SENTV : La situation de la mortalité maternelle et infantile en 2020 au Sénégal présente un tableau effarant et les chiffres qui l’attestent font froid au dos. Près de 791 décès maternels ont été recensés, contre 3721 décès néonataux, selon le rapport de la Direction de la Santé de la mère et de l’enfant, en 2020 au Sénégal. Une mortalité qui est souvent due à l’asphyxie, la prématurité et les infections.
Les régions les plus touchées sont Tambacounda, Kédougou, Sédhiou, Kolda, Mbour et Kaffrine. Là où à Saint-Louis, la mortalité a connu un net recul. Excepté dans le département de Podor.
TAMBA : 102 femmes ont trépassé en donnant la vie et 354 nouveau-nés décédés
Les chiffres font froid dans le dos. Malgré les efforts consentis ces dernières années, le taux de mortalité maternelle et infantile a connu une courbe ascendante inquiétante en 2021. ««102 femmes enceintes ont rendu l’âme, en donnant la vie et 354 nouveau-nés sont décédés quasiment dans pareille situation», souffle Bayal Cissé, médecin-chef de région de Tamba qui prenait part à une cérémonie de remise d’ambulances aux régions de Tamba et Kédougou. Un bilan macabre qui porte à 456, le nombre total de personnes décédées dans le courant de l’année 2020 dans la seule région de Tamba.
Pour le patron de la santé dans la région orientale, ces ambulances aideront les acteurs de la santé à réduire drastiquement le taux de la mortalité maternelle et infantile. «Ces ambulances vont nous aider à sauver des vies, à lutter pour la vie, surtout que la couverture passive en infrastructure sanitaire a été augmentée. De 126, on est passé 144 postes de santé dans la région de Tamba qui ne dispose que de seulement 38 ambulances», indique le Dr. Cissé. En outre, le patron de la région médicale de Tamba renseigne que 85 % de ces décès étaient évitables, si la région était pourvue de suffisamment d’ambulances. Poursuivant, le Dr Cissé annonce l’affectation dans les prochains jours, d’un infirmier chef de poste à Saré Ely, pour gérer le poste de santé construit par le «Puma».
DIOURBEL : L’asphyxie, la prématurité et les infections, cause de mortalité chez les nourrissons
Région la plus peuplée après Dakar avec une démographie de 1 859 503 habitants soit 11,1%, Diourbel qui est très bien dotée en infrastructures sanitaires (4 districts sanitaires, 3 hôpitaux, 8 centres de santé, 100 postes de santé, 108 cases de santé dont 27 non-fonctionnelles), continue d’enregistrer chaque année une forte mortalité infantile. Même si une baisse a été notée entre 2017 et 2019. «De 28 pour 1000 en 2017, la mortalité est passée à 23 pour 1000 en 2019», indique Adjaratou Fatou Sène Ndiaye, coordonnatrice de la santé de la reproduction au niveau de la région médicale de Diourbel. N’empêche, Diourbel fait partie des régions les plus touchées par la mortalité néonatale avec un taux qui dépasse largement la moyenne nationale. «En 2017, on avait un taux de 31 pour 1 000 naissances vivantes qui était largement supérieur à la moyenne nationale qui était de 28 pour 1 000 naissances vivantes», souligne Adjaratou Fatou Sène Ndiaye. Les plus fréquentes pathologies de décès de nouveau-nés sont au nombre de trois dans la région de Diourbel. «Il y a l’asphyxie en premier, puis la prématurité et les infections néonatales», précise Adjaratou Fatou Sène Ndiaye. Cependant, beaucoup d’efforts sont en train d’être consentis par rapport à «la réanimation du nouveau-né, mais aussi à la surveillance de l’accouchement assisté par un personnel qualifié. «Avec ce dispositif, on peut éviter l’asphyxie des nouveau-né en réanimant dès la première minute le nouveau-né», rassure Mme Ndiaye. La coordinatrice de la santé de poursuivre : «Par rapport à la prématurité, aussi, il y a des efforts qui sont faits. On forme surtout les prestataires et on densifie la sensibilisation par rapport à la nutrition et beaucoup de choses concernant la population, surtout les femmes.»
KOLDA : L’érection de maternités de campagne pour lutter contre la mortalité infantile et néonatale
Nombreuses sont les causes liées aux décès maternels et néonatals à Kolda. Selon les dires de certains agents de santé en charge de la santé de la mère et de l’enfant, il existe des causes directes et indirectes. Parmi celles-ci, on note les hémorragies obstétricales surtout en postpartum, l’hypertension artérielle, les infections, les avortements, l’anémie, le retard pour les CPN (consultations prénatales), les avortements, l’embolie, les grossesses précoces, de même que les grossesses rapprochées. Ainsi, s’abstenant d’avancer des chiffres, nos interlocuteurs restent convaincus que pour gagner la lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile, les soins obstétricaux et néonataux d’urgence (SONU) sont la meilleures stratégie qui permet une prise en charge des complications responsables des décès maternels et de nouveau-nés, plus d’autres stratégies comme la planification familiale et l’accouchement par un personnel qualifié. Et à Kolda, l’affectation récente d’un nombre important de sages-femmes dans le cadre du programme ISMEA donne du baume au cœur aux autorités sanitaires de la région. Elles envisagent, nous confie-t-on, l’ouverture de «maternités de campagnes». Qui, certainement, vont contribuer considérablement à «éviter les cas de décès maternelle, néonatale et infanto-juvénile».
MBOUR : L’absence de formation en soins obstétricaux-néonatals d’urgence de base pointée du doigt
Malgré le nombre important de structures sanitaires implantées et le dynamisme du personnel sanitaire, force est de reconnaître que le phénomène de la mortalité maternelle et néonatale prend des proportions très inquiétantes à Mbour. Avec 34 postes de santé, 1 centre de santé et 1 EPS (établissement public de santé), Mbour n’a pas encore réussi à intégrer le lot des meilleurs en termes de lutte contre la mortalité maternelle et néonatale. D’après les explications d’Aminata Sokhna, coordonnatrice Santé de la Reproduction (CSR) au district sanitaire de Mbour, en 2019, 23 décès maternels et 49 décès néonatals ont été enregistrés dans les différentes structures sanitaires de Mbour. Et sur ces cas de décès notés en 2019 chez ces futures mamans et leurs bébés, la blouse blanche indique que les 22 décès maternels et 49 décès néonatals ont eu lieu à l’EPS de Mbour (établissement public de santé). Au courant de l’année 2020, Aminata Sokhna, renseigne que 26 cas de décès maternels et 51 cas de décès infantiles ont été recensés à Mbour. Dont 22 décès maternels et 28 décès néonatals répertoriés à l’EPS de la localité. Une situation qui n’a cependant pu être maîtrisée en 2021 par les autorités compétentes. Car, cette année encore, 30 femmes enceintes ont perdu la vie en donnant la vie. Et 54 nouveau-nés sont malheureusement morts pendant ou juste après leur naissance. Ces décès sont surtout causés par l’hémorragie post-partum (HPP), l’hémorragie rétro placentaire (HRP), la rupture utérine, la pré-éclampsie, l’éclampsie, de l’infection et de l’anémie. S’agissant de la mortalité néonatale, Aminata Sokhna précise que ses causes s’expliquent surtout par une prématurité chez les nouveau-nés, l’asphyxie et les infections. Par ailleurs, elle pointe du doigt le manque de formation en Soins Obstétricaux-Néonatals d’Urgence de Base (Sonub) chez les sages-femmes qui n’ont, malheureusement, pas toutes bénéficié de cette connaissance de taille dans la pratique du métier. Sans oublier le faible niveau du plateau technique et du déficit de matériel de réanimation des nouveau-nés dont souffre l’EPS de Mbour.
SAINT-LOUIS : Une nette amélioration malgré une certaine disparité dans la région
A Saint-Louis, la mortalité infantile a connu une baisse considérable ces cinq dernières années. Dans la ville tricentenaire, le taux de mortalité infantile (0-4 ans) est passé de 44/%° à 29%° pour l’année 2020. Dans cette même période, la mortalité juvénile (5-9 ans) a également baissé et cela de manière significative, car elle est passée de 29 à 8%. D’après la région médicale de Saint-Louis, ces performances doivent être mises sur le compte des soins prénatals et des suivis apportés durant la grossesse et après l’accouchement à la mère et à l’enfant. «Pour être efficaces, les soins prénatals doivent débuter à un stade précoce de la grossesse et surtout, ils doivent se poursuivre avec une certaine régularité jusqu’à l’accouchement. Bien que la quasi-totalité des femmes aient reçu des soins prénatals par du personnel formé, seulement 56 % ont effectué au moins les quatre visites recommandées», indiquent les données de l’enquête démographique sanitaire fournies par la région médicale de Saint-Louis. Il faut noter qu’une proportion importante de décès maternels et de décès de nouveau-nés qui surviennent dans la période néonatale se produisent dans les 48 heures qui suivent l’accouchement. Pour cette raison, toutes les femmes et les nouveau-nés bénéficient de soins postnatals dans les deux jours qui suivent l’accouchement. Les résultats montrent que parmi les femmes ayant eu une naissance au cours des deux dernières années, 80 % ont reçu des soins postnatals dans les 48 heures suivant la naissance, conformément aux recommandations de l’OMS. La couverture en soins postnatals varie selon les différentes caractéristiques des femmes : 85 % en milieu urbain contre 78 % en milieu rural). La comparaison des résultats depuis l’enquête de 2012-2013 montre une tendance à la hausse de la proportion de femmes ayant reçu des soins postnatals dans les délais recommandés, la proportion étant passée de 67 % à 80 % en 2019.
Pour ce qui est des causes, les infections respiratoires aiguës, la fièvre et la déshydratation provoquées par des diarrhées sévères constituent les principales causes de décès d’enfants. Selon le Dr Seynabou Ndiaye, médecin chef de région, c’est le département de Podor qui est le plus impacté dans la région de Saint-Louis par rapport à la mortalité infantile. En effet, hormis les infections respiratoires aiguës, c’est la malnutrition qui constitue le deuxième facteur de décès infantile dans le département de Podor.
PAPE OUSSEYNOU DIALLO, SAER SY, SOULEYMANE SALL, MARIAMA GUEYE et AMADOU SAMOURA