Le Mali dans l’enjeu géostratégique Nord/Sud… (Par Benjamin K)*

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SENTV : Chaque conscience africaine est interpellée par le Sahel : les morts et les crimes qui y sont commis tous les jours au nom d’une fausse idée de la religion, de logiques socio-ethniques, d’intérêts divers cachés révèlent de fait des jeux de domination, d’occupation d’un espace par des groupes aux objectifs sombres et des trafics de toute sortes qui enrichissent ces clans. Ces logiques souterraines qui dépassent les enjeux locaux font certes objectivement le jeu de ceux qui ont peur de voir l’Afrique se libérer de leurs emprises, mais elles est aussi porteuses des causes permettant à des groupes locaux de s’enrichir en spoliant les populations.

Et il suffit en cela d’écouter les logorrhées, à longueur de journées, des médias type F24 ou RFI ou des pseudo spécialistes bien calés dans leurs fauteuils connectés dissertent sur des événements et des environnements qui échappent à leurs visions d’un monde bipolaire qui a vécu et résumant tout en conflit Nord/Sud, Russie France.

Si un des enjeux de la destruction du régime de Kadhafi était de Nord/Sud en ce que les acteurs extérieurs au théâtre libyen ont joués la mort de son régime en sachant pour partie l’arsenal dont il disposait, les origines de la crise sahélienne sont ailleurs. Elles sont dans la gestion destructrice des états issus de la décolonisation, états inadaptés et incapables de prendre en charge les réalités humaines diverses des espaces, dans la gouvernance des élites, la corruption et enfin le délitement des états qui en ressort.

Des élites qui ont usés sans vergogne des mânes du discours du colonisé pour justifier les crimes économiques et socio-culturelles, des élites qui ont porté dans les faits la négation de la personnalité du sahélien, de l’africain, pour se coller à un occident qui ne demandait pas tant sauf à continuer à user des matières premières pour leur propre développement.

La conséquence de ces pratiques de gouvernance est nette, des États incapables de structurer des espaces, de doter les pays de véritables armées, d’institutions suffisamment solides pour faire face. C’est donc une évidence que des états qui ont développés la culture de l’homme fort et non d’institutions fortes basées sur une gouvernance juste et efficace au profit de tous finissent par faire les lits des divisions et des crises multiples, on le sait l’injustice et le népotisme engendrent la guerre et le chaos.

Les discours panafricanistes, patriotiques actuels sans prise dans la réalité géostratégique peuvent certes plaire et lever quelques manifestants à Bamako ou Ouagadougou en parlant de Russie ou de France, mais comme d’habitude ils ne se posent pas la bonne question qui est banalement : pourquoi nous Sahéliens en sommes arrivés là ? Pourquoi 60 ans après nos indépendances supposées ou réelles nous n’y arrivons pas ? En cela, l’exemple du Mali est révélateur du manque de crédibilité de nos élites et de nos Etats donnant ainsi primeur aux discours néo-racistes qui pleuvent les organisations internationales et les ministères des capitales du nord, encore ces africains?

Le Mali de Soundiata Keita et de Modibo Keita, le Mali de la révolution populaire de 1991 qui a vu un peuple debout contre la dictature, de ce Mali là on attendait un autre devenir en mémoire des vies fauchées par les balles, en mémoire de la fierté dans ce grand nom Mali.

Les poussées de rébellions au Nord depuis 1960 soutenus ou non par des tiers ont aussi des causes internes, refus d’une gouvernance par les noirs ou déséquilibre dans la répartition des richesses, des rébellions dès l’accession du Mali à la souveraineté matés par le général Soumaré. Des rébellions multiples sous Moussa Traoré réduits en cendres n’ayant jamais pu prendre pied hors du grand nord. Des rébellions nourries par la pauvreté, l’abandon par un état central ne se préoccupe que de lui-même, de sa survie et de ses jouissances. Certes le Mali sous Modibo Keita et Moussa Traoré a résisté, il a tenu debout cahin caha, sans abandonner sa souveraineté, sans négocier sa souveraineté.

De Modibo Keita à Moussa Traoré le Mali n’a jamais voulu d’un tiers, ni de la France pour la sauver, ni de la Russie pour endiguer les flots d’attaques, ni de l’Union africaine ou de la CEDEAO pour lui dire quoi faire ou comment faire, son armée était une des plus équipées de la sous région, ses hommes étaient bien formés et aguerris au combat à l’exemple des paras-commandos de Djicoroni para commandé par ATT, Mig, chars de combats, on respectait ce Mali et l’état tenait bon.

En 1991, la rue marche contre Moussa Traoré et son parti l’UDPM, les populations tombent sous les balles, le régime finit par tomber, révolution populaire, coup d’état de Amadou Toumani Touré envoient Moussa Traoré et ses hommes dans les geôles. Si l’Afrique et le monde saluent la démocratie naissante, une transition, des élections, et un président élu Alpha Oumar Konaré, le ver est entré dans le fruit et impose à un état inexistant une marche qui n’est plus la sienne, de négociations en discussions sous la férule et a pression des associations droit de l’hommiste, des pays tiers pro hommes dits bleu.

Amadou Toumani Touré lui le militaire se laisse entraîner dans la vague, puis Alpha Oumar Konaré au 40 voyages à Tripoli, petit à petit l’étranger prend pied, dicte quasiment au Mali ce qu’il faut faire, et ce qu’il faut dire pour plaire, mais cette marche conduit au délitement de l’état qui déjà croule sous la dette et les injonctions des institutions de Bretton Woods.

La démocratie a peur et elle se méfie de l’armée à juste raison, 30 ans de dictature de crimes, d’emprisonnement, d’exil ont fini par convaincre les intellectuels de Bamako qu’un coup d’état était tapis dans un coin de rue. Alors il faut chercher d’autres solutions pour mettre fin aux rébellions du grand nord, Kadhafi, l’algérie, partout ou une pression est possible sur ces rebelles, la nouvelle démocratie s’oblige à discuter à tout va pour éviter les critiques des droit de l’hommistes, de la France des ethnologues, sociologues, nostalgiques des méharistes et des méharées dans le grand désert, objectivement tous se liguent pour porter le coup de grâce à un état en perte de vitesse.

Et pendant ce temps à Bamako on parlote, on manifeste, on gère la transition en réalité on gère le pouvoir, tous veulent toucher les dividendes de la démocratie, en réalité jouir du pouvoir et des facilités que cela donne, l’état on s’en fout, sauf pour chanter le grand Mali, bâtit-on un état sur les chants des griots? et les nostalgies du passé, on dupe un peuple que l’on veut endormir avec les chants, les nostalgies, et le nationalisme mais ces chants ne remplissent pas un ventre vide qui finit un jour par dire stop.

En 1991, on a abattu la dictature, on n’a restauré à minima un état dit de droit, une assemblée nationale élue, une presse libre renforcée, un débat démocratique, mais sur le chemin on a aussi sans y prendre garde abattu durablement l’état, son armée, les Mig et les chars sont devenus une pâte à ferraille pour faire des casseroles.

Ces intellectuels qui ont pris le pouvoir à Bamako croyaient aux solutions d’un multilatéralisme béat on laissé mourir le peu d’État qui subsistait, d’une armée de combat elle est devenue progressivement une armée de généraux de salons s’enrichissant à tout va avec la bénédiction des pouvoirs.

Quand les attaques sont venues du grand nord après la chute de Kadhafi il n’y avait ni armée, ni munitions, les crépiteurs des Kalachnikov étaient bloqués, les munitions pourries, les communications impossibles. Dès les premières attaques notamment à Aguelhok les soldats dans un premier temps ont résisté et repoussé les assauts des forces venus de Libye et à la fin sans munitions ils finissent par céder le terrain en laissant derrière eux des morts, et certains de ceux qui ont réussi à fuir ont fait tomber ATT. A la place d’une stratégie concertée entre États de la sous région portée par le président Youssoufi du Niger pour faire face, le Mali d’ ATT a envoyé sept ministres accueillir les légions du désert qui allaient quelques jours plus tard déferler sur le Mali suivi plus tard par les radicaux islamiques, le reste est connu.

L’État sous la première transition d’ATT était un théâtre de discussions, de revendications de l’UNTM aux élèves et étudiants du Mali, ceux qui avaient bravé la dictature ont oublié de rentrer dans les classes transformant la scène en cirque géant de manifestations et de grenades lacrymogènes. Le pouvoir d’Alpha Oumar Konaré a passé son premier mandat à colmater, à panser, à réprimer si besoin, et à négocier en Libye, en Algérie, dans les pays scandinaves, tout en se méfiant de son armée.

Pour un pays en zone d’instabilité, aux multiples rébellions et guerres, l’armée est l’outil de défense, le moyen de déploiement stratégique pour dire aux autres “ je suis là et prêt à me défendre” si on fragilise cet outil, on donne aux tiers les moyens de vous dicter votre conduite.

Et ce tiers extérieur à de multiples visages et de grands moyens, il apaise momentanément les poussées rebelles, il les amène avec lui pour former sa légion verte ou islamique, ce répit est en réalité de courte durée, il suffit d’un cataclysme pour que tout explose. Cette explosion était sur un chemin tout tracé, il a suffit que la digue saute pour que tout saute, c’est une banalité géostratégique, le Mali qui a fragilisé son armée par méfiance des intellectuels ou par peur de coup d’état a laissé ses frontières à la merci de tiers, la chute de Kadhafi n’a servi que de détonateur.

La poussée des islamistes radicaux n’est pas non plus dû au hasard, cela faisait 20 ans que l’Algérie qui a bloqué l’accession démocratique du FIS au pouvoir est le théâtre de crimes et d’attentats, l’Algérie est frontalière du Mali et a joué et joue encore un rôle géostratégique dans la crise malienne, elle a exporté son conflit au Mali et au sahel en endiguant ses propres frontières, usant à la fois de moyens militaires et d’accord de non agression avec les radicaux. La chute de Kadhafi, la fuite vers leurs terres d’origine des groupes avec armes et bagages ont fini par faire le reste, mais la vraie question n’est pas là sauf à se tromper encore une fois, la vraie question est qu’on fait les états du Sahel pour ne plus dépendre de l’étranger, pour se défendre, et sécuriser ses frontières? pourquoi a t’on eu besoin de Barkane ou de la Minusma pour défendre la terre de Soundiata Keita et de Modibo Keita.

Il est claire de la démocratie a failli, elle n’a su ni défendre les frontières de l’état, ni réformer l’état, ni apporter un mieux vivre aux populations structurant ainsi les causes de la chute du modèle qu’elle incarne aux yeux des populations qui se réfugient dans les mains des héritiers de Moussa Traoré, de ceux qui ont certes tenu l’état cahin caha, mais qui ont détruit la promesse du développement et du mieux vivre ensemble.

Ceux qui gouvernent aujourd’hui à Bamako ne sont que les fruits de cette gestion négative, destructrice et sans lendemain. Ils mettent en lumière que l’enjeu sahélien est dans la bonne gouvernance, et la capacité de prendre en charge ses intérêts d’État, de sous- région et son devenir en tant que nation et continent.

Mais au- delà des discours patriotiques qu’ils portent, ils sont petit à petit enfermés dans la gestion du pouvoir, leur pratique du pouvoir semble loin aussi d’un développement durable au profit des populations et elles seules.

Le Mali et les autres états du Sahel, si on peut encore les nommer états, disparaîtront immanquablement sous les poussées des forces extérieures et intérieures si cette marche continue. On ne peut à la fois lutter pour sa survie et se laisser engluer par des débats politiques sans lendemains, il faut que la nation du Mali s’unisse et taise ses contradictions, le temps de sauver l’état, cela est valable pour le Burkina ou le Niger, les débats France, Russie, Chine ou Turquie ne sont pas utiles, ces pays définissent et se battent pour leurs intérêts, l’étranger ne sauvera pas le sahel. l’enjeu n’est plus la démocratie des élections pour mettre les mêmes qui sous le prétexte de partis politiques concourant à la démocratie, ont participé à la destruction progressive des états, corruption, injustices, tous ceux qui crient aujourd’hui ont participé à des gouvernements élus ou ma élu qui ont pillé et fragilisé le tissu socio-économique des états. l’enjeu est de remettre un état debout dans ses frontières et dans ses fonctions régaliennes. l’enjeu est de ne pas se tromper de débat, ne pas laisser aux autres de définir les enjeux des nations du Sahel et de l’Afrique.
Les états du Sahel sont meurtris par des élites qui depuis la Baule ont confondu démocratie et pousse toi je me place, par des crises de politiques politiciennes qui ont miné la gouvernance et ont fini de faire le lit des déstabilisations géostratégiques.

Il est temps de dire stop, la contagion gagne le terrain, si à la chute de Kadhafi seul le nord Mali était occupé aujourd’hui toute la côte atlantique est menacée de Bamako à Cotonou nul espace n’échappe. L’avenir de la sous région et peut être de l’Afrique est en question, et il importe peu qui y a intérêt, l’Afrique doit se lever pour enfin s’occuper de l’essentiel sauver les états et les populations.

* Par Benjamin K

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