Aminata Touré, homme politique de l’année ?

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SENTV : « Aminata Touré, c’est la technique du blitzkrieg ou l’art de mener une guerre éclair en mobilisant toutes ses forces vers un objectif afin de l’atteindre dans les délais les plus courts », a écrit Abdoul Aly Kane dans cette chronique.

J’avais programmé de consacrer cette chronique à l’économie en écho au message à la Nation du président de la République. Mais, en réfléchissant sur les péripéties politiques de 2022, l’idée m’est venue de consacrer cette chronique à Aminata Touré qui est passée d’un bord politique à l’autre avec une aisance « bluffante », digne des politiciens les plus aguerris. Je ne suis pas fasciné par la personne en tant que telle mais, plutôt, par sa trajectoire politique qui, à mon sens, mérite qu’on s’y attarde.

Cet art de franchir avec beaucoup d’assurance la passerelle séparant le pouvoir et l’opposition tout en veillant soigneusement à son image de constance par rapport à ses valeurs et principes affichés, relève du grand art politique.

Aminata Touré, c’est la technique du blitzkrieg ou l’art de mener une guerre éclair en mobilisant toutes ses forces vers un objectif afin de l’atteindre dans les délais les plus courts.

Son entrée dans les fonctions étatiques est marquée par la réactivation de la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite) en sa qualité de ministre de la Justice, institution qui a été perçue par la suite comme un instrument ayant eu comme but unique l’élimination de Karim Wade du jeu politique.

Dans l’espace politique, elle apparaîtra par la suite comme le débatteur attitré du pouvoir, face aux ténors de l’opposition, avec comme armesson courage indiscutable, son sens de la répartie, son sens de la stratégie politique sans doute acquise au contact des idées et organisations d’extrême gauche, dans lesquels on apprend à davantage gérer les organisations que les foules.

Après son éviction du CESE (Conseil économique, social et environnemental) et le non-respect de l’engagement du Président de la nommer présidente de l’Assemblée nationale, Aminata Touré entre en rébellion en se dissociant de son parti, l’APR, au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

Cette sortie de la majorité présidentielle s’est opérée si naturellement qu’on en oublie presque que, n’eut été l’initiative du président Macky Sall de l’évincer du Perchoir de l’Assemblée nationale qu’il lui avait promis, elle n’aurait peut-être pas franchi le Rubicon.

La tolérance des Sénégalais vis-à-vis de la dissidence de cette proche collaboratrice du président Macky Sall laisse croire que, dans l’inconscient populaire, la raison de son départ de l’APR relèverait davantage de son opposition au 3ème mandat que d’une quelconque frustration.

On la voit deviser en toute sérénité avec un Guy Marius Sagna, tout aussi serein, lors d’une manifestation de l’opposition. On en oublierait presque son alignement sans réserve sur les positions antidémocratiques de son ancien parti !

Pour la réalisation de ses ambitions politiques, Aminata Touré s’est mise en avant dans la défense de réforme très contestée du parrainage, perçue comme un des nombreux moyens d’enrayer “légalement “ la progression de l’opposition.

A ce propos, la Cour de justice de la CEDEAO, dans un arrêt rendu sur le système sénégalais de parrainage, avait considéré que celui-ci constituait une atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat. Est-il permis de conclure qu’avec sa dissidence actuelle, elle a retrouvé sa virginité politique d’avant APR ? Ou alors que sa nouvelle posture d’opposante est irréversible ? Seul l’avenir nous le dira.

L’autre regard porté sur la femme qu’est Aminata Touré a également son importance pour tout observateur de la scène politique. En effet, les femmes occupent une place de plus en plus importante dans la politique au Sénégal.

De préposées à la mobilisation populaire, elles montent progressivement dans la superstructure des partis politiques de notre pays. On peut citer parmi les plus connues parmi elles Aminata Mbengue Ndiaye, chef du parti socialiste, Aïda Mbodj, responsable politique dont le parcours est connu, Aminata Tall, ancienne présidente du CESE après avoir été plusieurs fois ministre, Aminata Touré, Premier ministre et ex-présidente du CESE, Aïssata Tall Sall, chef de parti, ministre des Affaires étrangères, Amsatou Sow Sidibé, professeure d’université et chef de parti.

La particularité d’Aminata Touré est celle d’être plus marquée idéologiquement que toutes ces autres. Elle a, tour à tour, été directrice de campagne de Landing Savané et de Macky SALL, soit en première ligne du combat pour la conquête des suffrages des Sénégalais. Très jeune, elle a milité dans les partis trotskistes et aussi dans les syndicats de gauche

Autant on disait de l’ancien président américain Barack Obama qu’il est post racial, en ce qu’il se situait au-delà de la dichotomie raciale Blanc/Noir, autant on peut considérer que Mimi Touré ne donne pas l’impression d‘’être prisonnière de la dualité politique homme/femme. Dans cette attitude, qui peut d’emblée sembler austère, elle rappelle Elen Sirleaf Johnson, Angela Markel et la Kenyane Wangari Muta Maathai, activiste des droits de l’homme et de la protection de l’environnement qui a consacré sa vie à la promotion de la démocratie et à la protection de l’environnement. Et qui, pour cela, a obtenu le Prix Nobel.

La force d’Aminata Touré est d’être « cash » avec ce zeste d’arrogance pouvant susciter d’emblée le rejet de la personne ; elle ne chercherait pas à plaire, ni ne serait en quête d’empathie. C’est cette façon qu’elle a sans doute de dire ce qu’elle pense, sans gants, quitte à susciter colères et courroux.

Bien entendu, d’autres au Sénégal répondent à ce profil de femmes auto affranchies des barrières sociales et sociétales dressées sur leur chemin. Le Sénégal regorge de femmes de ce profil mais peu enclines à descendre dans l’arène de gladiateurs qu’est la politique où tous les coups sont permis. Je pense à la sociologue Fatou Sow Diagne, aux avocates, médecins, à toutes celles évoluant dans les professions libérales, dans les organisations internationales, dans les organisations de droits de l’homme, et dans le monde de l’entreprise.

Aminata Touré vient de se déclarer candidate à l’élection présidentielle de 2024. Le lendemain de cet acte, elle devait déjà faire face à un rapport de l’IGE suspendu sur sa tête telle l’épée de Damoclès

Au vu de sa réaction première, la future candidate semble être préparée à ce type d’obstacle et fait montre d’une détermination à passer outre.

En toutes hypothèses, si sa mue politique actuelle se poursuit aussi tranquillement, il y a de fortes chances qu’elle occupe encore le devant de la scène. Le reste dépendra de maturité des Sénégalais et des Sénégalaises à hisser une femme au sommet du pouvoir.

C’est le moment pour Aminata Touré de faire sa propre profession de foi afin de mobiliser les Sénégalais, en prenant soin de changer le discours politique pour prendre en compte les aspirations d’une population dont la moitié (52 %) a moins de 20 ans.

Par Abdoul Aly Kane

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