Dans son exercice de défense du Président de la République et de son frère devant leur gestion népotique et obscure de nos ressources pétrolières et minières, le Premier Ministre a demandé aux Sénégalais de prendre des cours de droit pétrolier, spécialement en ce qui concerne le terme “Farm-out” ou “Farm-in”. J’ai bien entendu suivi son conseil. Ainsi après avoir recherché dans Google le terme Farm in et Farm out, je me suis aussi permis de faire une analyse financière des états financiers de Kosmos Energy en comparant le second trimestre 2014 au troisième trimestre 2014. Cette recherche me permet de démentir formellement le Premier Ministre quand il dit qu’il n’y a pas eu d’échanges de liquidités (cash) dans la transaction entre Timis Corporation et Kosmos Energy. Voici ma démarche et mes résultats :
Tout d’abord revoyons la définition que Kosmos a de Farm-in et Farm-out (obtenu des états financiers cites ci-dessous page 4) :
Farm-in : “An agreement where an oil company acquires a portion of the participating interest in a block from the
owner of such interest, usually in return for cash and for taking on a portion of the drilling costs of one or
more specific wells or other performance by the assignee as a condition of the assignment”.
En français (excusez ma traduction littérale): « Un accord (d’affermage) où une entreprise de pétrole acquiert une portion participative dans un bloc d’un propriétaire, généralement en contrepartie de cash et de la prise en charge d’une partie des coûts d’exploration d’un ou d’autres puits plus spécifiques, ou de la performance par l’acheteur de toute autre fonction comme condition de l’assignation. »
Farm-out: « An agreement whereby the owner of the participating interest agrees to assign a portion of its participating interest in a block to another party for cash or for the assignee taking on a portion of the drilling costs of one or more specific wells and/or other work as a condition of the assignment.
En français: “ Un accord (d’affermage) ou le propriétaire d’un intérêt participatif assigne à une autre partie une portion de son intérêt dans un bloc, en contrepartie de cash ou de la prise en charge par l’acheteur d’une portion des coûts d’exploration d’un ou d’autres puits plus spécifiques, et/ou d’autres travaux comme conditions de l’assignation. »
Le mot clé dans ces définitions est à mon sens le mot cash. En termes clair, le Farm out (pour Timis) et le Farm-in (pour Kosmos) revêtent la possibilité d’un échange de liquidités (cash) en plus de l’assignation des coûts de travaux.
Le Premier Ministre nous dit qu’il y’a pas eu d’échange de cash entre Timis et Kosmos dans cette transaction de Farm-In pour Kosmos et Farm-Out pour Timis. Il affirme dans son allocution du Mardi 21 Septembre 2016, qu’il s’agit tout simplement d’assignation de coûts d’exploration de Timis à Kosmos.
Si le Premier Ministre et le gouvernement (comme il l’indique) tiennent vraiment à la transparence, il doivent alors publier le contrat d’acquisition entre Timis et Kosmos, comme ils ont publié les contrats pétroliers, afin que le Sénégalais lambda se fasse une religion une bonne fois pour toute. Et pendant que nous y sommes, il devront aussi publier le document de transfert de titre de Petrotim a Timis Corporation, ainsi que les Etats financiers de Petrotim depuis sa création en 2012 jusqu’à sa vente en liquidation a Timis Corporation en 2014. Ces documents doivent être en possession du gouvernement comme l’exige le Code pétrolier et la convention entre Petrotim et Petrosen. Rappelons que pour ces deux transactions, la Petrosen a choisi de ne pas exercer son droit de préemption.
En attendant la publication de tels documents, je me suis permis de visiter les états financiers de Kosmos Energy obtenus avec le SEC (Securities and Exchange Commission) aux Etats Unis. Je me suis intéressé plus particulièrement aux états financiers trimestriels de Juillet à Septembre 2014. La raison en est que Kosmos a acquis les 60% de parts de Timis au mois d’Aout 2014. S’il y a pas eu de transactions en cash, il serait facile de le voir en analysant ces états financiers et en les comparant avec ceux précédents.
Voici le lien internet pour ceux qui veulent voir le document pour la période de Juillet à Septembre 2014 (désolé pour les non-anglophones) : https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1509991/000110465914075847/a14-19714_110q.htm
Voici le lien internet pour la période d’Avril à Juin 2014 : https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1509991/000110465914056282/a14-13979_110q.htm
En analysant le Consolidated Statements of Cash Flows (Etats Consolidés des Flux de Trésorerie), qui indique tous les flux de cash (entrées et sorties), on note en comparant les deux documents que : (Page 10 dans chaque document)
- Pour la période de Janvier à Juin 2014 (6 mois), Kosmos a acquis ou dépensé $186 millions de dollars dans ses actifs immobilisés de pétrole et gaz (Oil & Gas Assets) (blocs, puits, etc…). Notez que c’est bien avant l’acquisition des 60% de Timis.
- Pour la période de Janvier à Septembre 2014 (9 mois) (qui inclut la période de l’acquisition des 60% de Petrotim), Kosmos a acquis ou dépensé $290 millions de dollars dans ses actifs immobilisés de pétrole et gaz.
- Pour voir combien Kosmos a dépensé en cash (dans ses actifs immobilisés de pétrole et gaz) pour la période Juillet 2014 à Septembre 2014, il suffit de faire la différence entre les $290 millions et les$ 186 millions : soit $104 millions de dollars.
La question est donc maintenant à qui ces 104 millions de dollars ont été payés ? Pour y répondre, il faudrait d’abord aller à la page 12 du document dans les « Notes to the Consolidated Financial Statements » (Notes afférentes aux Etats Financiers Consolidés) : La aussi en comparant les deux états financiers on peut voir que les actifs réserves non-prouvées (unproven properties dans le document) sont passés de $628 millions de dollars à $716 millions de dollars en Juillet et Septembre 2014, soit une augmentation de $88 millions de dollars. Je me limite à ces actifs réserves non-prouvées parce qu’en ce moment (Septembre 2014), aucune exploration n’avait encore commencé pour les blocs de Cayar et Saint Louis Offshore, et par conséquent, tout achat d’actifs relatif à ces deux blocs est comptabilisé sous les actifs réserves non-prouvées.
Un actif immobilisé est un actif destiné à rester durablement dans l’entreprise. Pour Kosmos, son intérêt participatif dans un bloc pétrolier est considéré comme un actif immobilisé. Kosmos distingue aussi ces genres d’actifs en réserves prouvées (par une exploration qui a déjà eu lieu), et non-prouvées (pas encore d’exploration). Notez aussi que les règles comptables exigent l’évaluation de tout actif au prix d’acquisition.
Qu’est ce qui peut alors bien justifier cette hausse de l’actif ($88 millions) et les correspondants décaissements ($104 millions) notés un peu plus haut lors de l’analyse des flux de trésorerie ? Les états financiers trimestriels de Septembre 2014 nous l’expliquent : A la page 13, juste après le tableau des actifs (réserves prouvées, non-prouvées etc…), l’explication de Kosmos est la suivante (4eme paragraphe page 13) :
“In August 2014, we entered into a farm-in agreement with Timis Corporation Limited, whereby we acquired a 60% participating interest and operatorship, covering the Cayar Offshore Profond and Saint Louis Offshore Profond blocks offshore Senegal. As part of the agreement, we will carry the full costs of a planned 3D seismic program. Additionally, we will carry the full costs of two contingent exploration wells, subject to a maximum gross cost per well of $120.0 million, should Kosmos elect to drill such wells. We also retain the option to increase our equity to 65% in exchange for carrying the full cost of a third contingent exploration or appraisal well, subject to a maximum gross cost of $120.0 million.”
En français, l’explication est la suivante: « En Août 2014, nous avons conclu un accord de Farm-In (affermage) (n’oubliez pas la définition d’en haut), avec Timis Corporation Limited, dans lequel nous avons acquis un intérêt participatif de 60%, couvrant les blocs Cayar Offshore Profond, et Saint Louis Offshore Profond au Sénégal. En contrepartie de l’accord, nous allons supporter le coût total du programme séismique 3D. Nous allons également supporter le coût total de deux puits d’exploration contingents, jusqu’à hauteur d’un coût total par puits de $120 millions, au cas où Kosmos choisit de creuser ces puits. Nous avons aussi retenu notre option d’augmenter notre part d’intérêt jusqu’à 65% en échange du coût d’un troisième puits d’exploration contingent ou d’un puits d’appréciation, jusqu’à un coût maximum de $120 millions de dollars. »
Si on compare les Etats financiers des deux trimestres Avril à Juin et Juillet à Septembre 2014, seule la variante Timis a changé dans la période, ce qui explique en grande partie les $104 millions de dollars de sortie de trésorerie (liquidités) et l’augmentation correspondante des actifs immobilisés de réserves non prouvées (unproven reserves properties) de $88 millions.
L’analyse de ces états financiers révèle donc que Kosmos a payé cash ses 60% d’intérêts participatifs pour les deux blocs (Cayar et Saint Louis Offshore) en raison d’au-moins $88 millions de dollars. Cette somme est directement traçable, dans les états financiers, à l’acquisition par Kosmos des 60% d’intérêts participatifs de Timis Corporation. Ce qui contredit formellement la version du Premier Ministre et à travers lui celle du Gouvernement.
Alioune Gueye, CPA
Expert Comptable
Columbus, Ohio
La Rédaction SENTV.info