SENTV : Pourquoi le Procureur de la République a visé «X » dans le dossier qu’il a confié au juge du 8e cabinet alors que la plainte de Adji Sarr pour viol vise directement le leader de Pastef, Ousmane Sonko ? Pourquoi l’Assemblée nationale instruit la levée de l’immunité parlementaire d’un député si tant est que la saisine du juge d’instruction ne vise pas cette personne ? Voilà des questions qu’on entend ces derniers temps sur les plateaux de télé et qu’on voit sur les réseaux sociaux.
Ma modeste contribution est que les 2 procédures ne sont pas identiques.
Pour ce qui est de la procédure judiciaire, l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale (qui reprend un article de la Constitution) dispose qu’aucun député ne peut être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée.
A partir de ce moment, le Procureur ne peut initier aucune poursuite judiciaire contre Ousmane Sonko tant que son immunité parlementaire n’est pas levée. Même si la Section de recherches de la gendarmerie a terminé son enquête préliminaire à la suite d’une plainte pour viol dans laquelle Ousmane Sonko est cité nommément.
Comme l’article 71 du Code de procédure pénale permet au Procureur de saisir un juge d’instruction, à travers un réquisitoire ou une ordonnance, contre «personne dénommée ou non dénommée» et que l’article 73 du même code lui dit, qu’il peut dans son réquisitoire introductif, et à toute époque de l’information par réquisitoire supplétif, requérir du magistrat instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité, il pouvait bien saisir le juge du 8e cabinet ou tout autre juge d’instruction.
En visant X (personne non dénommée), il respecte les dispositions du Code de procédure pénale tout en se gardant de violer la Constitution et la loi portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
En effet, si le Procureur avait commis l’erreur de citer Ousmane Sonko dans son réquisitoire introductif (première pièce de la poursuite), il violerait la législation car la levée de l’immunité parlementaire de Sonko n’est pas effective. Ce serait alors un élément sur lequel les très brillants avocats de Sonko, des ténors du barreau, pourraient se baser pour soulever des exceptions aux fins de nullité de la procédure.
Si demain cette immunité est levée, le procureur pourrait bien donner un réquisitoire supplétif au juge du 8e cabinet, en visant cette fois-ci Ousmane Sonko.
Quant à la procédure à l’Assemblée nationale, elle est distincte de celle que nous avons évoqué plus haut.
Ici, c’est le ministre de la Justice qui saisit le président de l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire d’un député. Et dans sa lettre-demande, Me Malick Sall ne vise pas X, mais Ousmane Sonko, nommément cité dans la plainte déposée contre Adji Sarr et dans le procès-verbal d’enquête préliminaire dressé par la gendarmerie.
En définitive, l’Assemblée nationale n’instruit pas une demande de levée d’immunité parlementaire contre X, mais contre Ousmane Sonko, alors que la Justice ne peut installer le leader de Pastef dans aucune procédure tant que son immunité n’est pas levée, au risque de violer la Constitution et la loi, au risque de vicier toute la procédure.
D’où l’utilisation de X (personne non dénommée) dans le réquisitoire introductif confiant l’affaire de viol présumée au préjudice d’Adji Sarr instruite par le juge du 8e cabinet du tribunal de grande instance de Dakar.
Daouda Mine IGFM