SENTV : La crue dans le Matam fait craindre le pire. A quelques encablures de la capitale régionale, les eaux étendent partout leurs tentacules et empruntent des passages insoupçonnés. Le trop plein dans le lit du fleuve, visible en face de la gouvernance, se déverse et poursuit sa course dans les villages et quartiers environnants. Les populations du quartier Gourel Défa, une extension du Soubalo Matam, assistent, impuissantes, au ruissèlement des eaux dans leurs concessions. Nombre d’entre-elles ont déménagé et l’eau semble se jouer d’elles avec les sillons qu’elle creuse pour se frayer un chemin. La même scène est visible sur la route de Diamel et Tiguéré. La première agglomération est distante de 3 km de Matam et la deuxième de 8 km de la première. Elles sont toutes les deux prisonnières, comme de nombreux villages et villes du Dandé Mayo, des eaux qui ont fini par montrer leur force destructrice.
Il faut deux pirogues pour rallier Tiguéré ; la première s’arrête au pont de Diamel. La crue a arrêté les activités économiques de nombreuses populations. Surprise par le moyen de locomotion, c’est-à-dire la pirogue, une dame, la cinquantaine, préfère envoyer ses poissons en vente à Diamel. « Je n’ai jamais vu une telle tragédie de ma vie. Les populations de Diamel sont fatiguées. Ma phobie de l’eau m’empêche d’y aller mais je compatis à leur douleur et à leurs souffrances », dit-elle d’une voix attristée. Voulant se faire transporter à Matam, elle doit prendre son mal en patience et attendre son « jakartaman ». Le jeune Kalidou Diaw alias Bouba ne décolère pas. Il s’insurge contre le fait que les populations ne peuvent plus emprunter la vedette des Sapeurs-Pompiers alors que celle-ci permettait un transport plus rapide des personnes et des marchandises. « Les populations casquent fort avec les pirogues pour rallier les différentes localités. Il nous a été demandé d’aller voir le préfet pour pouvoir bénéficier de la vedette des Pompiers », confie-t-il. Avec cette crue, le jeune homme ne travaille plus. « Nous ne faisions que le transport avec nos motos. Pour de nombreux jeunes, l’activité est devenue impossible avec les eaux qui ont envahi tout le village », se désole Kalidou Diaw. De nombreux cultivateurs craignent des lendemains difficiles. Les champs de riz, patates, piment… ont été submergés par les eaux. « Tout est perdu », confie Daouda Diaw alors que c’est la période à la récolte. Le charretier Moussa Sow regrette aussi que les activités économiques soient « bloquées » depuis la crue. Dépositaire de la pharmacie de Diamel, Moussa Tounkara craint que les eaux s’emparent de ses médicaments puisque le « magasin commence à prendre de l’eau. Il était parti sauver son véhicule pour l’amener à Matam. « J’ai dû emprunter un long et risqué détour jusqu’à Ndouloumadji avec des eaux partout sur la route. Le détour fait près d’une cinquantaine de kilomètres alors que nous sommes à moins de 5 km de Matam », explique-t-il.
Le plus grand regret des populations est de n’avoir pas « encore vu les autorités ». Aussi, demandent-elles aux chefs de village d’aller vers les autorités administratives.
Au nord de Matam, à moins de cinq kilomètres de Nawel, le village de Belly Diaalo est sous les eaux. Sur la route latéritique l’eau prend ses quartiers de part et d’autre. Les eaux de la crue sont venues rejoindre les eaux pluviales, condamnant le village à un déménagement forcé. Bagages, ustensiles de cuisine, animaux, familles entières… se sont éloignées du village traditionnel. Mais les populations refusent de « déménager plus loin ». « Nous n’avons que l’agriculture qui rythme notre existence et la vie dans le village. Nous n’avons pas voulu quitter eu égard au fait que nous ne connaissons que la culture que nous ne pourrons certainement pas pratiquer ailleurs convenablement », explique Ismaïla Sy.
La culture du riz est plus répandue. Les populations s’adonnent également à la culture de l’oignon, du maïs. Pas moins de 20 hectares de culture de riz sont engloutis dans les eaux de la crue dans le village de 24 foyers.
Les populations se consolent avec la visite et la compassion des autorités municipales de la zone. Les maires de Ourosssogui et Ogo, l’adjoint du maire de Matam sont venus avec de l’aide. Les pertes sont énormes puisque de nombreux bâtiments se sont effondrés et les eaux ont envahi les autres. Et c’est une question d’heures ou de jours pour que les bâtiments encore debout cèdent.
Ismaïla Sy et ses frères, conscients de « ne pas avoir le choix », souhaitent l’érection d’une « digue de protection ». Une solution pas évidente, selon certains du fait que la digue pourrait céder.
Les élèves ont repris les cours lundi sous la bienveillance du directeur d’école Seydi Sow. L’établissement compte cinq classes mais une toiture a sauté du fait de rafales de vent d’un orage survenu en août dernier, selon le directeur.
Le Soleil