SENTV : Leral revisite la lutte sénégalaise à travers les hauts faits des anciens champions comme Robert Diouf, Mbaye Guèye, Falaye Baldé entre autres. Pour ce livre ouvert, Alioune Camara dit Boy Bambara débute la saga. Ce sont des extraits du livre du journaliste Omar Sharif Ndao sur la lutte sénégalaise « Au-delà des millions et des passions ».
LE «LEEMOU», PREMIÈRE ARME DU LUTTEUR
«Léémou nalééne, yalla na lééne yalla léémou. Léémou nalééne ayéééé, nalèène yalla léémou. Kouy Daane, di daanoo, danou matoul dioy, ni dosséne massou baayéé».
C’est une chose (un silence rempli d’émotion, car Boy Bambara ne pouvait retenir ses larmes). Cette chanson est le refrain que le chanteur ou la chanteuse doit entamer. Il fait des incantations, lui demande d’abord son arbre généalogique. Et quand le griot répète les hauts- faits des parents du lutteur, il ne peut avoir d’autre comportement que celui d’un champion.
«La lutte est dénaturée, car il n’y a plus de belles chansons. Il n’y a que des tricheurs actuellement. Tout lutteur qui n’éprouve rien pour une chanson traditionnelle n’est pas un lutteur. «Kou waye doul danéle, doo mbeur.»
«Quand je pénétrais dans l’enceinte du stade, quand Khar Mbaye, Ndèye Ngom Bambilor ou Seck Ndanane enchaînaient avec le Khaaroo Yalla, j’étais comme dopé. Bassirou Diagne (Grand Serigne de Dakar) incitait même les griots à ne pas chanter le refrain si je devais affronter ses lutteurs.
N’empêche, les premières notes m’avaient déjà transformé. Le refrain était un dopage naturel pour moi. Quand j’entendais les sonorités, il m’arrivait de terrasser 20 lutteurs dans la soirée. Avant même de fouler le stade, je ne pouvais retenir mes larmes. C’est comme si j’allais en guerre sur mon cheval et qu’on chantait mes louanges. C’est fort !
Dommage que les jeunes ne le comprennent pas. Maintenant, on ne sait plus qui est qui.
Demandez à Mansour Mbaye (communicateur traditionnel) comment Boy Bambara se comportait en entendant ces refrains. Demandez entre Mbaye Guèye, Mbaye Gorgui et moi. Personne ne pouvait m’arrêter quand j’étais dans mes états ! «Kène atanouma wone». La lutte a disparu dans les nuages. C’est un autre modèle de lutte. Je vais au stade pour rectifier mes lutteurs, mais pas pour entendre les chansons sérères et wolofs. Elles ne me font plus rien. «Way danélatouma, beuré bou nekh amatoul».
«MBEUR DAFA WARA DEGUE GALAGNE»
«Excusez-moi, c’est plus fort que moi. Il n’y a plus de chansons. Les lutteurs ne l’ont plus dans le sang. La lutte est maintenant agréable, c’est pourquoi tout le monde le pratique. L’argent coule à flots, mais il n’y a plus de lutteurs. On est grand, fort et l’on se dit lutteur.
Autre fois, le lutteur n’était pas grand. Il pouvait être petit, mais parvenait à terrasser un lutteur de 200 kg. A notre époque, on pratiquait la lutte à travers les «mbapatt», pendant dix ans ou plus. Quand j’essayais dans les jambes, je progressais au niveau de la ceinture. Si cela cale, je progresse au niveau de la poitrine. A notre époque, Mbaye Guèye, Double Less, Papa Kane, Pape Diop, Robert Diouf, moi-même, on était meilleurs que les lutteurs actuels.»