SENTV : Ils ont fait du lobbying et dépensé des milliards pour faire juger Hussein Habré, pourtant les crimes coloniaux n’ont jamais été punis, pas même symboliquement : c’est la plus grande insulte faite à notre mémoire. Les compagnies coloniales ont pillé notre continent et écrasé les peuples jusque dans leur conscience, elles leur ont refusé toute dignité : ces crimes ne devraient pas rester impunis. En visionnant le film anticolonial Afrique 50 (voir lien), on comprend davantage le mépris que les Français ont pour nous. Ces archives existent, et c’est possible de rendre justice à notre passé prospère, à notre présent pauvre et à notre avenir incertain.
Les ONG qui défendent les lobbies homosexuels seraient plus utiles et mieux inspirés s’ils portaient ce combat pour la criminalisation de la colonisation et l’indemnisation de l’Afrique et des Africains. Le NEPAD (notamment la partie infrastructures), la grande muraille verte, les forces des organisations sous-régionales (ECOWAS), la monnaie africaine, le don de brevet de création dans certains domaines vitaux pour le développement technologique, etc. pourraient ainsi être financés par cette indemnisation. Ces milliards volés ou illégitimement accumulés à la sueur et au sang de nos ancêtres auraient fructifié en milliards de dollars s’ils étaient placés dans des banques. La France n’est pas développée, elle nous pille, elle ne fait que nous dévaliser depuis toujours.
On nous rétorquera qu’au lendemain de la décolonisation, les infrastructures laissées par le colon auraient pu servir de rampe de lancement au développement d’un pays comme le Sénégal. Cette remarque est pertinente, mais qu’il me soit permis de lui opposer deux objections. La première est que ces infrastructures étaient plutôt destinées à l’économie de la métropole et non à une véritable intégration économique de notre pays. Nous n’avons malheureusement pas eu l’habileté d’instaurer très tôt une économie de la transformation. La deuxième est que nos façons de produire sous l’esclavage et la colonisation ont survécu à la colonisation alors qu’elles sont aliénantes. Les vieilles personnes qui regrettent le temps de la colonisation ne comprennent pas la sournoise de ces systèmes. Quand on force quelqu’un à produire, il deviendra improductif quand il acquerra la liberté, sauf si la morale du travail devient chez lui une culture.
Le travail forcé que les habitants de la colonie faisaient ne leur a pas permis de développer une morale du travail et un esprit scientifique ; ils ont plutôt cultivé l’instinct du travail : pires que les ouvriers dans Germinal, ils ne faisaient plus qu’un avec leur labeur. Ils n’étaient besogneux que pour survivre au jour le jour. Les réflexes d’incivisme que l’on remarque chez nos concitoyens trouvent en partie son origine dans la façon dont on faisait travailler nos ancêtres. Écrasés, humiliés et châtiés par le colon, ils n’hésitaient pas à saboter ou d’avoir un rapport de mépris envers la chose « publique ».
Alassane K. KITANE