Agressions contre les journalistes, Convention collective, régulation… : Les maux de la presse déposés au palais
SENTV : Le secrétaire général du Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS) a fait face, hier 1er Mai, au chef de l’Etat, lors de la traditionnelle cérémonie de remise de cahiers de doléances, à l’occasion de la Fête du Travail.
Occasion pour Bamba Kassé de lister les maux qui gangrènent le secteur des médias. Ainsi, il a commencé par «étaler tout son désarroi d’avoir appris, au mois d’avril dernier, que le Sénégal, en lieu et place de la 47e place dans le classement de RSF en 2019, occupe désormais la 49e place ! Soit un recul de 2 places !».
«Dans le concert des standards qui caractérisent les régimes démocratiques, nous avons ainsi vu l’image lisse et policée de notre pays prendre un léger coup de griffe. La question légitime est alors : pourquoi ? Pourquoi Dakar, qui accueille la quasi-totalité des organisations internationales de la presse qui y ont leur siège africain, est subitement pointé du doigt comme n’étant plus à sa place ? Entre autres réponses, Monsieur le Président de la République, et sans faire dans la langue de bois, le Sénégal a reculé parce que la presse sénégalaise a fait l’objet de multiples agressions, le plus souvent impunies», a-t-il soutenu.
«La presse sénégalaise est aujourd’hui piétinée, agressée, menacée, attaquée, trainée dans la boue !»
Pour Bamba Kassé, «la presse sénégalaise qui, jadis et très récemment encore, faisait la fierté de tous, est aujourd’hui piétinée, agressée, menacée, attaquée, trainée dans la boue ! Alors qu’habituellement, les quelques violations des droits des journalistes étaient à ranger dans la rubrique d’incidents, à l’occasion notamment de déploiement de forces de l’ordre, aujourd’hui, les médias sont victimes d’un système de guérillas à la sève fasciste. On cherche à leur faire peur ou à les faire taire !».
Poursuivant son argumentaire, le SG du SYNPICS balance : «En mars dernier, le Groupe futurs médias a fait l’objet d’attaques abjectes au cocktail Molotov ! Des véhicules y ont été incendiés et son personnel a dû se réfugier pour échapper à la furie qui aurait pu être meurtrière. Le quotidien national ‘’le Soleil’’ a également fait l’objet d’une tentative d’incendie et ses employés d’une tentative d’attenter à leur intégrité physique. D’autres groupes de presse ont été la cible de tentatives d’attentat qui, heureusement, n’ont pu se réaliser grâce à la réaction des forces de l’ordre, mais surtout parce que le concert de désapprobations avait fini de gagner l’opinion.»
A cet effet, Bamba Kassé demande la réforme du secteur des médias qui, «malgré des efforts considérables, demeure encore une jungle où l’absence de contrôle des règles aidant, les plus puissants continuent d’écraser les plus faibles».
«La Convention collective n’est toujours pas appliquée pour les reporters et ils ne bénéficient d’aucune couverture, ni sanitaire ni sociale»
Toujours dans son discours, le journaliste fait noter que les jeunes reporters sortant d’écoles sont marginalisés, leurs conditions de travail sont des plus précaires. «La Convention collective n’est toujours pas appliquée et ils ne bénéficient d’aucune couverture, ni sanitaire ni sociale. Dans la plupart des cas, il s’entend. On ne parlera même pas de leur rêve légitime de pouvoir, comme tous les travailleurs, disposer, un jour, d’un logement décent, fruit de leur labeur, à leur retraite. Ils sont laissés à eux-mêmes par une grande partie du patronat de presse, plus délinquant en col blanc, qu’entrepreneur engagé dans un secteur sacerdotal», souligne-t-il.
Bamba Kassé de s’interroger : dans un pays où la loi sur la publicité date de 1983, devrait-on s’étonner que les médias, surtout privés, dépourvus de ressources, en viennent à privilégier les clics et les likes ? «Nous le voyons tous, Monsieur le Président de la République, le secteur des médias doit faire l’objet d’une réforme en profondeur, qui permettra de disposer d’entreprises fortes, bien dotées en ressources et pouvant, à la sueur de leurs innovations quotidiennes, renforcer la confiance du public et ainsi engranger des ressources», dit-il.
Et de continuer : «C’est à cette réforme que nous invitons l’Etat du Sénégal avec notre projet d’assises des médias. A l’issue de cette réforme, nous espérons un contrôle plus strict des conditions d’existence légale des entreprises de presse. Si elles s’y conforment, l’Etat devrait, en sus, considérer la presse comme un secteur prioritaire, veiller à ce qu’il s’y exerce un travail de qualité par des ressources humaines dont les besoins primaires en tant que travailleurs seront pris en charge.»
Les assurances de Macky Sall
Répondant aux interpellations du SG du SYNPICS Bamba Kassé, le président de la République a, toutefois, laissé entendre que «si notre pays a reculé dans le classement des grandes démocraties qui protègent la liberté de la presse, ce n’est pas du fait du gouvernement, de l’action de l’Etat».
«C’est surtout aux agressions dont sont victimes les journalistes et les maisons de presse, à l’occasion d’événements malheureux que les gens ont voulu en profiter pour instaurer un climat de terreur. Et cela est inacceptable. Donc, je compte sur les professionnels, à travers les assises des médias que vous allez organiser, pour dire que j’attendrai avec beaucoup d’attention les conclusions qui en seront issues».
Macky Sall de rassurer également les journalistes : «Nous allons travailler main dans la main pour vous accompagner, car vous savez qu’avant mon arrivée à la tête du pays, le Code de la presse était en difficulté depuis des années. Aujourd’hui, beaucoup de questions ont été prises en compte, mais il reste aussi des choses à faire. J’ai instruit le ministre de la Communication à nous sortir tout ce qui restait sur les grandes lignes pour que véritablement tout soit pris en charge.»