Très présent sur la scène internationale depuis son élection, le président Emmanuel Macron s’exprimer ce lundi devant le Congrès à Versailles, un procédé inédit à ce stade d’un quinquennat. Le chef de l’État devrait réaffirmer un certain nombre d’initiatives annoncées durant la campagne présidentielle et définir sa vision pour les cinq ans à venir.
Si le silence est d’or, la parole est d’argent, a fortiori quand elle est rare. Partant de ce principe et pour rompre avec les habitudes de ses deux prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande qui s’exprimaient souvent, Emmanuel Macron s’adressera ce lundi au Congrès à Versailles pour sa première allocution devant le pays depuis son discours d’investiture, à l’Elysée, le 14 mai dernier. Sauf événement grave, ce sera aussi sa dernière adresse devant les Français avant longtemps puisqu’il a décidé de raréfier la parole présidentielle. Contrairement à ses devanciers, il a par exemple choisi de ne pas se plier à la traditionnelle interview télévisée du 14 juillet, institution médiatique inaugurée il y a quarante ans par Valéry Giscard d’Estaing (1).
Preuve que l’évènement de Versailles sera solennel : ce sera seulement la troisième fois sous la Ve République qu’un président s’exprime devant les élus de l’Assemblée nationale et du Sénat, une initiative rendue possible depuis la loi du 23 juillet 2008 qui permet au chef de l’État de prendre la parole devant le Parlement. La première fois, c’était le 22 juin 2009 lorsque Nicolas Sarkozy avait annoncé toute une batterie de mesures, notamment pour faire face à la crise économique ; et la seconde le 16 novembre 2015, quand François Hollande avait tenu à rassembler la nation dans la lutte contre le terrorisme après les attentats survenus trois jours plus tôt à Paris. C’est en revanche la première fois qu’un président réunit les parlementaires au tout début de son mandat. Un 3 juillet qui n’a pas été choisi au hasard puisqu’il est situé juste avant les premiers grands départs en vacances, et que le Château de Versailles est fermé au public chaque lundi.
Une Initiative inhabituelle et critiquée
Sitôt la date connue, l’annonce a provoqué quelques remous dans l’opposition, notamment chez Les Républicains qui n’ont pas manqué de souligner que la prise de parole présidentielle interviendrait seulement un jour avant le traditionnel discours de politique générale que doit prononcer le Premier ministre LR Édouard Philippe mardi devant l’Assemblée.
Pour beaucoup de ses détracteurs, ce « court-circuitage » de son Premier ministre ne fait que réaffirmer l’impression de toute puissance laissée par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir et renvoie à cette tentation de présidence « jupitérienne » qu’il avait évoquée lui-même lors d’un entretien avec l’hebdomadaire Challenges en octobre 2016. Le coût de l’organisation de ce Congrès a également été dénoncé sans que l’on sache encore précisément s’il se situera dans la fourchette haute (600 000 euros) ou basse (160 000 euros) par rapport aux Congrès précédents.
Dénonçant « le franchissement d’un seuil dans la dimension pharaonique de la monarchie présidentielle », le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a en tous cas fait savoir que lui et son groupe ne se rendraient pas à Versailles lundi, imités en cela par les communistes, deux députés de l’UDI et un du PS.
À l’Élysée comme à Matignon, on ne voit évidemment pas les choses sous le même angle et on fait nettement le distinguo entre les deux discours. A Versailles, Emmanuel Macron va définir le cap et les étapes de son quinquennat dans une allocution qui se veut être une sorte de « discours sur l’état de l’Union » à l’américaine, alors que mardi Édouard Philippe détaillera plutôt les mesures budgétaires prévues par son gouvernement, comme le font tous les Premiers ministres en début de mandat. Le locataire de Matignon avait d’ailleurs délocalisé vendredi son gouvernement à Nancy pour un séminaire de 24 heures destiné à préparer les annonces de la semaine à venir.
Dix conseillers techniques « partagés » travaillant en même temps pour l’Elysée et pour Matignon, un soin particulier aurait été apporté pour que les discours d’Emmanuel Macron et d’Édouard Philippe ne se chevauchent pas et ne souffrent d’aucune redondance à 24 heures d’intervalle. Si rien n’a transpiré du discours présidentiel de Versailles, il semble acquis qu’Emmanuel Macron va réaffirmer un certain nombre de priorités énoncées durant la campagne électorale : moralisation de la vie publique, modification du Code du travail, fin des régimes spéciaux, réforme du système éducatif, engagement à tenir les déficits sous les 3%.
De même, il est fort probable qu’il annonce devant les principaux intéressés, la réforme du Parlement : diminution du nombre de députés et de sénateurs, introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives. Il en profitera également pour fixer une feuille de route pour les cinq ans à venir et définir le rôle qu’il entend faire jouer à la France en Europe et dans le monde. D’après ce qui filtre de l’entourage du pouvoir, aucune mesure surprise ne devrait en revanche être annoncée, même si le propre des surprises est justement que l’on ne les connaît pas à l’avance.
Pas de droit à l’erreur
Si quelques incertitudes subsistent quant au contenu du discours présidentiel devant le Parlement, on connaît déjà le déroulé de la journée versaillaise : déjeuner avec les bureaux des deux assemblées et tous les présidents de groupe (hormis Jean-Luc Mélenchon pour la raison évoquée plus haut), introduction dans l’hémicycle de l’aile du Midi du Château par le président fraîchement élu de l’Assemblée nationale, François de Rugy, puis prise de parole du président à 15h00 pour un discours qui devrait durer autour de 60 minutes.
L’intervention d’Emmanuel Macron sera ensuite suivie d’interventions des différents groupes politiques, chaque orateur se voyant octroyer un temps de parole de 10 minutes. Pour l’exécutif, la réussite de cette journée revêt une très grande importance avant l’annonce de mesures a priori impopulaires concernant le Code du travail et à deux mois d’une rentrée sociale qui pourrait être agitée.
Élu, entre autres critères, sur la promesse d’un gouvernement au-dessus de tout soupçon, Emmanuel Macron a déjà dû se séparer de quatre ministres (Richard Ferrand, Sylvie Goulard, François Bayrou et Marielle de Sarnez) visés par des enquêtes préliminaires pour abus de confiance. Et il en voit en ce moment une cinquième, la ministre du Travail Muriel Pénicaud, être soupçonnée de favoritisme dans l’organisation d’une soirée à Las Vegas durant laquelle lui-même avait rencontré des dirigeants de start-up françaises en janvier 2016, alors qu’il était encore ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Parallèlement, les chiffres du chômage sont repartis à la hausse au mois de mai (+ 0,6%) et une enquête d’opinion publiée dimanche par l’IFOP annonce que le moral des Français est de nouveau à la baisse (44% d’optimistes contre 52% au lendemain de l’élection présidentielle). Autant dire que, ce lundi à Versailles, la clarté de la parole de « Jupiter » sera beaucoup plus scrutée que celle des eaux, toutes proches, du Bassin de Neptune.
(1) Le 14 juillet, Emmanuel Macron a prévu d’accueillir le président américain Donald Trump au défilé sur les Champs Élysées avant de se rendre à Nice pour rendre hommage aux victimes des attentats de la promenade de Anglais qui avaient fait 86 morts et 434 blessés il y a un an.
RFI