L’Acte III de la Décentralisation peine à décoller. Macky a reconnu à l’entame de ses propos lors du dialogue national que l’Etat savait que cette réforme fondamentale était en panne, depuis son lancement.
Pour ma part, j’apporte ces quelques réflexions dans le cadre de ce dialogue, pour l’amélioration de sa mise en œuvre, afin que la Phase II de cet Acte III pompeusement annoncé par le Chef de l’Etat ne signe pas l’arrêt de mort de cette réforme, dont les sénégalais ne mesurent pas à sa juste valeur les potentielles répercutions dans leur vie.
En effet, tout changement entraine des résistances, plus ou moins importantes, selon la profondeur des réformes envisagées, et leur impact au sein de la population cible. Pour la première fois dans l’histoire politique et sociale de notre pays, une réforme aussi profonde ne soulève presque aucune contestation populaire, pour l’instant.
Rappelons que cet Acte III a été imposé et sa mouture actuelle arrêtée sur un coup de sang d’un Macky en proie à la colère qui aura décidé de biffer la Région pour rabattre son caquet à un Babacar Gaye dont le langage lui aura déplu lors de l’audience avec l’Association des Régions Sénégalaises. Sa mise en œuvre ne manquera pas de soulever des remous ultérieurement cependant, surtout que son application fera intervenir d’autres dispositions réglementaires en cours de finalisation, comme la Loi sur le foncier qui déterminera les compétences des collectivités territoriales par rapport aux populations, dans des domaines aussi névralgiques que l’accès à la terre.
Gageons qu’il est urgent alors d’opérationnaliser rapidement les collectivités locales, sur tous les plans, pour qu’en leur qualité de démembrements de l’Etat, elles puissent souverainement remplir leurs rôles dans ce sens.
Par ailleurs, la phase II de l’Acte III devant consacrer l’autonomie financière des Collectivités locales, en particulier les Conseils départementaux : l’Etat devra éviter de croire que doter ces collectivités locales d’une fiscalité propre va suffire à les rendre opérationnelles.
J’en veux pour preuve les Communes : elles sont toutes dotées d’une assiette fiscale censée leur garantir des revenus suffisants pour leur permettre de fonctionner correctement. Aucune des principales communes du pays n’est viable financièrement. L’insuffisance des ressources recouvrées confrontée à la lourdeur des charges de fonctionnement les empêche de remplir correctement leurs missions.
Les nouvelles communes mises en place dans le cadre de la communalisation intégrale sont moribondes. Et d’ailleurs, si Macky en avait seulement le courage politique, il devrait commencer à envisager d’abréger leurs souffrances : elles ne sont pas viables, et cela ne fait l’effet d’aucun doute. Créées sur des bases pour la plupart de recherche de prestige, elles devraient être dissoutes simplement, en application des dispositions du Code des collectivités locales, dans ce sens.
Donc, il faudrait que l’Etat envisage, en plus de l’assiette fiscale propre qu’il ne manquera pas de déterminer pour le Conseil départemental, d’augmenter les transferts financiers au bénéfice de cet ordre de collectivité locale, au vu des responsabilités qui sont les siennes.
Le Code dispose clairement que tout transfert de compétence s’accompagne d’un transfert de ressources suffisantes pour sa prise en charge et, si ce n’était pas le cas, l’Etat devrait intervenir par une dotation spéciale.
Dès lors, Macky et son régime devraient avoir le courage de faire confiance aux élus locaux, par le respect des dispositions constitutionnelles que son régime viole impunément, trahissant par là le caractère immuable de l’organisation décentralisée du territoire !
En plus, ce dialogue doit permettre de dépasser une fois pour toutes les bisbilles entre l’Etat et les collectivités locales pour ce qui concerne par exemple le recours à l’emprunt. Macky et son régime ont l’occasion de régler définitivement le conflit larvé avec la Mairie de Dakar et de démentir une bonne fois pour toute l’accusation de promulgation d’un Code des collectivités locales taillé sur mesure pour combattre Khalifa Sall.
Les collectivités locales ne peuvent plus ne pas recourir à l’emprunt pour investir sur leurs terroirs, et un encadrement de cette possibilité peut présenter un double avantage pour l’Etat.
En effet, Macky a encouragé son gouvernement pour la mise en œuvre de convention de partenariat public entre l’Etat et ses démembrements. En mobilisant des ressources pour la mise en œuvre des politiques publiques définies en collaboration avec les collectivités locales, l’Etat peut en même temps garantir les emprunts des Collectivités locales entrant dans ce cadre et s’assurer donc d’une disponibilité de ressources suffisantes pour l’impulsion du développement économique et sociale des terroirs, une mission dévolue aux Conseils départementaux, consacrés porte d’entrée de la mise en œuvre des politiques publiques.
Oter le pain de la bouche des collectivités locales, en confiant les ressources financières destinées à la valorisation de leurs terroirs au Pnud pour la réalisation du le PUDC affaiblit la décentralisation, et confirme que l’Etat soit ne fait pas confiance aux collectivités locales, soit Macky est animé de sombres desseins politiciens qui lui font fouler au pied les principes même de la décentralisation, qu’il aura constitutionnalisée.
La manière dont son ministre en charge des collectivités locales vient de procéder à la répartition des fonds destinés aux collectivités locales le confirme sans ambages.
Il convient d’y mettre fin, une fois pour toutes. Dans le même ordre d’idées, la nomination d’un politicien à la tête du PNDL est problématique, surtout que ce brave monsieur n’y connait rien en développement local.
Cela vaut aussi pour les pôles territoires. Macky a salué les régions qui avaient librement décidé de mettre en place des pôles territoires. Pour les autres qui auraient refusé d’aller ensemble, il a décidé d’opter pour le Ponce pilatisme. Ce n’est pas une attitude responsable. Ces institutions sont trop importantes pour qu’il s’en lave les mains à ce point. Sinon, demain, il pourrait trouver des arguments à leur opposer, si elles ne fonctionnent pas correctement, pour les mêmes raisons qui auront présidé à leur refus de se « marier » avec d’autres régions pour former des pôles territoire plus cohérents, et donc plus viables. Dans le même ordre d’idées, la mise sur pied du Haut conseil des collectivités territoriales est à saluer, surtout si les personnalités cooptées par Macky ont suffisamment de compétences, et d’expérience pour permettre à cette institution de remplir correctement son rôle. Au vu de notre expertise avérée en ce domaine, elle requiert toute notre attention.
J’ai toujours soutenu par ailleurs que le développement du Sénégal passait obligatoirement par son essor agricole.
Aujourd’hui, la découverte du gaz et du pétrole constitue une formidable opportunité pour développer notre pays. A ce point de notre propos, il convient de préciser à l’endroit de Macky qu’il ne faut pas aller plus vite que la musique. En effet, il a soutenu lors de son discours qu’avec les ressources financières issues de l’exploitation de ces richesses, l’émergence de notre pays serait atteinte bien avant 2035, vers 2025 surement.
Dans ce cadre, que deviendraient les milliers de milliards empruntés et mobilisés pour le PSE. Qu’en est-il des ressources déjà disponibles pour sa mise en œuvre, dont une partie a été déjà dépensée pour le PUDC et d’autres projets ?
Ou bien en réalité tous les milliards que l’on annonce avoir déjà obtenu n’auraient pas été engrangés dans les faits, et que donc son propos serait un aveu d’échec de la stratégie de mobilisation des financements au niveau international ? Je n’ose pas le croire.
Et c’est pourquoi, je proposerai à Macky de profiter des concertations qui auront obligatoirement lieu entre notre pays et la Mauritanie dans le cadre de l’exploitation du gisement de gaz à notre frontière commune, pour aborder avec ce pays la problématique de la réalisation du Canal du Cayor.
Ce canal revitalisera les vallées fossiles. De Saint Louis à Fatick, en passant par le Ferlo, La région de Louga, la région de Diourbel et la région de kaolack.
Il réglera alors le problème de l’accès à l’eau dans la zone agro sylvo pastorale, et réduira en conséquence le phénomène de la transhumance, donnant par là l’opportunité aux éleveurs de cette zone du Ranch de Doli de s’orienter davantage vers un élevage intensif.
La question de l’accès à une eau potable de qualité dans les zones de Diourbel sera réglée, en même temps que cela y favorisera la relance du maraichage, rendant à cette région sa vocation d’antan.
Et que dire de la relance de la production rizicole dans les régions de Kaolack et de Fatick ?
En outre, au plan du développement durable, la grande muraille verte sera finalisée et, surtout, la réalisation de ce Canal du Cayor sauvera définitivement Saint Louis, dont la brèche est en train lentement et surement, d’effacer des villages entiers de la carte. C’est une catastrophe écologique sur laquelle l’Ambassadeur des USA dans le cadre d’une promenade le long du littoral a voulu diplomatiquement attirer l’attention de nos plus hautes autorités, tandis que celui des Pays Bas, en visite à Saint Louis a proposé l’expertise de son pays pour sauver la vielle ville.
C’est donc dire que les ressources issues du pétrole et du gaz devraient être injectées en priorité dans la réalisation d’infrastructures hydrauliques de la nature du Canal du Cayor, pour asseoir définitivement l’économie de notre pays sur le premier pilier essentiel du développement économique, le secteur primaire qui emploie 65% de la population.
Il est important certes de créer des fonds souverains pour penser aux générations futures, mais il est plus utile à mon avis de léguer à la génération future un pays développé, dont l’essor repose sur la valorisation de ses potentialités propres, plutôt que de compter sur les fluctuations d’un marché sur lequel l’Afrique représente moins de 1%, et le Sénégal, 0%.
Cissé Kane NDAO
Président de l’A.DE.R