Retard sur la nomination d’un nouveau Premier ministre : Radioscopie des impacts d’un déséquilibre constitutionnel…

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SENTV : En décembre dernier, les parlementaires de la 13e législature ont voté, en majorité, le retour du poste de Premier ministre après que celui-ci a été supprimé par le président de la République en 2019 juste après la présidentielle. Un retour que le président de la République avait jugé « rationnel ». Seulement, depuis que la restauration est validée en décembre par l’Assemblée nationale, la nomination tarde. Quel sera l’impact de ce retard dans la nomination du Premier ministre dans la marche des affaires de l’État? Constitutionnellement, quelles interprétations en faire? Le président de la République est-il obligé de nommer un Premier ministre dans un délai donné?

Dans la conduite des affaires de l’État, un Premier ministre est important à tout point de vue. Comme le stipule l’article 56 de la constitution, le gouvernement est une institution collégiale et solidaire. La démission ou la cessation des fonctions du Premier ministre entraîne la démission de l’ensemble des membres du gouvernement. Par rapport à sa marge de compétence, le Premier ministre dispose de l’administration et nomme aux emplois civils déterminés par la loi. Il assure aussi l’exécution des lois et dispose du pouvoir réglementaire sous réserve des dispositions de l’article 43 de la Constitution.

Dans l’architecture constitutionnelle, le Premier ministre est nommé par le président de la République qui a dans cette même logique, l’obligation, après avoir juré sur l’article 37 de défendre les institutions constitutionnelles. D’ailleurs, se référant à l’article 6 de cette même constitution, nous nous rendons compte que le gouvernement fait bien partie des institutions constitutionnelles. D’ailleurs, il est la troisième institution de la République. D’où la pertinence de ce poste.

Juridiquement, le président de la République ne peut plus prendre certains actes si cette nomination du Premier ministre n’est pas acté. C’est l’avis du constitutionnaliste, Ngouda Mboup faisant savoir qu’il n’est plus question de délai dans cette nomination du Premier ministre. La constitution dit clairement que le président de la République dans certains actes, doit avoir une contre signature du Premier ministre. En termes clairs, comme je l’ai toujours soutenu, la loi dès qu’elle est votée, elle est ensuite transmise au président de la République et après un délai de 15 jours, le président promulgue la loi pour qu’elle entre en vigueur ». Une interprétation juridique émise par l’analyste qui insiste sur un certain nombre de réalités juridiques étroitement en rapport avec ce retour du Premier ministre. En effet, une réforme constitutionnelle intégrée dans la constitution est simplement d’effet immédiat. En guise d’exemple, l’article 87 nouveau réintroduit le droit de dissolution. Ainsi, selon notre interlocuteur, « rien n’empêche au président de la République de se réveiller un jour et de dissoudre l’Assemblée nationale ». Le moyen d’action réciproque, c’est la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement par l’Assemblée nationale. Mais pour ce faire, le Premier ministre doit bien être présent.

Aussi, à ce stade où on se trouve avec ce retard dans la nomination du Premier ministre, les opposants pourraient déposer une motion de censure et dans ce cas, ils s’adressent à Moustapha Niasse en tant que président de l’Assemblée nationale en lui signifiant qu’il y’a bien, dans la constitution, de même que dans le règlement intérieur, un Premier ministre et qu’ils veulent que celui-ci soit là pour qu’ils lui expriment leurs préoccupations. En réalité, pour éviter toutes ces éventualités qui seraient dans une certaine mesure malheureuses pour la marche du pays, il serait préférable, selon Ngouda Mboup, de tenir un langage de vérité aux politiques en leur signifiant que « ce pays mérite d’avoir des institutions stables et fortes ».

Pour toujours rappeler, selon le constitutionnaliste qu’à ce niveau il ne s’agit plus de délai, il est important de préciser quelques aspects liés à la constitution. En effet, dans cet ensemble de textes juridiques qui définit les institutions de l’État, pour le cas de vacance de la présidence de la République, c’est la suppléance qui est évoquée au lieu de l’intérim car, la suppléance ne dure pas longtemps. Comme le dit l’article 39 de la constitution, « En cas de démission, d’empêchement ou de décès, le Président de la République est suppléé par le Président de l’Assemblée nationale » pour simplement considérer que cette longue attente qui va atteindre 3 mois le 20 mars prochain, ne correspond pas à la norme constitutionnelle.

Le docteur en droit public, Mouhamadou Mounirou Sy, lui, fait recours à une autre interprétation juridique en estimant que nous sommes, certes, face à un problème qui préoccupe les sénégalais parce que c’est la constitution, norme fondamentale, charte fondamentale de ce pays qui a institué le retour du poste de Premier ministre. « C’est bien légitime que les sénégalais s’interrogent. Maintenant, cette nomination du Premier ministre peut s’interpréter de deux manières notamment du point de vue juridique et du point de vue politique.

Ainsi, le Dr Mouhamadou Mounirou Sy ajoute que du point de vue du droit, toute loi constitutionnelle comme toute loi émanant de l’Assemblée nationale pour son effectivité, exige un décret d’application. Ce qui revient à soutenir, selon le constitutionnaliste, que le retour du poste de Premier  ministre, prévu par une loi, pour son effectivité exige un décret d’application. « Il existe des lois qui ont été votées et qui n’ont jamais eu de décret d’application. Il peut donc arriver qu’une loi votée à l’Assemblée nationale ne connaisse pas un décret d’application. Par exemple, moi j’ai été directeur général du bureau sénégalais du droit d’auteur. La loi instituant la nouvelle société de gestion collective qui est devenue par la suite la SODAV, a été votée en 2008. Moi je suis arrivé au BSDA en 2012. Et depuis lors, on attendait le décret d’application pour la mise en place de cette société nouvelle. Le décret est finalement intervenu en 2016. Donc, 8 ans après ». argumente le professeur considérant qu’il faut donc se demander est ce qu’il y’a une exigence temporelle imposant au président de la République de nommer en un moment donné un Premier ministre. La réponse est claire et sans équivoque selon l’auteur de « Les Sirènes de Gao » qui rappelle qu’il n’y a aucune loi constitutionnelle ou un texte réglementaire qui inféode le président dans un délai requis. « Le même cas de figure s’est posé au cours de la magistrature d’ Abdoulaye Wade. On a voté une loi sur le poste de vice-président, inscrit dans la constitution. Mais ce poste n’a jamais été pourvu. Il faut savoir que c’est un pouvoir discrétionnaire qui permet au président de nommer quand il veut. C’est du droit »,  précise le constitutionnaliste.

Par ailleurs, il n’y a pas de dysfonctionnement dans la marche des affaires du pays. Du point de vue des textes il y’a une sorte de puzzle qui devait etre placé. On l’a créé, mais il faut savoir que c’est du ressort exclusif du président de la République.

De toute évidence, le président est là par la politique. Ainsi, souligne le docteur en droit, c’est grâce à la politique qu’il est président de la République. « Les gens disent qu’il doit arrêter de faire de la politique et s’occuper des besoins des sénégalais. Mais il faut savoir que s’occuper de ces besoins revient à faire de la politique. D’ailleurs, si le président sait que dans six mois, s’il ne galvasnise pas ses militants les résultats  risquent d’être pour sa majorité une catastrophe, il peut bien faire de la politique », renchérit notre  spécialiste du droit joint par téléphone et qui pense qu’il y’a certains discours qui sont fallacieux et que les gens, par honneteté intellectielle, doivent bien arrêter…

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