CONTRIBUTION
La publication du Rapport 2016 de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) a inspiré au Directeur général du Coud un long communiqué dans un quotidien de la place.
Quelles ne furent ma surprise et mon indignation de le lire une première, puis une deuxième fois ! C’est du cinéma et un tissu de contrevérités, surtout pour ce qui concerne la partie où il incrimine l’Ofnac – ce n’est pas la première fois d’ailleurs. Il vise davantage l’Ofnac, son ancienne Présidente et l’auditeur Papa Ibra Kébé, que le Rapport de l’Armp. Le Rapport 2014-2015 de l’Ofnac et le dossier que cette institution a déposé auprès du procureur de la République lui sont restés en travers de la gorge.
Tout était parti d’une dénonciation adressée à l’Ofnac, dénonciation de présumés infractions et dysfonctionnements graves notés dans la gestion du Dg du Coud. Une mission d’auditeurs-vérificateurs a été alors envoyée sur le terrain. Après vérification dans les règles de l’art, des faits présumés graves ont été constatés par les enquêteurs. Les faits retenus font l’objet d’une seconde vérification par la Présidente, le Vice-Président, le Comité de lecture et les douze membres de l’Ofnac. Accompagnés ensuite d’éléments de preuves irréfutables, ils font l’objet d’un rapport d’enquêtes et d’un résumé dans le Rapport public d’activités de l’Ofnac (2014-2015). Je rappelle que les deux rapports sont examinés, corrigés et approuvés par l’Assemblée des membres de l’Ofnac. C’est après approbation (validation) que ladite Assemblée décide de la transmission du Rapport d’enquêtes au procureur de la République. Cette décision fait l’objet, à son tour, d’une délibération qui est l’acte juridique qui la matérialise. Toute cette procédure dépasse donc les seules personnes de la Présidente et du vérificateur.
Pour revenir à son communiqué, le Dg du Coud y affirme que «le directeur et le personnel du Coud avaient découvert en même temps que l’opinion public (je cite fidèlement) le rapport qui incriminait le Coud sur beaucoup de choses». Et il ajouta, sûr de lui, que «c’était la première fois dans l’histoire du Sénégal qu’un auditeur publiait un rapport qui n’était pas contradictoire». Il raconte manifestement des histoires, par ignorance ou par malhonnêteté. La loi qui crée l’Ofnac ne prévoit pas de rapport contradictoire. Les délinquants présumés sont entendus sur procès-verbal. Comme le prévoit la loi, le Dg et ses collaborateurs l’ont tous été, pour leur permettre de donner leur version des faits. Ce sont ces Pv qui sont joints au rapport d’enquêtes destiné au procureur de la République. Si jamais ils devaient se présenter devant ce magistrat – ce qui est peu probable – ils auraient l’opportunité de s’expliquer largement.
Le Dg du Coud fait ensuite état d’une «certaine presse (qui) s’acharne toujours sur ce dossier refusant de faire mention de (leurs) éléments de réponse». Dans ce dossier, il n’y a d’éléments de réponses que dans les procès-verbaux désormais entre les mains du procureur de la République. Il affirme aussi que «toutes les composantes de la Communauté universitaire avaient, en son temps, montré l’impertinence de ce rapport». Où l’ont-elles montré ? Je n’ai jamais lu ou entendu quelque chose de pareil. En outre, se peut-il que toutes les composantes de la communauté universitaire aient lu ledit rapport pour en démontrer l’impertinence ? Ce Dg est vraiment un grand comédien !
On retient une autre contrevérité dans son communiqué, flagrante celle-là. «Le chef de la mission de cet audit, en l’occurrence Papa Ibra Kébé, avait fini par être renvoyé de l’Ofnac pour incompétence», a-t-il osé affirmer. Quel mensonge grossier ! Il lui en veut sûrement, mais lui en vouloir devrait-il l’emmener jusqu’à un certain niveau. M. Kébé est, en vérité, un éminent professeur de Finance, Contrôle de Gestion et Audit, qui a repris ses enseignements depuis avril 2016 au Groupe Ecole supérieure de commerce de Clermont-Ferrand. Il y est responsable de plusieurs enseignements. C’est un cabinet de recrutement de ressources humaines qui l’avait recommandé à l’ancienne Présidente de l’Ofnac.
Il convient de signaler qu’en acceptant de venir travailler pour son pays, M. Kébé perdait 60 % de son salaire. Je le connaissais personnellement et l’ai côtoyé pendant plusieurs mois. Sa compétence ne fait pas l’objet d’un seul doute et le Dg en est parfaitement convaincu. Deux raisons ont fondamentalement poussé M. Kébé à proposer à l’ancienne présidente un départ dans le cadre d’une rupture de contrat à l’amiable. Ce sont d’abord les insultes grossières dont l’inondait ce Dg du Coud et les menaces qu’il proférait régulièrement à son encontre (par téléphone) qu’il ne supportait plus. Il était, en outre, convaincu que ce directeur, comme probablement de nombreux autres, était surprotégé et qu’il ne pouvait pas continuer de travailler dans ces conditions-là.
Revenons aux dysfonctionnements et aux infractions graves notés dans la gestion chaotique du Coud ! Le Rapport de l’Ofnac note d’emblée que Cheikh Oumar Anne, le Dd du Coud, a fait l’objet «d’enquêtes et d’investigations menées à la suite d’une dénonciation d’actes de fraude et de corruption». Ce rapport qui l’incrimine est «établi conformément aux normes professionnelles, accompagné des éléments probants recueillis» par les enquêteurs de l’Ofnac et «a été transmis à l’Autorité judiciaire compétente pour que les poursuites soient engagées» contre lui. Le rapport précise que «les investigations se poursuivent sur d’autres aspects de la gestion du Coud et les résultats obtenus feront l’objet d’un second rapport». Ce second rapport ne sera jamais produit puisque la Présidente de l’Ofnac sera rapidement relevée de ses fonctions, pour que les investigations ne se poursuivent jamais. Elles allaient mettre en évidence des scandales beaucoup plus graves encore que ceux qui ont été constatés par la première mission dont nous allons passer en revue quelques-uns.
Il y a eu, en particulier, beaucoup d’abus dans les ‘’subventions’’. Ainsi, la somme de 454 millions 476 mille 81 francs Cfa a été versée à divers bénéficiaires en 2014 et 2015 par le Coud. Pour l’essentiel, ont constaté les auditeurs, ces montants importants ont été versés à des agents du Coud ou remis au Régisseur, sans même préciser leur objet. Or, font-ils remarquer, «les subventions, dans le principe, devraient être versés principalement à des personnes physiques ou morales extérieures au Coud.»
Il y a eu aussi que le Dg du Coud donnait des subventions sans bénéficiaires (connus). Ainsi, d’après le grand livre comptable 2014, un montant de 35 millions 20 mille francs Cfa a été accordé par le Dg entre le 1er et le 15 octobre 2014. L’agent comptable a été incapable de dire qui étaient ces «heureux bénéficiaires» et de présenter les pièces justificatives à l’appui des paiements. On sait au moins qu’ils étaient au nombre de quatre (4) sans nom. Ils ont reçu en tout cas, les deux premiers : 8 millions 800 mille francs Cfa et 15 millions 840 mille francs Cfa le 1er octobre 2014, et les deux derniers 6 millions 480 mille francs Cfa et 3 millions 900 mille francs Cfa le 15 octobre 2014.
L’Ofnac note aussi que ces subventions sans bénéficiaires (connus) ont été accordées par le Dg du Coud «en violation de la procédure prévue qui exige l’autorisation du Conseil d’administration comme préalable». Les auditeurs en concluent qu’on «est en présence d’un détournement de deniers publics dont les responsables sont le Directeur du Coud qui a accordé ces subventions en l’absence d’autorisation du Conseil d’administration et le Comptable public qui a accepté de procéder aux décaissements sans les pièces justificatives requises et sans que les personnes bénéficiaires soient connues».
On retrouve ces mêmes subventions faciles, sources de détournements de deniers publics, avec la visite du président-politicien à l’Ucad le 31 juillet 2015. Dans ce cadre, notre Dg a organisé une cérémonie au Campus et en a encore profité pour distribuer des subventions et financer d’autres activités. Ont été ainsi distribués par le Régisseur : huit (8) millions de francs Cfa aux étudiants de l’Ucad ; 15 millions de francs Cfa pour l’habillement d’accueil pour les étudiants ; 32 millions de francs Cfa pour l’habillement des femmes et des hôtesses du Coud ; 34 millions de francs Cfa pour la confection de t-shirt, body et casquettes pour les étudiants et personnels du Coud. Les vérificateurs se sont trouvés aussi face à une véritable forfaiture : «La décision d’octroi de ces subventions est prise le 13 août 2015, alors que la cérémonie était prévue le 31 juillet 2015». Il y avait donc postérité de la décision par rapport à l’événement que les dépenses sont censées couvrir.
Les vérificateurs n’étaient pas au bout de leur surprise : aucune trace de l’effectivité des dépenses, absence de tout Pv de réception, pas de matières reçues dans le service. Plus surprenant encore : «Les habits déclarés avoir été achetés, à savoir 100 costumes, 100 cravates, 100 paires de souliers, les habits d’hôtesse pour les femmes, etc., restaient introuvables lors de la visualisation des films de la cérémonie.» Les vérificateurs ont reconnu quand même avoir trouvé des éléments attestant de l’effectivité de la subvention de huit (8) millions versée aux étudiants ; mais l’état des paiements indiquait que seuls sept (7) millions ont bien été payés à des étudiants représentant leur structure. Point de trace du reliquat d’un million.
Un montant total de 82 millions a été ainsi payé en l’absence de pièces justificatives requises, notamment de Pv de réception nécessaires avant tout paiement pour ce qui concerne les matières à acquérir. Les deux acolytes, le Régisseur et le Dg se renvoyaient la balle, aucun d’eux ne voulant assumer la lourde responsabilité de toute la bamboula qui a entouré la visite du président-politicien.
Compte tenu de tous les manquements constatés, les vérificateurs considèrent qu’il y a détournement de deniers publics et en ont identifié les responsables : le Directeur, ordonnateur ayant initié la dépense, le Régisseur qui a encaissé l’argent auprès de l’Agent comptable et l’Agent comptable qui a accepté de payer les montants des subventions au Régisseur, alors que les décisions présentées par le Directeur sont intervenues après l’événement. Cette postérité de la décision par rapport à l’événement que les dépenses sont censées couvrir est la preuve manifeste de leur volonté concertée de détourner l’argent du contribuable.
Les auditeurs ont même constaté le recrutement à titre posthume d’un agent décédé le 8 novembre 2014 dans un accident de la circulation. Il ‘’a reçu’’ un salaire d’un montant de 275 000 francs Cfa en novembre et en décembre 2014. Le grand frère du disparu interrogé affirme avoir reçu le salaire au titre du mois d’octobre (qui avait accusé un retard) et celui du mois de novembre. Il ne manque pas de préciser qu’il recevait 53 000 francs par mois alors que le salaire à titre posthume était de 275 000 francs/mois. Voilà des gens qui volent jusqu’aux morts ! Ils ont volé, volé, et encore volé.
Au cours de la première mission consécutive à la dénonciation reçue par l’Ofnac, les auditeurs-vérificateurs ont signalé à la Présidente des faits beaucoup plus graves que ceux dénoncés, faits relatifs notamment à la caisse d’avance, à la restauration et aux investissements. Le Dg pompait, tous les dix jours, 150 millions des fonds du Coud pour alimenter ladite caisse. Ce qui faisait 450 millions par mois pour – attachez vos ceintures – acheter des légumes. Le kilogramme de niébé – attachez encore vos ceintures – était acheté à 4 500 francs auprès du restaurateur adjudicataire du marché. Une autre grosse forfaiture : l’achat – tenez-vous bien – de 300 kg de poivre par mois pour la consommation de deux seuls restaurants gérés alors en régie par le Coud, le temps de retrouver un repreneur.
Ce ne sont là trois exemples, parmi de très nombreux autres, du pillage systématique du Coud par son Dg, dont fourmille le Rapport de 27 pages de l’auditeur-vérificateur Papa Ibra Kébé. Ce qu’il y a dans ce rapport dépasse l’entendement. C’est infiniment plus grave que les accusations qui sont portées contre le maire de Dakar. En matière de népotisme en particulier, il dame de loin le pion à tous les autres Dg et à tous les ministres, lui qui est capable d’enrôler, d’un coup, 400 jeunes de Podor au Coud. J’aurai peut-être l’opportunité de revenir en détail sur le Rapport de l’auditeur Kébé.
Il convient de signaler aussi l’existence d’un projet de construction d’une résidence universitaire d’une capacité de dix-huit mille (18 000) lits que le président-politicien aurait confié à ce Dg pilleur de deniers publics. Ce projet serait co-piloté par une assurance de la place. Demain, il serait intéressant de jeter un bon coup d’œil sur la construction de pavillons et autres infrastructures dans nos différentes universités, chasse-gardée d’une entreprise appartenant, semble-t-il, à un Américain qui serait ‘’l’ami’’ du président-politicien.
Avec son fameux communiqué donc, le Dg fanfaron fait du cinéma, raconte manifestement des contrevérités, sûr qu’il est de l’impunité totale, avec un président-politicien qui met le coude sur les dossiers de ses proches et un Premier ministre qui minimise la fraude et la corruption, plaies béantes de notre pauvre pays. Enfin, je lance un défi à ce Dg pilleur de deniers publics : si, avec un autre président, un président vertueux et respectueux du bien public, l’Inspection générale d’Etat était envoyée le temps qu’il faut au Coud, il serait convoqué par le procureur de la République (un autre celui-là) et placé rapidement sous mandat de dépôt, dès le dépôt du rapport auprès de qui de droit. Je lance ce même défi à Cheikh Kanté, à Ciré Dia et à de nombreux autres Dg et ministres du président-politicien. Nombre d’entre eux, qui ont fait pire que le maire de Dakar, rejoindraient sûrement Rebeuss, le seul séjour qu’ils méritent.
Mody NIANG