SENTV : C’est un risque encore très peu considéré et que beaucoup de populations littorales ignorent. Pourtant, le risque de tsunamis en mer Méditerranée s’avère réel. Preuve en est, le 16 octobre 1979, un raz-de-marée, provoqué à la suite d’un glissement de terrain, frappait violemment la côte niçoise (Alpes-Maritimes) faisant une dizaine de morts. Plus récemment, ce fut aussi le cas en Algérie en 2003, et sur l’île grecque de Samos en mer Egée en 2020. «Là où il y a eu un tsunami, il y en aura d’autres», alertent les scientifiques.
D’après leurs calculs, «il y a 100 % de chances» qu’un tel phénomène ait lieu en Méditerranée «au cours des trente prochaines années», rappelle l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Face à cette menace, l’institution onusienne a appelé mardi les pouvoirs publics à mettre en œuvre des mesures de sensibilisation, d’alerte et de prévention afin de s’assurer que les communautés côtières soient prêtes à réagir face à de tels phénomènes. Entretien avec Bernardo Aliaga, spécialiste des tsunamis à l’Unesco.
Pourquoi entend-on si peu parler des tsunamis en Méditerranée ?
Ils ne sont pas comme les autres tsunamis. Ils sont peu fréquents et de faible amplitude comparés à ceux observés dans l’océan Pacifique, notamment en Indonésie avec celui de Sumatra en 2004 dont les vagues atteignaient près de trente mètres de haut et qui a fait plus de 200 000 morts dans quatorze pays. Pour rappel, les tsunamis de Méditerranée représentent 10% du total des tsunamis, c’est pourquoi ils sont si peu marquants. Par ailleurs, on a arrêté de diffuser les connaissances qu’on possédait à leur sujet et qui se transmettaient par le passé, de génération en génération. Pour preuve, le tsunami de Lisbonne en 1755, qui a pourtant fait 1 000 victimes en plus des 30 000 dues au tremblement de terre [entre 50 000 et 100 000 morts causées par le séisme et le tsunami, selon les sources, ndlr], a peu à peu été oublié avec le temps.
Qu’est-ce que vous préconisez ?
La communauté scientifique et les décideurs doivent mettre en place des systèmes d’alerte et de prévention plus efficaces. Actuellement, on compte cinq centres régionaux de surveillance, au Portugal, en Italie, en France (Guadeloupe et Martinique), en Turquie et en Grèce. Tous sont capables d’émettre dans les plus brefs délais des alertes aux tsunamis provoqués par des séismes (70%) et des volcans (10%). Problème : si les volcans aériens sont pris en compte dans les systèmes d’alerte, les volcans sous-marins ne le sont pas. Pourquoi ? Car la recherche n’est pas encore assez poussée dans ce domaine.
A terme, doit-on craindre en Méditerranée des tsunamis de plus grande ampleur voire des tsunamis exceptionnels, comme celui du Japon en 2011 ou de Sumatra ?
Les tsunamis en Méditerranée existent : l’un d’eux s’est produit en Crête en 365 et avait généré beaucoup de dégâts à l’époque. Mais les études scientifiques concernant la Côte d’Azur montrent des tsunamis moins importants. Quoi qu’il en soit, il est bon de rappeler que le risque est bien là : un tsunami de 50 centimètres de haut peut faire énormément de dégâts. C’est un mur d’eau capable de soulever une voiture et de la déposer plusieurs dizaines de mètres plus loin. Là où il y a eu un tsunami par le passé, il y en aura dans le futur : en mer Egée (qui se situe entre la Grèce et la Turquie), sur la côte nord-africaine (notamment en Algérie), sur la Côte d’Azur, en Italie avec le volcan Stromboli… Il est donc important de sensibiliser sur leur existence, encore plus sur ceux qui peuvent être générés par des volcans sous-marins – comme le volcan sous-marin de Panaréa, une des îles éoliennes – et qui ne sont pas visibles…
Quelles zones sont les plus à risque sur la Côte d’Azur ?
Nice est très exposé. Pour rappel, la ville a déjà été frappée par un tsunami en 1979. Ce dernier a inondé l’aéroport. C’est le plus connu en France. Désormais, le plus important, est de créer des liens entre communauté scientifique et protection civile. Les choses commencent à bouger, notamment du côté de la préfecture de Marseille (Var) et de la municipalité de Cannes (Alpes-Maritimes), qui sont alertes sur les risques et qui développent des protocoles avec des cartes actualisées de zones d’inondation et d’évacuation avec l’idée de comment échapper au tsunami le plus rapidement possible et d’indiquer par quelle voie. Des exercices ont déjà été réalisés dans les Caraïbes où l’on a réussi à évacuer un million de personnes, en 2019. De tels exercices d’évacuation n’existent pas encore en France.
Ces phénomènes sont-ils exacerbés par le réchauffement climatique ?
Il existe un lien entre tsunamis et réchauffement climatique. Ce dernier provoque la montée du niveau de la mer et la puissance des tsunamis peut ainsi être décuplée. Dans certaines zones du monde, comme à Macao en Chine, on sait que les tsunamis auront deux fois plus de répercussions en 2050.
MSN