Alors que le président élu Adama Barrow doit être investi jeudi 19 janvier, le président sortant Yahya Jammeh a proclamé ce mardi l’état d’urgence face à « l’ingérence étrangère ». De plus en plus isolé et soumis à des pressions internationales croissantes, le président gambien sortant Yahya Jammeh a décrété ce mardi l’état d’urgence lors d’une allocution à la télévision nationale :
Moi, Cheikh Professeur El Hadj Dr Yahya A.J.J. Jammeh Babili Mansa, président de la République islamique de Gambie, et commandant en chef des forces armées, agissant en vertu de la section 34, sous-section 1, paragraphe B de la Constitution de la République islamique de Gambie, ce jour du 17 janvier 2017, déclare l’Etat d’urgence dans l’ensemble de la République islamique de Gambie, où prévaut une situation qui, si elle n’est pas enrayée, pourrait conduire à une situation d’urgence nationale.
Le président sortant, battu par son adversaire Adama Barrow lors de la présidentielle de décembre, a dénoncé « un niveau d’ingérence étrangère exceptionnel et sans précédent » dans le processus électoral et les affaires de la Gambie, ainsi que « l’atmosphère hostile injustifiée qui menace la souveraineté, la paix et la stabilité du pays ».
La Guinée en médiateur
C’est officiellement mercredi à minuit que se termine la présidence de Yahya Jammeh. Mais personne n’est en mesure de dire ce qu’il va se passer. Même s’il semble s’accrocher à la présidence, son départ semble toujours possible. Les diplomates parlent de points positifs, de signaux qui laissent entendre que le maître de Banjul pourrait finir par partir. « Les voitures de luxe du président ont été embarquées dans un container il y a quelques jours », explique l’un d’eux, qui poursuit : « La destination ? Peut-être la Mauritanie, peut-être la Guinée-Conakry ».
Le président Alpha Condé entretient en effet de bons rapports avec Yahya Jammeh. Alors que la Cédéo n’exclut pas de recourir à la force, le président guinéen reste opposé à toute intervention militaire. La diplomatie n’a pas encore épuisé toutes ses ressources, dit-on à Conakry. L’un des conseillers du président Condé, Tibou Kamara, est attendu à Banjul ce mercredi où sont déjà présents deux émissaires marocains.
Pour autant, Alpha Condé, qui n’est pas mandaté par la Cédéao, ne veut pas s’imposer. Il est prêt à proposer ses bons offices et son aide au président Buhari, médiateur officiel de la Cédéao. A Conakry, on estime qu’il faut donner une chance à Jammeh de sortir honorablement de cette crise. Tibou Kamara connait personnellement Yahya Jammeh avec qui il a des liens familiaux. Selon lui, le numéro un gambien ne souhaite pas s’accrocher au pouvoir, mais tient à ce que la Cour suprême puisse examiner les recours déposés par son parti sur les résultats de l’élection.
A Conakry, on estime donc que l’échéance du 19 janvier ne doit pas fermer la porte à toute discussion. Mais ailleurs, l’ensemble des responsables contactés estime que Yahya Jammeh a tout perdu, les volets politiques et judiciaire, et qu’au moindre coup de feu, les Nations unies seront saisies, qu’il ne reste qu’une étape, celle de l’article 7 du Conseil de sécurité et l’intervention armée. « Une possibilité, estime un ambassadeur en poste dans la région, mais une solution extrême qu’il faut à tout prix éviter ».
La grande inconnue de l’investiture
En parallèle se joue l’investiture, prévue jeudi, d’Adama Barrow. Sur ce dossier, rien ne filtre. « Parlons en demain », indique une source sénégalaise. Tout le monde est dans l’attente et ce silence semble la meilleure arme pour éviter un mauvais coup, toujours possible, de Yahya Jammeh. L’option du stade de Banjul semble par contre mise de côté « pour des raisons évidentes de sécurité des populations », indique un acteur du dossier.
La Constitution impose une intronisation sur le territoire gambien, mais un diplomate conclut : « des hypothèses sont sur la table, révisez votre droit international, car je vous le demande : la Gambie se trouve-t-elle forcément en Gambie ? »
Et à en croire le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Oyeama, ce ne sont pas les options qui manquent. « Il sera peut-être impossible pour Adama Barrow de prêter serment à Banjul, auquel cas ce sera fait autre part sur le territoire gambien. Il n’y a pas que Banjul en Gambie, nous avons bien d’autres options… Comme vous le savez une ambassade fait partie du territoire du pays qu’elle représente. »
Mais ce dernier tempère, il ne s’agira pas forcément de celle du Sénégal : « Je ne suis pas en train de dire que ça aura lieu à l’ambassade de Dakar… Je dis juste que le territoire gambien, en plus du territoire physique à l’intérieur des frontières inclut aussi les ambassades. » Quant à la question de la présence d’un juge de la Cour suprême, Geoffrey Oyeama ne s’en inquiète pas trop. « La Constitution prévoit que la prestation de serment doit se faire en présence d’un juge de la Cour suprême et il y un certain nombre d’entre eux qui est disponible. »
rfi