SENTV : Jean-Paul Belmondo est mort ce lundi à l’âge de 88 ans, a annoncé son avocat à l’AFP. L’acteur restera à jamais comme un monstre sacré du cinéma français. En plus de cinquante ans de carrière, il est apparu aussi bien dans des films d’auteurs que dans des longs-métrages populaires.
Jean-Paul Belmondo, véritable mastodonte du cinéma français, est décédé ce lundi à son domicile à Paris à l’âge de 88 ans, a annoncé son avocat Me Michel Godest à l’AFP. Selon ce dernier, il était très fatigué depuis quelque temps. « Il s’est éteint tranquillement », a précisé son avocat.
Bébel, plus qu’un surnom affectueux, presqu’une marque, un naturel, un jeu sans l’ombre d’une cérébralité déplacée. Une popularité phénoménale : 160 millions d’entrées cumulées en France, dont une moyenne de 3,5 millions par film à l’apogée de sa période casse-cou, pas sa meilleure, entre 1975 et 1985.
Il plaît à tout le monde, aux jeunes, aux cheveux blancs, aux coquettes, aux bien-nés, aux mal lotis. Modèle de Jean Dujardin, icône de Romain Duris, maître en pitreries d’Albert Dupontel, c’est un paradoxe sur pattes, un gigantesque pied-de-nez aux conventions du jeu.
Il n’était pas comme les autres
Tout commence d’ailleurs par un bras d’honneur. Qu’il adresse au jury du Conservatoire, qui le recale à l’examen final. « Il n’était pas comme les autres, plus dingue, plus insolent », se souvenait Guy Bedos, copain de promo. Un jour, il arrive en cours en pyjama, déclarant être tombé du lit. Les autres jours, il chahute.
Pierre Dux, son professeur, exaspéré par son apparent j’men foutisme, et particulièrement allergique à sa gueule cabossée de boxeur, ses oreilles décollées, ses lèvres charnues comme la bande-annonce du botox, lui lança cette remarque devenue mythique : « Avec cette tête-là, vous ne pourrez jamais prendre une actrice dans vos bras. Ça fera rigoler tout le monde. »
Un copain rêvé
Quelques années plus tard, alors qu’il file le parfait amour avec la bombe Ursula Andress, le « moche » adressera cette réponse à Dux, croisé dans un restaurant : « Désolé, je n’ai pas pu faire mieux », en tenant la sublime James Bond girl par les hanches.
C’est ça, Bébel, le faux cancre de la classe et la classe en personne, le pas-beau absolument irrésistible, et surtout le copain gouailleur qu’on rêve tous d’avoir. Avec lui, a déferlé la modernité en même temps que la Nouvelle Vague.
Un splash de fraîcheur, qui noie les tics, et fait émerger un jeu plus libre, une allure plus cool. Le côté populaire du métier ? Il le revendique, quand son supposé rival, Alain Delon, issu d’un milieu plus modeste, aspire à des poses aristocratiques. « Ce n’est pas un acteur de concentration permanente, il est toujours partant pour des bêtises », signale Claude Lelouch sur le tournage de Itinéraire d’un enfant gâté, le film de son César.
Un amateurisme travaillé et absolument magique
C’est vrai qu’il respire un laisser-aller sans faux-pli, qu’il gesticule, même dans les films d’auteur pur jus, mais n’est-ce pas ce qui les rend aussi accessibles ? Jean Rochefort, son acolyte de Cartouche, résume fort bien cette spontanéité, ce naturel surnaturel : un « amateurisme travaillé et absolument magique ».
Il aimait déconner
Déconner, ah oui, il sait. Chez Godard comme chez Lautner. Qui d’autre que Belmondo peut se targuer de finir Pierrot le fou la tête peinte en bleu et de virevolter en caleçon à pois rouges, suspendu à un filin d’hélicoptère dans Le Guignolo ? Et puis, il y a ses cascades. Pour le meilleur et pour le pire. Chacun piochera, les bons comme les mauvais souvenirs, dans ses films commençant par « Le » : Guignolo, Professionnel, Animal, As des a, Marginal, Morfalous.
Albert Dupontel se souvient : « Après avoir vu Flic ou voyou, j’ai refait dans mon jardin la cascade où il descend d’un câble. Je m’étais lancé du premier étage et je me suis retrouvé pulvérisé par un ceriser sous les éclats de rire de mes frangines qui criaient ’Vas-y Bébél !’. Quand on est enfant, voir quelqu’un de l’âge de ses parents faire ce qu’il faisait à l’écran, c’était la preuve qu’être adulte n’était pas une fatalité ». (*)
Au sommet de la pantalonade
Bébel, superstar. Mégastar. Avant lui, aucun acteur français ne s’était transformé en marque de fabrique. Une première aussi, ses pleins pouvoirs. Le tout-puissant Belmondo, celui de Lautner et Zidi, impose son nom à 100 % de la largeur de l’affiche.
Il exige des coupes, impose la grosseur du nom du réalisateur et de ses partenaires, les dialogues, y compris ceux d’un Audiard nettement moins inspirés qu’au temps de « Un singe en hiver ». Belmondo au creux de la cinéphilie mais sommet de la pantalonade.
Un Belmondo heu-reux. Comme dans Acteurs, la parodie de Bertrand Blier sur le milieu du cinéma. Belmondo endosse pratiquement son propre rôle et n’arrête pas de répéter « Qu’est ce que je me suis marré ».
Aujourd’hui, l’autre phrase que Blier lui glisse entre les lèvres sonne comme une prophétie : « Je suis né de bonne humeur et je vais mourir de bonne humeur. » Et renvoie à la devise fétiche de l’acteur : « Je riais au berceau et j’espère mourir en riant. »