SENTV : Blindés légers, unités d’élite et 45.000 hommes mobilisés: le gouvernement français a engagé des moyens « exceptionnels » vendredi pour tenter d’enrayer le cycle des violences, pillages et destructions qui agitent de nombreuses villes du pays depuis la mort mardi d’un jeune de banlieue parisienne, tué par un policier alors qu’il tentait d’échapper à un contrôle routier.
Avant même les obsèques de Nahel, 17 ans, prévues samedi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé à la télévision qu’il mobilisait les grands moyens pour tenter d’endiguer les violences qui déferlent en France pour la quatrième nuit consécutive et vont crescendo, se propageant à de nouvelles villes.
« Davantage d’unités spécialisées » comme le RAID et le GIGN — troupes d’élite de la police et la gendarmerie –, ainsi que 45.000 policiers et gendarmes devaient être déployés, a-t-il dit à l’antenne de la chaîne TF1.
Des blindés légers de la gendarmerie ont aussi été envoyés pour tenter de faire baisser les tensions par rapport à la nuit précédente, lors de laquelle 492 bâtiments ont été visés, 2.000 véhicules brûlés et des dizaines de magasins pillés, en dépit de l’arrestation de près de 900 personnes.
Dans la nuit de vendredi à samedi, peu après 00H30 (22H30 GMT vendredi), M. Darmanin a fait état sur Twitter de « déjà 270 interpellations dont plus de 80 à Marseille » où des « renforts », demandés par la mairie, « arrivent ».
Les « événements de grande ampleur » ont été annulés dans tout le pays par le gouvernement face aux émeutes, notamment les concerts vendredi et samedi de Mylène Farmer au stade de France. Les bus et tramways devaient être mis à l’arrêt au niveau national dès 21H00 (19H00 GMT).
« Le temps de la violence doit cesser pour laisser place à celui du deuil, du dialogue et de la reconstruction », ont exhorté les joueurs de l’équipe de France de foot, dans un communiqué relayé par le capitaine-star Kylian Mbappé.
Nahel M. a été tué à bout portant par un policier mardi à Nanterre près de Paris alors qu’il était au volant, sans permis, d’une puissante voiture et tentait d’échapper à un contrôle.
– « Tout le monde déteste la police » –
Les violences et pillages ont repris dans la journée de vendredi, notamment à Strasbourg (est), où un Apple Store a été pillé, et à Marseille (sud) où une manifestation a dégénéré dans la soirée.
« Tout le monde déteste la police »: soudain, des dizaines et des dizaines de jeunes se rassemblent, chantent et avancent sur la rue menant au célèbre quartier marseillais du Vieux-Port, s’approchant de fourgons des forces de l’ordre garés dans une rue adjacente.
Rapidement, certains lancent des projectiles sur les fourgons. La police répond par des tirs de gaz lacrymogène. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la ville.
Au moins trois villes proches de Paris et plusieurs villes de province ont décidé d’instaurer des couvre-feux.
Le président Emmanuel Macron, qui a écourté son séjour vendredi matin à Bruxelles, a appelé à la responsabilité des familles alors que la jeunesse des auteurs des violences a frappé les esprits.
« Un tiers des interpellés de la dernière nuit sont des jeunes, parfois des très jeunes », a-t-il observé vendredi, accusant les réseaux sociaux d’attiser cette violence en véhiculant mots d’ordre et vidéos.
M. Macron a dit attendre un « esprit de responsabilité » de ces plateformes, citant notamment Snapchat et TikTok, où s’organisent « des rassemblements violents » et qui suscitent aussi « une forme de mimétisme de la violence », selon lui.
La mort de Nahel M., dont la famille est originaire d’Algérie, a ravivé le sujet des violences policières, dans un pays où 13 personnes sont mortes à l’issue d’un contrôle de police l’an dernier.
– L’ONU sur le racisme –
Lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève vendredi, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a pressé la France « de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre ». Une accusation jugée « totalement infondée » par le ministère français des Affaires étrangères qui a immédiatement réagi.
Les violences inquiètent aussi les voisins de la France. La Grande-Bretagne et d’autres pays européens, ainsi que les Etats-Unis, ont mis en garde leurs ressortissants en les pressant d’éviter les zones d’émeutes.
La question de l’état d’urgence est posée dans le pays par une partie du monde politique et scrutée à l’étranger, d’autant plus que la France accueille à l’automne la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques à Paris à l’été 2024.
L’état d’urgence, qui permet aux autorités administratives de prendre des mesures d’exception comme une interdiction de circuler, avait été décrété en novembre 2005 après dix jours d’émeutes dans les banlieues françaises déclenchées par la mort de deux adolescents, électrocutés dans un transformateur électrique où ils s’étaient cachés pour échapper à la police.
Cette fois, Nahel M. a été atteint d’une balle au thorax par le tir à bout portant d’un des deux policiers qui tentaient d’immobiliser son véhicule. Ce dernier, un motard de 38 ans, a été inculpé jeudi pour homicide volontaire et placé en détention. Une vidéo le montre appuyé sur le côté de la voiture, tenant en joue le conducteur avant de tirer à bout portant quand le véhicule redémarre brusquement.