SENTV : Depuis 2011, la Syrie est plongée dans une guerre civile sans fin qui a fait près d’un demi-million de morts et des millions de déplacés. Après la chute de Bachar al-Assad, dimanche, retour sur les événements marquants de ce conflit qui a marqué le pays au fer rouge.
« On attendait ce jour depuis longtemps ! » À Damas, la liesse s’est emparée des rues, dimanche 8 décembre. Quelques heures plus tôt, des groupes rebelles menés par des islamistes radicaux annonçaient en direct à la télévision publique la chute du président syrien Bachar Al-Assad et la « libération » de la capitale syrienne, après une offensive fulgurante.
Pour beaucoup de Syriens, le nom de Bachar Al-Assad, qui a trouvé refuge à Moscou avec sa famille, incarne des années de répression sanglante : la guerre civile déclenchée en 2011, dans la foulée des manifestations inspirées par le Printemps arabe, a causé près d’un demi-million de morts et contraint des millions de personnes à l’exil.
« Le peuple syrien a besoin de justice, et cette transition doit s’appuyer sur des relais civils capables de représenter la diversité du pays et d’honorer la dignité dont les Syriens font preuve aujourd’hui », analyse Aghiad Ghanem, docteur en relations internationales franco-syrien et enseignant à Sciences Po Paris. Il ajoute, non sans émotion : « Le régime de Bachar Al-Assad a prospéré sur des politiques de prédation et d’humiliation. Comment réagir à sa fuite quand des milliers de familles ont perdu des proches à cause de ce régime ? » Retour sur les événements qui ont ensanglanté la Syrie depuis 2011.
2011 : des manifestations prodémocraties à la guerre civile ouverte
Dans le sillage des mouvements de contestation qui agitent le monde arabe – qui a pris le nom de Printemps arabe –, plusieurs dizaines de Syriens descendent dans la rue le 15 mars à Damas, répondant à un appel à manifester lancé sur les réseaux sociaux contre le régime autoritaire de Bachar Al-Assad, dont la famille gouverne le pays d’une main de fer depuis quarante ans.
Trois jours après, le 18 mars, quatre manifestants sont tués à Deraa, dans le sud du pays, lors d’une manifestation qui attire plusieurs milliers de personnes. Alors que le mouvement de protestation prend de l’ampleur, le régime intensifie sa répression. Le 31 juillet, une opération militaire à Hama fait 140 morts parmi les civils. Quelques jours plus tard, un colonel déserteur fonde l’Armée syrienne libre (ASL), officialisant ainsi le début de la lutte armée contre le régime.
2013 : les armes chimiques, une violation de la « ligne rouge » américaine
L’année 2013 marque un tournant dans la répression violente du régime syrien. Les puissances occidentales accusent l’armée syrienne d’avoir utilisé des armes chimiques à plusieurs reprises contre les rebelles, franchissant ainsi une « ligne rouge » inacceptable pour les États-Unis. Le 21 août, une attaque au gaz sarin frappe la région de la Ghouta, bastion rebelle en périphérie de Damas, provoquant la mort par suffocation de 1 400 habitants, selon les ONG et les équipes médicales sur place.
Après cette nouvelle attaque, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni envisagent une intervention militaire punitive contre le régime, sans l’accord de l’ONU. Toutefois, au dernier moment, Barack Obama choisit de soumettre cette décision à l’approbation du Congrès américain, empêchant ainsi toute action militaire. Un accord international est finalement conclu en vue de neutraliser l’arsenal chimique syrien.
2016 : la bataille d’Alep, victoire sanglante de Bachar Al-Assad
Après quatre années de combats acharnés pour le contrôle d’Alep, ancienne capitale économique située dans le nord-est du pays, les rebelles, qui contrôlaient la partie est de la ville, capitulent en décembre.
Environ 21 500 civils ont été tués dans ces combats, selon une estimation de l’OSDH (Observatoire syrien des droits de l’Homme), et des dizaines de milliers d’autres évacués dans le cadre d’un accord conclu par la Russie et la Turquie. Pour Bachar Al-Assad, cette victoire représente le plus grand succès militaire depuis le début de la révolution.
2017 : la ville de Raqqa libérée mais dévastée
Le 17 octobre, les Forces démocratiques syriennes (FDS), rassemblant des combattants arabes et kurdes soutenues par la coalition internationale, reprennent Raqqa, fief de l’organisation État islamique (EI) depuis 2014.
Un accord est conclu pour permettre l’évacuation des derniers jihadistes présents dans la ville. Cette bataille acharnée de quatre mois aura coûté la vie à plus de 2 000 personnes, selon l’OSDH, et a entraîné la destruction de 80 % de Raqqa, laissant la ville en ruines et ses habitants dans un état de désespoir.
2020 : la bataille d’Idleb
L’armée syrienne, avec le soutien de la Russie, lance une offensive pour éliminer les derniers bastions jihadistes et rebelles dans la région d’Idleb. Le bombardement des villages et l’avancée de l’armée conduisent au déplacement de centaines de milliers de civils, selon l’ONU.
Proche de la frontière turque, cette opération génère de fortes tensions avec Ankara. Finalement, un accord de cessez-le-feu est conclu le 5 mars, représentant une étape cruciale dans le plan de reconquête du territoire par le régime de Damas.
2020-2024 : des combats sporadiques et un bilan toujours aussi tragique
Entre 2020 et 2024, la guerre en Syrie évolue vers un conflit larvé, marqué par l’absence de grandes offensives et une stagnation des lignes de front. Cependant, des affrontements ponctuels et sporadiques continuent d’éclater, notamment en août 2021 dans la région de Deraa, entre loyalistes et ex-rebelles.
En janvier 2022, l’organisation État islamique attaque la prison d’Hassaké, provoquant une mutinerie et l’évasion de plusieurs centaines de détenus. À partir d’octobre 2022, le conflit s’intensifie à nouveau avec des combats entre différentes factions dans le gouvernorat d’Alep et une offensive turque contre les forces kurdes.
Au total, le conflit a causé la mort d’environ 500 000 personnes depuis 2011, selon les données de l’OSDH. Parmi elles, de nombreuses victimes civiles ont péri en raison des bombardements, des combats au sol, des détentions arbitraires ou encore des tortures. À ce bilan s’ajoutent plus de 130 000 personnes qui ont été arrêtées par le régime de Bachar Al-Assad ou qui ont disparu depuis le début du conflit.
2024 : la chute du régime de Bachar Al-Assad
Les rebelles, emmenés par les islamistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), lancent une offensive surprise le 27 novembre contre les forces de Bachar Al-Assad dans la province d’Alep, marquant le début d’une série de combats intenses avec le régime.
Les jihadistes coupent l’autoroute vitale reliant Damas à Alep et s’emparent de plusieurs villages. Après avoir pris le contrôle des villes d’Alep, de Hama et de Homs, les rebelles pénètrent à Damas dans la nuit du 7 au 8 décembre et annoncent la prise de la prison de Sednaya, symbole des pires exactions du régime. Bachar Al-Assad a quitté le pays en avion, laissant les rebelles proclamer la libération de Damas.
Le bilan des derniers jours de combat dépasse les 900 morts, dont près de 140 civils, en 11 jours, selon l’OSDH.
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