Homme politique opportuniste – Par Pape Sadio THIAM*

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SENTV : Il y a au Sénégal des hommes politiques qui passent plus de temps à se faire photographier qu’à peaufiner des stratégies de massification de leur parti. L’homme politique actuel est un grand opportuniste : il épie les évènements pour compenser son déficit de légitimité populaire.

Il ne répugne pas à être le laquais de la presse ou son comédien préféré tant que ça lui permet d’être visible. Oubliant que la visibilité n’est qu’un des ressorts pour rendre l’action politique opératoire, l’homme politique en arrive à prendre les moyens pour la fin. Beaucoup de partis politiques considérés comme des partis « cabines téléphoniques » occultent leur absence sur le terrain par une peoplisation outrancière de leur engagement. L’engagement politique devient alors artificiel, médiatique et forcément opportuniste : c’est une des clés de compréhension de cette plaie qu’on appelle transhumance.

Car si le pouvoir attire par les délices dont il permet de jouir, les partis en vogue aussi attirent par la célébrité qu’ils peuvent conférer aux transhumants. Il faut dire d’ailleurs que cette forme de transhumance qu’on pourrait qualifier schématiquement d’horizontale n’est le plus souvent qu’une sorte de danse du coq en rut pour charmer la poule, une voie pour une transhumance verticale plus juteuse. Il y a donc une véritable supercherie dans la course de certains hommes politiques vers le people ; pire il y en a qui ne sont ce qu’ils sont (c’est-à-dire des célébrités) que par l’abondance de leur image dans la presse people.

On les voit en compagnie de grands sportifs, de grands noms de la presse, de littéraires, d’intellectuels, bref de tous ceux qui font l’actualité. Il n’est donc pas besoin de dire que la célébrité de l’homme politique client de choix de la presse people est factice : ce n’est qu’une image qu’on peut polir à volonté.

Récemment un homme chroniqueur célèbre a dit qu’un homme politique en vogue était, à une époque récente, ostracisé par l’ensemble des média, mais que depuis quelques temps, il fait leur choux gras. A la question de savoir comment ce renversement s’est-il opéré, il s’est contenté de dire qu’il faut aller demander aux journalistes concernés pourquoi et comment ils ont apostasié leur ligne éditoriale d’antan.

C’est pour dire que la presse people dans ce pays ne fait qu’amplifier un mal qui existait déjà dans tous les média. Les média ont leur clients, ça on le savait depuis longtemps, mais ce qu’on continue d’ignorer ou de feindre ignorer c’est qu’il existe une forme de transaction tacite entre certains hommes politiques et la presse, notamment celle people.

Si jadis la presse écrite était « une école pour adultes » comme le prétend Hitler, aujourd’hui la presse people est une sorte de baby-sitter pour l’esprit enfantin de l’homme politique et du citoyen à la pensée frivole. Ces esprits que ne peuvent ni proposer des solutions à la demande sociale, ni soutenir un débat contradictoire dans la presse traditionnelle migrent progressivement dans le people où leur image est dans un monologue que rien ne peut être ni confirmer, ni infirmer parce que n’ayant précisément pas d’autre vocation que l’assouvissement d’un désir pulsionnel d’apparaître et de paraître.

La presse people a ainsi réussi à coloniser la presse traditionnelle parce qu’elle a montré toutes les niches pécuniaires qu’il y a derrière la valorisation de l’image au détriment du texte. C’est tellement évident que même la façon de relater les évènements prend actuellement les contours de l’image. Les mots et expressions qui choquent sont les plus usités dans les journaux : « carnets blancs », « scandale sexuel » « Un tel se fait gruger de centaines de millions », « la petite amie du ministre », « la femme de … », « le fils de tel opposant », « tragédie familiale chez les… », etc.

Le plus concasse est qu’il y a parfois un énorme hiatus entre le titre et les faits relatés. Pire, comme l’homme politique lui-même, la presse people n’hésite pas à dénaturer complètement les faits ou à les exagérer de sorte à les rendre inintelligibles ! L’homme politique et la presse people sont des cannibales : ascension politique et record de vente se font aux dépens de l’intégrité, de l’’intimité et de la paix familiale de certaines icônes de la société. Le chantage, c’est un secret de polichinelle, existe aussi bien en politique que dans la presse people.
*Journaliste
Cabinet « Enjeux Communication Stratégies »

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