SENTV : Nous sommes le vendredi 16 juillet 2021 vers 15 h, la dame MB, habitant à Ouest Foire, ressent des douleurs au niveau de la poitrine. Direction Samu municipale où on fait savoir à ses accompagnantes qu’elle a les poumons bouchés. Elle souffre d’une détresse respiratoire selon le diagnostic établi. Souffrait-elle d’une embolie pulmonaire ? Tout laissait croire après les déclarations de la patiente qu’elle souffrait d’un infarctus du myocarde ou d’une angine de la poitrine. Cela nécessite une hospitalisation d’urgence afin de pallier la déficience d’oxygène. Pourtant, pour traiter cette détresse respiratoire, il lui faut un apport supplémentaire d’oxygène inhalé par l’utilisation des lunettes à oxygène, d’un système d’oxygénothérapie nasale à haut débit, ou d’un masque naso-buccal apportant de l’air sous pression au patient. Mais rien de tout cela. Malgré cette détresse respiratoire, le médecin trouvé sur place lui a administré une perfusion qu’elle ne supportait pas. Nonobstant les interpellations de la patiente qui déclare insupporter la perfusion, on lui administre deux bouteilles avant de la laisser partir avec sa douleur qui s’est intensifiée du fait des bouteilles de liquides insupportables.
Le lendemain samedi 17 juillet, MB se plaint à nouveau de la même douleur vers 19h. On constate le début d’une hémiplégie au côté gauche assortie d’une déformation de la bouche. Ce sont là les signes d’un AVC.
Direction toujours Samu qui, cette fois-ci, se rendant compte de la gravité du mal qui consume la stoïque MB, indique à ses accompagnants de l’acheminer dare-dare à l’hôpital Fann sans aucun soin préalable. C’est en ce moment, informé de la douleur de MB, que je me dirige vers Fann. Au Service d’Accueil des Urgences (SAU) de Fann, la dame en souffrance est consultée après plusieurs minutes d’attente. On lui demande de faire un scanner thoracique. Puisqu’elle est en crise convulsive du fait de sa respiration quasi-bloquée, il lui est impossible de faire le scanner. Faut-il l’endormir pour la passer au scanner faut-il la laisser avec ses convulsions ? Les médecins sont divisés sur la question. Finalement, elle a été perfusée dans les couloirs du SAU avec une dose de valium. Mais l’intensité de la douleur à la poitrine ponctuée par des convulsions répétitives empêche la patiente de dormir en dépit de la dose de valium. L’espace du SAU est bondé de patients perfusés qui n’ont pas de place dans les salles d’hospitalisation. La situation est intenable et les images insoutenables. Les malades se tordent de douleur devant l’impuissance de leurs accompagnants et les médecins en sous-nombre sont débordés. En dépit de leur nombre insuffisant, ils se transbahutent d’un malade à un autre pour les soulager du mal qui les consume. On nous dit que plusieurs de ces patients souffrent de la grippe. Mais cette grippe qui ravage les familles n’est-elle pas une manifestation du Covid-19 version Delta ? Le docteur Mamadou Mansour Diouf, médecin anesthésiste réanimateur au CHU de Bordeaux, a confirmé que cette grippe en réalité est une manifestation du Covid.
Revenant à ma patiente, je l’ai quittée vers une heure du matin, la laissant avec mon neveu qui, depuis la veille, ne la quitte pas d’une semelle. Le dimanche 19 juillet vers 4h du matin, je m’enquiers de l’état de santé de MB. On vient de lui ingérer une forte dose de Bialminal (six comprimés de 100 mg) connu pour ses propriétés anticonvulsivantes et sédatives-hypnotiques et un demi-comprimé de Rivotril pour l’endormir. Pourtant, il est indiqué que Bialminal ne doit pas être administré aux patients présentant une dépression respiratoire sévère.
Le site https://medikamio.com/pt-pt/medicamentos/bialminal/pil indique ceci sur le Bialminal : « En tant que sédatif : chez l’adulte, la dose usuelle est de 30 à 120 mg par jour, à répartir en 2 ou 3 prises, mais il n’y a pas d’intérêt à diviser la dose journalière. Chez les patients âgés et affaiblis, il peut être nécessaire d’utiliser des doses plus faibles. Chez l’enfant, la dose habituelle est de 2 mg/kg de poids corporel ou de 60 mg/m2 de surface corporelle, 3 fois par jour. Lorsqu’il est utilisé chez l’enfant avant la chirurgie, la dose habituelle est de 1 à 3 mg/kg de poids corporel. En tant qu’hypnotique : chez l’adulte, la dose hypnotique est de 100 à 200 mg. La dose maximale de Bialminal ne doit pas dépasser 600 mg sur une période de 24 heures. Une surdose ou une intoxication peut provoquer une dépression du système nerveux central (SNC), allant du sommeil au coma profond. Dans les intoxications graves, les complications pulmonaires et l’insuffisance rénale peuvent entraîner la mort. »
Pourtant, c’est une patiente âgée de 45 ans affaiblie souffrant depuis plus de 24 heures de dépression respiratoire à qui on a fait ingérer 600 mg de Bialminal et la moitié d’un Rivotril pour l’endormir. L’overdose est atteinte et malheureusement, MB est plongée dans la voie de la mort. Le dimanche 18 juillet vers 9h, on notifie à mon neveu l’accompagnant de faire le scanner dans son état de veille. Il fallait justifier les 90 000 francs payés la veille pour faire le scanner. Cela fait, aucune maladie n’a été notifiée par les médecins à mon neveu sinon que la patiente a un besoin d’oxygène parce que l’hôpital Fann n’en a pas. Ce qui veut dire qu’il faut sortir rapidement la patiente cliniquement morte de cet hôpital avant qu’on ne le lui impute la responsabilité.
Malgré l’interpellation de mon neveu sur l’état d’inertie de la patiente, on lui fait savoir qu’elle dort et qu’elle ne tarderait pas à se réveiller après l’effet des médicaments combinés. Vers midi, mon neveu me fait savoir qu’il se dirige vers la clinique Casahous à la recherche désespérée d’oxygène parce qu’il n’y en a point dans l’hôpital Fann d’après les médecins. Immédiatement, j’appelle à la Clinique Médic’Kane pour une prise en charge immédiate, mais c’est saturé. SOS Médecins : on me fait savoir que la structure réanime, mais n’hospitalise pas. Suma injoignable. Je tente avec Casahous. Même réponse : clinique archi-pleine. Mon neveu y est déjà, mais tout en étant convaincu que la patiente n’est plus de ce monde. Et c’est vers 12h30 qu’il m’appelle pour me dire que MB a tiré sa révérence. Ce que je refuse. Je refuse de penser que cette dame que j’ai connue pétillante de vie quitte ce monde de cette façon injuste. Et je lui demande de requérir l’avis d’un médecin. Hélas, ce dernier confirme ce que je ne veux pas entendre. C’est en ce moment que je réalise toute l’injustice dont ma parente a été victime du début de son mal jusqu’à sa mort.
J’ai l’habitude d’entendre des gens se plaindre de la mort d’un proche pour négligence médicale, mais je me dis toujours et à tort qu’il y a de l’exagération dans leurs plaintes parce que, pour moi, ceux qui ont prêté le serment d’Hippocrate n’enverront jamais volontairement un patient à la mort. Pourtant c’est ce qui est arrivé avec MB qui pouvait bien être sauvée si les médecins s’étaient bien occupés de lui depuis le Samu jusqu’à Fann. Vers 13h30, MB est retournée à Fann, mais cette fois-là pour être déposée à la morgue. Aucune mention sur le certificat de décès délivré par le médecin n’indique la ou les cause(s) du décès de MB. Et c’est le lendemain lundi 19 juillet que nous sommes passés à Fann récupérer dans la colère et la tristesse le corps de notre chère MB pour les besoins de l’inhumation à Yoff et l’organisation des obsèques.
Ainsi, j’accuse les services de la santé du Samu et du SAU de Fann d’être responsables de la mort de MB même si je réalise que les conditions dans lesquelles ces médecins en sous-effectifs travaillent sont insupportables. Mais la vie précieuse et Hippocrate excluent toute discrimination ou favoritisme dans le traitement des patients.
J’accuse les services de la santé du Samu et du SAU de Fann de n’avoir pas livré à ce jour les véritables causes de la mort de la patiente MB.
J’accuse les services de la santé du Samu et du SAU de Fann d’avoir prodigué des soins négligents à MB qui ont fini par un empoisonnement létal.
J’accuse le président de la République et le ministre de la Santé de n’avoir pas suffisamment doté nos structures de santé de lits et d’oxygène en quantité suffisante alors les citoyens s’acquittent de leurs impôts pour bénéficier de soins de qualité.
J’accuse le ministre le président de la République et le ministre de la Santé de condamner à mort tous les patients qui n’ont pas de relations avec des personnalités influentes pour bénéficier de certains passe-droits dans les structures de santé.
Pour finir, j’invite les médecins du SAU de Fann et du Samu à qui je voue un respect profond à revisiter ces passages du serment d’Hippocrate :
« Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »
Serigne Saliou Gueye, Journaliste