SENTV : Aux États-Unis, où la pandémie de coronavirus ne cesse de s’amplifier, un moratoire fédéral sur les expulsions qui protège des millions de locataires a pris fin ce week-end. Des millions d’Américains qui ont perdu leur emploi à cause du Covid-19 pourraient se retrouver à la rue dans les prochaines semaines. À moins que ce moratoire ne soit prolongé. C’est dans les starting blocks.
Sans ce moratoire, environ 12 millions de locataires risquent de se retrouver à la rue dans les prochaines semaines, sachant qu’un propriétaire doit soumettre à son locataire un préavis d’expulsion d’un mois avant de saisir la justice.
L’expiration imminente d’autres mesures de protection, à l’échelle locale et fédérale, pourrait aussi affecter durement un tiers des 110 millions de locataires aux États-Unis d’ici septembre. Et cela alors que la pandémie continue à se répandre comme une trainée de poudre. Avec plus de 4 millions de cas (424 140 le 27 juillet) et 146 935 morts, les États-Unis sont le pays le plus éprouvé par le Covid-19, devant le Brésil, l’Inde, la Russie ou encore l’Afrique du Sud.
Des États mieux protégés que d’autres
Selon une étude de l’Université de Princeton, une douzaine d’États n’ont plus aucune protection pour leurs locataires. Il s’agit de l’Alabama, l’Arkansas, le Kansas, la Louisiane, le Missouri, le Nebraska, le Dakota du Sud, le Tennessee, le Texas, la Géorgie, l’Idaho et la Virginie-Occidentale. Certains comtés, au sein de ces États, ont même refusé de prolonger ce moratoire au-delà de mai et juin, plongeant de nombreuses personnes dans de graves difficultés.
Selon un rapport de la Banque fédérale de Cleveland, dans l’Ohio, certains propriétaires ont déjà commencé à expulser des locataires, et tout particulièrement ceux des quartiers à majorité noire et latine, particulièrement vulnérables.
Dans d’autres États, les moratoires sur les expulsions expirent fin août. C’est le cas dans le Connecticut, la Floride, Hawaii, l’Indiana, New York et Washington.
Seuls la Californie, l’Illinois et le New Jersey ont décidé de maintenir ce dispositif jusqu’à ce que l’État d’urgence soit levé et la pandémie stabilisée.
Rappelons que le CARES Act, dont le moratoire fait partie, est un vaste plan d’aide de 2 000 milliards de dollars, mis en place par le gouvernement fédéral le 27 mars, lorsque l’épidémie de coronavirus a éclaté aux États-Unis.
Prolongation du plan de sauvetage CARES Act
La Loi CARES a protégé, d’avril à juillet, 12,3 millions de locataires vivant dans des appartements ou des maisons dont les prêts hypothécaires sont garantis par le gouvernement fédéral, sachant que « les deux tiers des prêts hypothécaires sont des prêts soutenus par l’État », selon Kenneth Gross, un avocat spécialisé dans ce domaine à Detroit, Michigan.
Cette loi a permis aussi de soutenir les petites et moyennes entreprises ainsi que les ménages qui ont perdu leur emploi ou qui ont dû réduire leur temps de travail à cause du coronavirus. Ces aides fédérales ont, entre autres, permis aux 32 millions Américains, qui ont dû s’inscrire au chômage, de recevoir 600 dollars par semaine, en plus des indemnités chômage locales, leur permettant de payer la plupart de leurs factures et de faire marcher le moteur de l’économie du pays : la consommation. Ce coup de pouce important arrive, lui aussi, à expiration le 31 juillet officiellement, mais sa prolongation est dans les starting blocks, car après des semaines de discussions houleuses entre Républicains et Démocrates, un accord de principe a été trouvé ce 26 juillet 2020. Selon la Maison Blanche, cette aide serait maintenue mais à 70 %, dans le cadre dans nouveau plan de sauvetage de l’économie de 1 000 milliards de dollars.
« La question est de savoir ce qu’il y aura dans la nouvelle version du CARES Act. Et si on suit un tant soit peu la politique américaine, on sait qu’il est très difficile de savoir ce qu’il va se passer d’un jour à l’autre. », commente Kenneth Gross.
« Il faut payer son loyer. C’est la priorité »
L’avocat spécialisé dans les expulsions anime aussi une émission radio d’information sur une problématique qui angoisse les Américains. « Ce que nous disons aux gens depuis le début, c’est que même s’il y a un moratoire puissant qui permet de repousser d’un an le remboursement d’un prêt hypothécaire, il faut payer son loyer. C’est la priorité. C’est plus important que payer ses cartes bancaires, ses frais médicaux, et ses autres factures », insiste Kenneth Gross.
Un locataire a en effet peu de recours aux États-Unis et peut se retrouver à la rue en dix jours, s’il fait l’objet d’une procédure d’expulsion et ne peut pas rectifier le tir. Un propriétaire, lui, a plus de latitude. Il peut plus facilement se placer en redressement judiciaire, négocier et s’en sortir, explique Kenneth Gross. Mais il peut aussi avoir « le même problème » qu’un locataire. « Si un propriétaire ne peut plus assurer les remboursements de son prêt hypothécaire, sa maison peut être saisie. C’est pourquoi nous disons aux gens qu’ils doivent communiquer avec leur propriétaire, connaitre sa situation, il sera alors peut-être plus enclin à trouver une solution », conseille l’avocat. « Mais c’est une situation très difficile. Rien dans cette crise du Covid n’est facile, ni aux États-Unis, ni ailleurs dans le monde. »
RFI