L’insalubrité flagrante dans la ville de Kaolack…(Par Ibrahim Guèye)

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Dans cette contribution, l’auteur s’indigne sur l’insalubrité notoire la ville de Kaolack tout en s’offusquant sur d’autres maux qui phagocytent cette belle ville. En prélude, il indique qu’il est difficile de trouver les mots qui conviennent pour regretter et décrier la situation de la ville de Kaolack.

« Tout comme de nommer de manière exhaustive les maux dont souffre cette ville qui, de par sa position géographique et son potentiel, devrait être l’une des villes phares du Sénégal. Notre première contribution sur ce sujet a été publiée en 1997 dans Sud Quotidien : Kaolack est mort, il faut le ressusciter… D’autres ont suivi depuis. Encore une fois, tentons d’énumérer quelques uns de ces maux, histoire de procéder à un petit diagnostic, et nous considérerons ensuite les possibilités de remèdes »:

Insalubrité

Quand on se promène dans les rues de la capitale du Saloum, ce qui frappe en premier lieu c’est cette incroyable saleté de la ville qui date de très longtemps. Une telle situation a fini par intégrer le quotidien des kaolackois à telle enseigne qu’on a l’impression que cela ne gêne pratiquement plus personne.

Au delà du fait que cette insalubrité n’est pas agréable à voir et à vivre, cela représente un vrai risque pour la santé des populations et une violation de leur droit à un environnement sain. Cette ville a fini par avoir cette réputation de ville sale auprès de tous nos compatriotes. La situation empire durant la période hivernale où tout le monde vit un vrai calvaire.

On aurait pu comprendre que cela soit l’exception et que seuls certains quartiers soient concernés. Malheureusement, c’est le principe et pratiquement tous les coins de la ville subissent ce cauchemar inadmissible. Il est difficile de trouver une poubelle dans les rues. Les ménages ont tout autant des difficultés à se débarrasser des ordures. Accumulation de saletés, d’inconfort, de désordre et donc récurrence des maladies.

Anarchie cauchemardesque

Le désordre qui règne dans cette ville est tout simplement honteux. Les commerces qui sont nombreux dans ce bassin arachidier sont établis de manière anarchique. N’importe qui peut construire n’importe quoi n’importe comment et n’importe quand.

Comment une ville peut-elle ne pas avoir de trottoirs? Car ces derniers, s’ils en existent, sont occupés par des petits commerces ou des véhicules et les piétons partagent ou se disputent alors la chaussée avec les voitures, avec tous les risques qui y sont inhérents.

Il suffit d’aller faire un tour au marché central de Kaolack, qui à notre sens devrait être purement et simplement délocalisé. En l’occurrence, ce n’est pas l’espace qui manque dans cette ville. Le désordre à l’intérieur comme à l’extérieur du marché est manifeste. Les véhicules circulent difficilement dans les alentours du marché. Et les piétons alors, n’en parlons même pas.

Il suffit d’aller vers le « marché Guedj ». Arrivé à hauteur de la Senelec, on constate l’insalubrité, le laisser-aller, le laisser-faire, le désordre, l’anarchie, le chaos, la catastrophe, oui la honte! Il y a de quoi avoir la chaire de poule au premier regard. Tenez-vous bien, on y voit taxis, motos « Jakarta », cars, petits commerces (vendeurs à la sauvette, vendeurs de légumes, vendeurs de cacahuètes, vendeurs de café, vendeurs de poissons, vendeurs de vêtements, …. j’en passe et des meilleurs). Ils en ont fait un mini marché imposant aux riverains, l’insalubrité, le bruit, le préjudice avec un « ma tay » insupportable.

Figurez-vous que pour sortir de chez soi, on peine à trouver une petite surface où poser son pied. Imaginez qu’il est quasi impossible de trouver une place pour se garer, y compris devant sa propre maison, car ils occupent tout l’espace. Pire, en rentrant le soir, ils laissent l’espace dans un état d’insalubrité pour le moins chaotique.

Plus grave encore, ces derniers s’y sont installés petit à petit avec la complicité —active selon certains—, en tous les cas passive de la mairie de Kaolack qui devrait se soucier un tant soi peu du bien-être des populations et de l’ordre dans cette ville. Non seulement elle laisse faire, mais elle encourage à faire pour des raisons inavouées et sans doute inavouables, hélas!

Votre serviteur parle en connaissance de cause car s’étant déjà plaint de cette situation à la mairie, au service d’hygiène, auprès du procureur. Absolument rien n’a bougé avec tout le risque que cela comporte pour la santé et la sécurité des riverains. Avec tous les risques que cela comporte pour la paix sociale.

Il se dit beaucoup de choses : ils ont des appuis auprès de certains responsables de la mairie, certains politiciens ont intérêt à ce qu’ils y soient installés, etc. Une seule constante face à cette situation préoccupante, jusque-là personne n’a levé le plus petit doigt pour résoudre cette équation et rendre justice aux riverains qui n’ont pas à supporter cette injustice et cette anarchie absolument intolérables.

Absence d’autorité notoire

L’anarchie règne quand la responsabilité n’est nulle part. Il est quand même frustrant et écœurant d’avoir un problème et de ne pas pouvoir compter sur le soutien et l’appui de ceux qui en ont la responsabilité. Irresponsabilité, l’on a presque envie de dire. Le pire dans l’histoire, c’est qu’on finit par s’habituer à une telle situation en considérant que c’est normal.

Il est rare (donc cela existe) de voir des agents faire leur travail de manière professionnelle. Quand on arrive dans un service qui est censé être à la disposition des citoyens en quête d’un document administratif, pour se plaindre d’une situation, pour chercher conseil, etc., assez souvent, on s’entend dire que la personne responsable n’est pas présente ou on vous demande de donner des sous ou, encore, on vous renvoie de service à service pour qu’au bout du compte aboutir à rien du tout.

Quand chacun fait ce qu’il veut, il y a anarchie et quand il y a anarchie, c’est parce qu’il y absence de responsabilité et d’autorité. Une fois le diagnostic établi, il faudrait assurément penser aux remèdes en toute responsabilité.

De l’honnêteté

À notre avis, être honnête avec soi-même, c’est d’abord reconnaître que chaque Kaolackois a sa part de responsabilité dans la situation décrite plus haut. Car, de par nos comportements, nous manquons bien des fois de rigueur et de bonne manière, pour ainsi dire.

Il faut reconnaître que si on ne s’occupe pas assez de la salubrité dans l’espace où l’on vit, on ne s’occupera pas assez de l’insalubrité dans la ville. Si on jette des ordures dans la rue n’importe comment (sachets en plastique, des épluchures de toute sorte), si on verse de l’eau dans la rue, on ne contribue certainement pas à assainir notre espace vital.

Être honnête, c’est aussi reconnaitre que nos dirigeants sont le reflet de la population qu’ils dirigent ou qu’ils sont censés diriger. Et notre responsabilité commence par les choix que nous faisons au moment des élections qu’elles soient locales ou nationales.

Il faut toujours garder à l’esprit que la dignité n’a pas de prix et ce, quelles que soient les difficultés quotidiennes qui peuvent être les nôtres. Refusons les solutions de facilité. Ne corrompons personne car quiconque corrompt ou se laisse corrompre participe à propager la corruption. Alors n’acceptons pas 2000 FCFA et des sandwiches pour aller applaudir, sous le soleil, nos autorités de passage pour inaugurer, célébrer ou se promener. Alors, que chacun de nous refuse de verser une somme d’argent indue pour accélérer une quelconque procédure ou simplement pour avoir en retour quelque chose qui nous est dû de toute manière.

Ayons toujours présent à l’esprit qu’un vote, il se fait en une seule journée peut-être mais les conséquences de cet acte de souveraineté, de fierté et de liberté peuvent durer plusieurs années et impacter plusieurs générations. Mais en attendant les prochaines élections, aujourd’hui changeons ce qui peut l’être.

Pragmatismes individuel et collectif

Être pragmatique, c’est contribuer à changer ce qui peut l’être en procédant par étape et par secteur. Nous avons tous conscience que quand des habitudes s’installent, il est difficile de s’en débarrasser. Il faut alors commencer par un examen de conscience, une autocritique. Et cela devrait commencer par une abstention et par une action.

Il nous faut d’abord nous abstenir de salir, de jeter des ordures n’importe où, de participer à la corruption, de s’installer n’importe où et dans n’importe quelle condition. Tout simplement, éviter de contribuer à empirer une situation qui est déjà fort critique. Que chacun dans la solitude de son oreiller prenne la résolution de se garder de contribuer au désordre, de causer du tort à son voisin par ses agissements, par ses emplacements et par son indifférence. Il nous faut nous abstenir de cautionner les pratiques d’un autre temps qui ont cours chez les politiciens. Nous méritons mieux que cela.

L’action consiste à se mobiliser en contribuant à faire bouger les choses. C’est ramasser des ordures quand on peut, c’est nettoyer quand on peut, c’est surtout aider quand on peut. Et surtout, faire de la pédagogie à ceux-là qui te diront que l’anarchie qui règne à Léona n’est pas si grave que cela car les honnêtes gens qui y font leur commerce doivent bien vivre de quelque chose. Certes. Mais la fin ne justifie pas toujours les moyens. Car cette réflexion poussée jusqu’au bout de sa logique peut conduire à des problèmes insolvables pour toute la communauté.

L’action consiste aussi à ne pas tout laisser entre les mains des politiciens qui ont fini de montrer leurs limites. Il faut toujours se souvenir qu’ils gèrent nos deniers, ils gèrent notre cité. Ils sont censés être à notre disposition et non l’inverse.

Être pragmatique, c’est enfin être réaliste car tous les problèmes ne se règleront pas d’un coup de baguette magique. Il faudra du temps et procéder intelligemment.

Le courage de bousculer les habitudes

Nous pensons qu’il faut avoir le courage de se faire violence soi-même pour faire bouger et changer les choses. Il nous semble d’ailleurs que la plupart des villes du Sénégal sont dans la même situation que Kaolack; alors ces quelques modestes recommandations pourraient s’appliquer à toutes.

Il nous faut être prêt à nous débarrasser de nos conforts personnels, de nos mauvaises habitudes, de notre quotidien fait assez souvent de facilité et de résignation. Prendre des risques, y compris celui d’être impopulaire. Être des forces de proposition, mais aussi des forces d’action. Ce n’est que collectivement que nous pourrons réussir. Aucun messie et aucune personne providentielle ne détient les solutions à nos problèmes. Croyons en nous-mêmes. Croyons en la récompense de l’effort fourni. Ne nous décourageons jamais.

L’on a l’habitude de dire que Kaolack devrait décoller car la plupart des anciens (même l’actuel) Premiers ministres du Sénégal sont originaires du Saloum ou du Sine Saloum, tout comme nombre de personnalités du monde politique, religieux et social. Mais, là n’est pas la question et, par conséquent, là n’est pas la réponse.

D’abord, ce fait n’a pas empêché les problèmes que nous décrivons de perdurer et personne n’a pu les résoudre tout seul. Ensuite, ce n’est certainement pas typique aux régions ou villes, donc pas l’affaire de Kaolack. Enfin, oui, c’est un problème national. C’est le problème du Sénégal.

Pour finir, une vieille légende attribue l’origine du nom de Kaolack (à vérifier!) à une histoire entre deux personnes. L’une d’ethnie pulaar trouvait la noix cola qu’il voulait acheter rabougrie, « lax » en wolof. Ayant du mal à bien articuler, il dit « Gourou bi dafa xawa lax » (la noix de cola est peu ratatinée). La deuxième personne de passage dans la localité avait compris que c’était ainsi que se prononçait ainsi le nom de la ville. De Xawa lax, on en est arrivé à Kaolack. Aujourd’hui, Kaolack est plus que Xawa lax mais vraiment Laxa lax. Oui, très vieillie et très défigurée.

En toute humilité, j’interpelle les autorités de la ville de Kaolack, les députés du Sénégal, le Premier ministre et le président de la République du Sénégal, car la situation prend des proportions très inquiétantes. J’en appelle aussi à toutes les forces vives de la ville de Kaolack et du Sénégal pour que nous unissions nos forces pour changer les choses.

À toutes et à tous, je dis NIOKETT ! Oui, debout!

NIOKETT pour rendre Kaolack moins insalubre!

NIOKETT pour arrêter l’anarchie qui y a cours!

NIOKETT pour refuser le statu quo!

NIOKETT pour obliger ceux que nous avons élus à nous servir et rendre des comptes!

Votre serviteur racontait à sa sœur, petite dernière de la famille et native du quartier Léona à Kaolack, que bien avant sa naissance les routes étaient déjà dans l’état où elles se trouvent aujourd’hui, que l’éclairage était aussi mauvais, que le désordre était manifeste et que l’insalubrité faisait aussi partie du décor. En réponse, elle nous confirmait qu’en effet, depuis sa naissance, elle a toujours connu Léona dans un tel état. Puisse Dieu lui prêter vie : elle va sur ses 29 ans cette année et elle a 3 enfants!

Ce que nous n’avons pas pu faire pour notre génération, faisons le pour celle de nos enfants.

NIOKETT! NIOKETT! NIOKETT!

Le docteur Ibrahim Guèye, affligé par la décadence de Kaolack, en appelle à une prise de conscience nationale pour agir afin de sauver toutes ces villes en décrépitude qui font notre Sénégal.

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