Depuis que son équipe a été amputée de ses conseillers les plus atypiques (Michael Flynn et Steve Bannon), le président républicain investi le 20 janvier est en roue libre. Le “style Trump” dans les relations internationales, c’était surtout une rhétorique. Personnage truculent, il cultivait l’ambiguïté, disant tout et son contraire au risque d’en décevoir beaucoup et de surprendre tout le monde. Maintenant, c’est fini. En passant à l’action sur tous les fronts, en quelques jours, le nouveau président américain a jeté le masque.
Le premier front, c’est la Syrie, où un Etat souverain résiste depuis 2011 à l’offensive des milices obscurantistes armées par la CIA. En faisant bombarder la base aérienne syrienne d’Al-Chaayrat, le 6 avril, la Maison-Blanche a franchi une ligne rouge. C’est la première fois que les USA procèdent à une intervention militaire directe, ouvertement revendiquée, contre l’Etat syrien. Outre qu’elle prête main forte aux terroristes de Daech, cette violation flagrante du droit international défie le puissant allié de Damas, la Russie. Elle crée le risque d’une confrontation armée dont le premier ministre russe Medvedev a dit qu’on l’avait “frôlée d’un cheveu”.
Le deuxième front, c’est la Corée du Nord. Adepte d’une stratégie tous azimuts, Donald Trump a envoyé une escadre navale en direction de la péninsule coréenne et menacé la Corée du Nord de représailles si ce pays persistait à développer ses technologies militaires. Il y a longtemps que l’establishment militaire américain rêve d’une frappe préventive sur les sites nucléaires nord-coréens, notamment pour empêcher ce pays d’acquérir des capacités balistiques. Si d’aventure une telle attaque avait lieu, Pyongyang a fait savoir que la réplique nord-coréenne serait dévastatrice.
Le troisième front, c’est l’Afghanistan. Une semaine après le bombardement de la base syrienne d’Al-Chaayrat, les USA ont largué “la mère de toutes les bombes”, le 13 avril, sur des positions attribuées à Daech. Peu implantée dans ce pays, l’organisation terroriste sert de prétexte, en réalité, à une démonstration de force. Poussé par l’Etat profond, le président-milliardaire veut montrer que sa main ne tremble pas. Le choix de la bombe GBU43/B n’est pas fortuit. C’est l’arme conventionnelle la plus puissante dont dispose Washington. Son usage expérimental signifie que les USA sont prêts à frapper fort, sans risquer pour autant l’escalade nucléaire. Il ne reste plus qu’à choisir les futures cibles.
Fabriqué en 2003, cet effrayant engin de 9 tonnes n’avait jamais été utilisé. Donald Trump l’a fait. Joyau d’une industrie de l’armement qui fait la pluie et le beau temps à Washington, il sort enfin du hangar et pulvérise la montagne afghane sous les vivats des actionnaires du lobby militaro-industriel. Officiellement, c’est pour détruire des souterrains utilisés par les djihadistes dans la région de Nangarhar. En réalité, c’est pour adresser un message d’une subtilité typiquement nord-américaine à l’Iran voisin, à l’incorrigible Corée du Nord, à la Syrie récalcitrante, et indirectement, bien sûr, à la Russie qui ose tenir la dragée haute à Washington. La devise de la politique de Trump, c’est “colossale finesse”.
Selon Edward Snowden, cette opération visait aussi à éliminer les traces d’installations clandestines créées par la CIA, dans les années 80, au profit des moudjahidines luttant contre le Satan soviétique. C’est fort possible, et ce n’est pas contradictoire avec les objectifs précédents. Au total, cette gesticulation militaire américaine commence à devenir sérieusement inquiétante. En Syrie, la DCA a probablement abattu 36 des 59 missiles de croisière lancés par les deux navires américains, mais ni Damas ni Moscou ne l’ont claironné. La presse russe a d’ailleurs longuement expliqué les raisons pour lesquelles Moscou, désireux d’éviter toute surenchère, n’a pas répliqué à cette agression contre son allié syrien.
Mais le commandement militaire syro-russo-iranien a aussi publié un communiqué qui ne laisse aucun doute sur l’intention qu’a cette alliance militaire de riposter, d’une manière ou d’une autre, si Washington récidive. A force de provoquer ses adversaires, on finit par en faire des ennemis, et la Maison-Blanche a visiblement décidé de les multiplier par son attitude agressive. On doit aussi mesurer l’importance du danger qui plane sur nos têtes en regard de l’intelligence de ceux qui occupent des fonctions stratégiques. Selon Sean Spicer, porte-parole de la Maison-Blanche, “Assad est pire qu’Hitler car Hitler n’a pas utilisé d’arme chimique”. L’administration Trump, c’est comme un mélange de Fabius et de Faurisson. Le souffle de l’esprit fait des courants d’air à “White House” !
Hélas, la bêtise est communicative et elle saute aisément l’Atlantique. Pendant que les “Docteur Folamour” de Washington menacent la paix du monde, certains candidats à l’élection présidentielle, eux, se croient obligés de stigmatiser Bachar Al-Assad. Tétanisés par les accusations grotesques dont l’administration américaine couvre le président syrien, ils font comme si c’était lui, l’accusé, qui menaçait l’humanité avec ses foucades guerrières, et non son accusateur, ce président US qui jubile de pouvoir utiliser les merveilleux joujoux que lui offre une industrie de la mort plus prospère que jamais.
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