SENTV : Journaliste et Grand reporter au quotidien l’Observateur, Jean Pierre Mané a été rappelé à Dieu ce dimanche. Une perte douloureuse, d’un homme qui aura marqué les esprits de tous ces collègues. Un hommage à JP, dans le journal paru ce lundi.
« Adieu JP
Une fantaisie plaisante, un rire d’expirations saccadées, une provocation délibérée, une main tendue, une invite au débat. Des heures à discuter, sans heurt, sans éclat en tonalité. Juste pour le partage, indispensable à la collaboration de l’être entier. «On est toujours en situation d’apprentissage», rétorquait-il. Jeune stagiaire, pigiste, personne ressource, simple confrère ou consœur rencontré(e) au détour d’une conférence de presse, d’une interview, d’un voyage… Jean-Pierre Mané avait cette approche singulière, et bien à lui, d’user d’humilité pour tuer toute fatuité. Pour lui, rien n’est dans l’intellect qui n’ait été d’abord dans la sensation. Dans le ressenti. Il avait les saillies d’observation très fines et savait vite reconnaître le bon grain de l’ivraie. L’info et l’intox.
JP était un journaliste. Un Grand. Un prince des mots. Un tailleur de texte, pas censeur, pointilleux et ouvert, qui savait monter les phrases comme on dresse un chapiteau. Il aimait la syntaxe, pas à l’excès, mais tout en clarté et en finesse. Et, Thiampou, un humaniste à qui la morale est apparue au fil des années sans secret. Un esprit libre qu’on ne pouvait mettre en cage. Dans le métier, il était un seigneur de haut rang et personnage important. A L’Observateur, il était l’un des piliers de la Rédaction, l’un des derniers Mohicans qui ont bâti la crédibilité et la notoriété du journal.
L’étonnante lumière que laisse entrevoir la mort de Jean-Pierre, parti ce dimanche, jour du Seigneur et dont la vie est une ode à l’exaltation de la dignité de l’esprit humain, ouvre sur la mentalité d’un grand «prélat», aux mœurs rurales ancrées, qui incarnait cette vie de coterie des enfants de la terre, qui rend foi et hommage à la Casamance. A Simbandi Balante : sa terre d’origine, son royaume d’enfance. Mais aussi à la fidélité, à l’engagement d’un intellectuel affamé d’idéal qui avait trouvé dans le journalisme une pâture suffisante. Ce métier qui l’avait soumis à la tâche, à la constance de cette discipline des faits qui l’a mené un peu partout au Sénégal, en Afrique et dans le monde. Toujours avec la même hargne dans le devoir, la rigueur dans la collecte et dans le traitement.
Ces dernières années, JP était malade. Mais l’habitude de la peine physique l’avait doué de l’impassibilité stoïque des vieux soldats qui plient mais ne rompent jamais. Il était, en plus des ennuis sanitaires, terriblement éprouvé par une blessure intérieure : les décès successifs de son frère et de sa mère l’avaient fortement enduré. Son deuil était tabou, et s’il ne se résignait à en pleurer seul, il en parlait à peine, dominant son émotion par un effort visible, à essayer de se calmer et à raconter par le menu tous ces instants heureux vécus à l’ombre de sa mère en Casamance. Dans ces grands moments d’humanité, on avait toujours l’impression d’être penché sur la margelle d’un puits profond qui ne tarissait jamais d’anecdotes, de gratitude, de louanges. Les débats, qui tournaient autour de Ziguinchor et Saint-Louis où il a fait ses gammes, achoppaient toujours sur sa belle Sylvie. Sa douce moitié, cette dame de cœur, «hache de piques», qui avait, selon ses propres mots, débroussaillé sa vie, dont on avait qu’une mince idée, et semé les germes de sa renaissance. Il évoquait ses enfants avec la tendresse du «papa poule» et la souplesse du chef de famille comblé. Toujours un sachet rempli de friandises entre les mains, goûter des enfants du père consciencieux.
JP était parvenu naturellement à un âge de la vie, à un point éloigné de toute vanité. Il était un homme d’expérience, de devoir. Il était surtout un cœur. Un fidèle chrétien dont le comportement s’est toujours accordé avec l’honnêteté, la justice, la morale. Point d’offenses à la raison ni à la nature. L’homme des 5 niveaux, comme on l’affabulait, grâce à ses capacités intellectuelles et morales à commercer avec tous les agents de GFM, éparpillés dans les 5 étages de l’immeuble Elimane Ndour, n’avait jamais accordé de concession à la lassitude. Malgré la maladie qui lui bouffait le corps, il tenait toujours à répondre à l’appel du devoir. Il avait lâché sa machine, pour prendre quartier au troisième étage, lors de ses visites périodiques. A RFM, à la Radio, comme à L’Observateur, au journal, en passant par le service administratif, JP avait toujours un mot, une marque d’attention. Il ironisait toujours sur les confessions prolixes. Il préférait rire de l’existence plutôt que s’en plaindre.
A Dieu JP
Merci pour tout »