Karima Grant est la fondatrice d’ImagiNation Afrika. Un centre qui place le jeu au centre de l’éducation des enfants. Métisse sénégalo antillaise, Karima à toutefois grandit au Etats Unis, avant de revenir au Sénégal il y a 14 ans. C’est sa vision innovante concernant l’éducation par le jeu qui lui a valu d’être nommé Fellow, par l’ONG Ashoka. Au cours de cet entretien, elle est revenue sur sa situation de nouvelle Fellow. Mais aussi sur l’intérêt d’éduquer par le jeu.
Pourquoi Fellow par Ashoka ?
C’est tout d’abord un honneur. Parce que si vous voyez aujourd’hui, Ashoka a la possibilité de réunir tous les gens dans plusieurs secteurs. Donc, on peut avoir des opportunités d’échanger sur des idées qui peuvent développer nos sociétés. Deuxièmement, cette nomination nous pousse à approfondir et à agrandir ce que nous sommes en train de faire. Ashoka vous pousse à aller de l’avant. De ce fait, au lieu de rester dans les trois régions où nous avons des programmes, on peut faire tout le territoire du Sénégal. Et pourquoi pas la Gambie et les autres pays?
Pourquoi le jeu comme moyen d’éduquer ?
Il y a deux raisons. Premièrement, le jeu c’est la meilleure façon d’apprendre pour un enfant. On sait qu’après toutes les recherches, le cerveau se développe autour des interactions qu’il développe. Quand on pense au jeu, à ImagiNation Afrika, on pense à comment être centré sur la réalité des enfants. Comment ils se développent ? Quels sont leurs besoins? Comment les aider à être des changemakers? Et on voit dans les jeux, même ceux traditionnels, que tous ces éléments existent. Soit, c’est pour le développement socio affectif soit pour celui physique ou cognitif. Le jeu offre tous ces genres de stimulation pour l’enfant.
Pensez-vous que ce système d’apprentissage puisse être inséré dans le curricula sénégalais ?
Le Sénégal est dans la bonne tendance. Je trouve que le système sénégalais est déjà sur cet aspect basé sur la compétence des enfants réellement. On prend en compte la réalité de vie de l’enfant. En fait ce que l’on cherche c’est de savoir si l’on peut réinventer l’apprentissage. Parce que pour beaucoup, l’éducation reste à l’école, dans une salle de classe. Alors qu’on sait que l’enfant n’arrête jamais d’apprendre. Mais si on intègre les principes qui sont derrière les jeux, on s’aperçoit que l’éducation peut sortir des salles de classes. Et cette technique peut offrir différentes solutions pour différents problèmes que l’enseignement classique rencontre. Notamment la formation de professeurs, le surplus d’élèves dans les écoles rurales, mais aussi le manque de matériels. Ainsi, à ImagiNation Afrika, depuis 2013 et 2014, nous avons commencé le travail avec différentes inspections pour amener des programmes de renforcement de mathématique à des écoles à travers notre programme marché marc ??? Déjà les autorités sont très ouvertes et très à l’écoute sur notre concept et réfléchissent à comment aider le programme sénégalais.
Pensez-vous que le jeu soit une source de développement ?
Ah oui. Il y a une citation d’Albert Einstein qui dit que le jeu c’est la forme de recherche la plus élevée. Et ceci est vrai. Le jeu est ce qui stimule le plus le développement d’un enfant. Déjà à l’âge de six mois, on s’aperçoit que l’enfant commence à attraper quelques choses avec ses mains. Avec ce geste, il veut voir quel effet il a dans ce monde. Et le but, c’est que nous les adultes on puisse faciliter cette apprentissage.
Quels sont les programmes d’ImagiNation Afrika ?
ImagiNation Afrika a trois programmes, le premier pousse les jeunes à dévoiler leur leadership, leur mentorship. Il y a également des outils très pratiques comme le codage, le numérique. Nous avons fait cela avec beaucoup de partenaires locaux, dont le British Council. Nous allons bientôt démarrer des programmes avec l’ambassade des Etats-Unis pour faire un programme qui est préparé pour les régions de Kolda, Tambacounda et Kédougou. Le deuxième programme Normadic learning est un programme où justement on amène des programmes aux élèves qui ne peuvent pas venir dans notre centre. Et là on a eu beaucoup de succès aussi notamment avec le projet Marché maths et le Cop (Community Practice). Dans ce programme, on invite beaucoup d’acteurs du système éducatif pour discuter et faire des échanges sur les nouvelles techniques d’apprentissage.
Pouvez-vous revenir sur le concept marché maths
C’est un espace de jeu, une caravane mathématique. Nous avons dans ce programme quatre espaces de jeux qu’on amène dans les écoles. On passe une semaine avec les élèves. Et on travaille avec ceux de Cp jusqu’au CE2. Avec ces enfants, on consolide ce qu’ils ont déjà vu ou vont voir dans le programme sénégalais, mais en renforçant ce que l’on appelle le raisonnement mathématique. A la fin de la semaine, on fait une formation avec les professeurs des élèves qui ont participé à la caravane. Et c’est à ce moment-là que l’on a l’opportunité d’échanger et d’introduire notre méthodologie mais aussi prendre l’avis des professeurs sur ce qui a marché ou pas. A la fin de cette tournée, nous initions un festival de mathématiques, où on met tous les jeux produits par les professeurs eux-mêmes. Les enfants qui y participent désignent le meilleur jeu. C’est comme ça qu’on renforce une compétence de professeurs.
Et quels sont les échos qui vous parviennent?
Les échos sont très favorables. D’ailleurs, on a un professeur de l’école Talibou Dabo qui était là, qui a eu sa licence à travers cette méthode ludo-pédagogique. On sait que ce sont des méthodes qui peuvent marcher. Ce que l’on cherche à travers cette campagne, c’est comment avec l’accompagnement du ministère de l’éducation on peut faire des études beaucoup plus larges et comment on peut introduire le jeu de façon durable dans notre système éducatif.