SENTV : Après la double explosion qui a ravagé Beyrouth, les investigations se poursuivent activement avec l’approche de la fin du délai de cinq jours accordé par les autorités libanaises aux enquêteurs pour présenter leurs conclusions. Le président Michel Aoun a déclaré qu’aucune piste n’était écartée.
Dix-neuf personnes sont actuellement sous les verrous au Liban, dans le cadre de l’enquête sur la double explosion qui a ravagé Beyrouth. Parmi elles, le directeur du port, ainsi que des fonctionnaires du port et des douanes. Elles sont interrogées sous la supervision de la police militaire de l’armée libanaise.
Le président de la République Michel Aoun a déclaré lors d’une discussion avec des journaliste que les enquêteurs n’écartaient aucune piste, y compris celle d’une « intervention extérieure » au moyen d’un « missile ou d’une bombe ». Il est le premier dirigeant libanais à évoquer une telle hypothèse. La thèse privilégiée jusqu’à présent était celle de l’explosion accidentelle de 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium entreposés près d’un stock de feu d’artifice, rappelle notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh. L’étincelle qui a servi de détonateur aurait été provoquée par des travaux de soudage d’une porte.
Nasrallah nie l’existence d’un dépôt d’armes du Hezbollah dans le port
Le chef de l’Etat libanais a annoncé avoir demandé à son homologue français des images satellite du site de l’explosion. Si la France s’abstenait de les fournir, le Liban les demandera à un autre Etat. Michel Aoun a en revanche exclu toute enquête internationale, comme l’a réclamé Emmanuel Macron lors de son déplacement dans la capitale libanaise jeudi, car « elle diluerait la vérité ».
De son côté, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a « nié catégoriquement » dans une allocution télévisée vendredi que son organisation possédait un « entrepôt d’armes » dans le port de Beyrouth : « ni entrepôt d’armes, ni entrepôt de missiles (…) ni une bombe, ni une balle, ni nitrate » d’ammonium, a-t-il martelé, contredisant ainsi des affirmations circulant dans des médias et sur les réseaux sociaux.
Mise en garde du bâtonnier
Alors que les premières conclusions de l’enquête doivent être rendues publiques ce samedi, Melhem Khalaf, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Beyrouth prévient qu’il n’acceptera pas que les responsabilités soient couvertes. « Il faut que l’enquête soit sérieuse, indépendante et qu’elle puisse être transparente. On n’acceptera en aucun cas que cette voix de responsabilisation ne soit pas entendue », avertit-il, au micro de notre envoyé spécial, Pierre Olivier.
Même si le délai de cinq jours ne permettra probablement pas encore de faire toute la lumière sur les responsables de cette catastrophe, Melhem Khalaf a déjà le regard tourné vers certains membres de la classe politique. « Il n’y a pas de ministre qui était au courant ? Il faut appeler tous ces gens-là. » Si jamais l’enquête n’était pas menée de manière sérieuse, le bâtonnier prévient que le Liban pourrait alors être considéré comme un Etat failli, incapable d’assurer ses fonctions régaliennes.
La double explosion de mardi, la plus dévastatrice jamais survenue au Liban, a attisé la colère d’une population mobilisée contre les dirigeants du pays depuis l’automne 2019. Elle s’est illustrée dans la nuit de jeudi à vendredi non loin du Parlement par de violents affrontements entre les forces de l’ordre et des manifestants qui réclamaient la démission du gouvernement. Un appel à manifester a été lancé pour samedi après-midi au même endroit, où une potence a été symboliquement installée avant d’être retirée.
Le rejet de la population à l’égard des hommes politiques est tellement fort que de jeunes volontaires qui aident les habitants à déblayer les décombres ont hué et chassé le ministre de l’Education venu leur prêter main forte.
RFI