Il était connu pour sa piété, sa dévotion à l’Islam et au Hamallisme mais aussi, pour ses attributs de communicateur et son accessibilité légendaire. Malgré son statut de guide religieux, il a toujours vécu à la sueur de son front. Les nombreux témoignages, venant d’horizons différentes sont révélateurs sur les qualités de l’homme.
Aujourd’hui, sa disparition nous donne encore une grande leçon de vie.
L’imam de la Zawiya de Kaédi entretenait des rapports cordiaux avec tous les hommes religieux. C’est un homme qui était imbu de toutes les valeurs que doit incarner un guide religieux, il aimait tisser les liens familiaux, mais aussi amicaux. Son esprit d’ouverture a fait qu’il a toujours su rassembler les gens autour de l’essentiel. Aujourd’hui sa famille a un grand défi à relever c’est-à-dire pérenniser les valeurs qu’il a incarné dans sa vie.
C’est donc le lègue que ses enfants et fidèles devraient garder de lui.
Sa spiritualité n’est plus à démontrer. A l’âge de 12 ans, lors d’un voyage avec son père à Nioro, il rencontre Cheikh Hamahoullah qui s’est pris d’affection pour lui et dont il avait même bénéficié l’enseignement coranique en 1937. Il disait même qu’il a été initié à la sourate Al-Qalam (سورة القلم) par le Cherif Hamallah. Ce dernier lui donna par la même occasion sa bénédiction.
En 1947, alors qu’il était âgé de 20 ans, il se rend à Waoundé (au Sénégal) auprès de Fodiyé Mahamadou Sirandou Diagana, un érudit hors du commun, pour parfaire sa formation théologique, linguistique et rhétorique, et ce durant huit longues années. A ma naissance, mon père me donna le nom de son maitre pour lui témoigner sa reconnaissance. C’est pourquoi mon père m’appelait Mody (marabout, maître).
Il était sollicité de partout pour ses connaissances de la jurisprudence Islamique dans la Sunnah du prophète (PSl), mais aussi de la voie du Hamallisme.
Mahamadou Bouna Wagué était un Guide spirituel très accessible. Quel que soit le rang de la personne, celle-ci n’avait pas besoin d’intermédiaire pour accéder à lui. Il traitait tout le monde de la même manière quel que soit le niveau d’étude ou le degré de spiritualité de l’individu.
Homme averti, il savait déjà qu’il allait nous quitter et qu’il ne sera pas le seul.
En effet, son compagnon de toujours n’a pas attendu longtemps pour le rejoindre auprès de son seigneur. Le 19 juin, la Umma islamique et la famille du Hamalisme a dû s’affronter à une nouvelle grande perte. Celle de Mouhamadou Ibn Abdoullahi Koita un des derniers Moukhadam officielle de Cheikh Hamahoullah. Un homme de Dieu qui a consacré toute sa vie à la religion musulmane, aux livres sacrés, aux hadiths du prophète (P.S.L) aux sciences islamiques particulièrement à la voie Tidjania.
Au-delà des liens de parenté qui les unissait, ses deux serviteurs de l’islam et du Hamallisme, avaient un lien spirituel exceptionnel. L’un n’agissait jamais sans que l’autre ne soit au courant. Ensemble, ils ont mené le même combat, c’est-à-dire défendre l’islam et valoriser la voie du Hamalisme.
Par la grâce de Dieu, nous sommes nés dans le Hamallisme grâce à notre père. Nous avons vécu avec ferveur cette confrérie entre Kaédi et Malicounda. Dieu a fait que c’est le compagnon de mon père notre Guide spirituel, Guidado Koita qui nous a transmis le Wird lors d’un voyage à Nioro en 2001 avec mon Grand-père Cheikh Tahirou Doucouré un grand érudit qu’on ne présente plus.
Sa disparition coïncidant avec la date de la déportation de Cherif Hamallah le 19 Juin 1941, ne relève pas du hasard. Les témoignages sont unanimes sur la qualité spirituelle de l’homme.
La disparition de ces deux hommes doit être pour nous, les jeunes, un éveil des consciences. La tâche ne sera certes pas facile, mais nous nous devons de garder l’héritage que nous ont laissé ces hommes et leur prédécesseurs intact.
Je ne saurais terminer cet hommage sans remercier du fond du cœur, tout ceux qui ont, de près ou de loin, compati avec nous ces deux pertes. Vous avez été nombreux, au Sénégal, en Mauritanie, dans la sous-région de manière générale ainsi que dans la diaspora à témoigner votre attachement à ces figures de l’islam et de la Tidjania.
Nous continuerons de prier pour le repos éternel de vos âmes.
وَالَّذِينَ آمَنُوا وَاتَّبَعَتْهُمْ ذُرِّيَّتُهُم بِإِيمَانٍ أَلْحَقْنَا بِهِمْ ذُرِّيَّتَهُمْ وَمَا أَلَتْنَاهُم مِّنْ عَمَلِهِم مِّن شَيْءٍ ۚ كُلُّ امْرِئٍ بِمَا كَسَبَ رَهِينٌ (21)
At-Tur
(سورة الطور)
(Fodiyé Mahamadou Wagué)
(Mody Wagué) Dakar, 19 Juillet 2020