Théâtre d’affrontements réguliers entre forces de l’ordre et manifestants, la RD Congo n’en finit pas de sombrer dans la violence embourbée qu’elle est dans le refus d’alternance que semble organiser le président Joseph Kabila.
La République démocratique du Congo (RDC), où les forces de sécurité ont réprimé dimanche les marches de catholiques, est en proie à de graves troubles qui durent depuis presque trois ans. Le point de départ de la crise : le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, après l’expiration de son mandat. Zoom sur le film d’une plongée en enfer politique.
· 2015 : le début du « glissement »
Le 17 janvier 2015, l’Assemblée nationale adopte un projet de loi électorale susceptible d’entraîner un report de la présidentielle et de permettre à M. Kabila de rester au pouvoir au-delà de son second et dernier mandat constitutionnel. En réponse, des manifestations à Kinshasa et dans plusieurs autres villes dégénèrent en émeutes et pillages, du 19 au 22 janvier. La répression fait plusieurs dizaines de morts.
Le 25 janvier, le Parlement vote un texte sans la disposition la plus controversée. Mais d’après l’opposition, d’autres articles pourraient entraîner un « glissement » du calendrier électoral. En décembre de la même année, l’ONU dénonce « des menaces, des arrestations et détentions arbitraires ».
· Moïse Katumbi dans l’opposition
Le 4 mai 2016, l’opposant Moïse Katumbi confirme sa candidature à la présidentielle. Le richissime homme d’affaires est passé dans l’opposition en septembre 2015 après avoir démissionné de ses fonctions de gouverneur et quitté le parti présidentiel. Il vit depuis à l’étranger après avoir été condamné à trois ans de prison dans une affaire immobilière. Une condamnation qualifiée par les évêques catholiques de « mascarade », dans un rapport confidentiel.
· 2016 : la formation du « Rassemblement »
Le 11 mai 2016, la Cour constitutionnelle autorise M. Kabila à rester au-delà du terme de son mandat si la présidentielle n’est pas organisée avant le 20 décembre. Une « imposture » selon l’opposition. Le 10 juin près de Bruxelles, l’opposition s’unit dans une nouvelle structure, le « Rassemblement ». Le 31 juillet, l’opposant historique Étienne Tshisekedi, rentré après deux ans en Belgique, exige une présidentielle avant la fin de l’année et le départ de Kabila.
Deux mois plus tard – les 19 et 20 septembre 2016 – des violences éclatent à Kinshasa entre forces de l’ordre et jeunes et font plusieurs dizaines de morts. Des pillages et des incendies criminels visent des bâtiments publics et des permanences de partis de la majorité. Ces violences interviennent alors que le « Rassemblement » de l’opposition avait appelé à manifester pour signifier à M. Kabila son « préavis », trois mois avant la fin de son mandat.
· L’accord de la Saint-Sylvestre
Le 20 décembre 2016, dernier jour du mandat présidentiel, des affrontements opposent forces de l’ordre et jeunes opposants. L’ONU fait état d’au moins 40 morts à Kinshasa, Lubumbashi (Sud-Est), Boma et Matadi (Ouest).
Le 31 décembre, pouvoir et opposition signent un accord négocié sous l’égide de l’épiscopat, autorisant M. Kabila à rester jusqu’à la « fin 2017 ». En contrepartie, l’opposition exige la création d’un Conseil national de suivi de l’accord (CNSA) et un Premier ministre issu de la coalition de l’opposition.
· 2017 : Kabila jusqu’en 2019
Le 1er février 2017, Étienne Tshisekedi décède à Bruxelles. Le 7 avril, Bruno Tshibala, dissident de l’UDPS (parti fondé par Tshisekedi), est nommé Premier ministre. Félix Tshisekedi, fils d’Étienne qui briguait ouvertement ce poste, accuse le président d’être « le principal obstacle au processus démocratique ».
En juin 2017, Moïse Katumbi porte plainte auprès de l’ONU contre le gouvernement, l’accusant de vouloir l’empêcher de se présenter.
Le 5 novembre, la Commission électorale annonce plusieurs scrutins, dont la présidentielle, le 23 décembre 2018. M.Kabila se maintiendra au pouvoir jusqu’en janvier 2019. L’opposition rejette ce calendrier et exige son départ dès la fin de cette année.
· Des marches anti-Kabila réprimées
Le même mois, l’épiscopat déplore « l’usage disproportionné de la force » par la police, faisant état d’« au moins » 56 morts, dont 52 « par balle », dans des manifestations entre avril et octobre. Le 30, des élus et responsables de l’opposition sont brièvement interpellés à Kinshasa lors d’une marche interdite. Le 31 décembre, les forces de sécurité empêchent des marches après l’appel des catholiques à manifester contre le maintien de Kabila et répriment des messes dans des églises à coups de gaz lacrymogène. À Kinshasa, sept personnes sont tuées en marge des manifestations et un huitième à Kananga (Kasaï, Centre), tandis qu’une centaine de personnes, dont des prêtres, sont arrêtées dans l’ensemble du pays, selon l’ONU.
LePoint afrique