« Je suis marié et je fais pipi au lit » : Découverte de l’énurésie, cette maladie qui touche deux fois plus d’hommes que de femmes.
SENTV : Je suis adulte et je mouille encore mon lit. Une confession souvent faite à demi-mot qui peut faire écarquiller les yeux de surprise avant que l’étonnement ne vire à de l’empathie. Source de beaucoup de problèmes au sein du couple, la mauvaise santé physique est l’une des causes premières du divorce dans le monde entier.
La maladie d’un conjoint vient souvent perturber l’équilibre conjugal et familial. Que ce soit du fait de problèmes préexistants ou bien causés par la maladie elle-même, la situation peut se dégrader au point que le divorce apparaît comme la meilleure solution. Si divorcer d’un conjoint malade reste encore souvent moralement réprimé, cela est admis juridiquement. Le divorce d’avec un conjoint malade présente cependant certaines spécificités.
Les maladies physiques incluant celles sexuelles dans le cadre du couple, en font partie. Notre recherche s’intéressera à un problème qui peut paraître bénin mais qui constitue une complication au sein de beaucoup de couples. L’énurésie nocturne ou l’action de faire pipi au lit sans s’en rendre compte.
On parle de pipi au lit à 7 ans mais à 30 ans on parle d’énurésie. Ce dysfonctionnement considéré comme une maladie par la plupart peut suivre l’individu jusqu’à l’âge adulte. Voulant se marier, fonder une famille, ce dernier sera obligé de se recroqueviller sur lui-même ou pire se sentir frustré à cause de son mal être. Dakaractu pour plus de précisions sur cette « maladie de la honte », a interpellé le Dr Diaw, médecin spécialisé en urologie.
L’énurésie touche deux fois plus d’hommes que de femmes
Chez l’adulte, l’énurésie peut être accidentelle. Les mictions involontaires se produisent alors de manière occasionnelle. Les principales causes qui peuvent expliquer ces accidents sont l’ébriété, l’état onirique et le tabagisme.
En premier lieu, la consommation d’alcool augmente la production d’urine.
Docteur Diaw nous renseigne que sur 4 individus atteint d’énurésie on compte 3 hommes et une femme. Une information qui semble être avérée car notre premier témoin est en effet un homme.
« Je suis marié et je fais pipi au lit »
L’interlocuteur de Dakaractu veut garder l’anonymat, nous l’appellerons David. Âgé de la trentaine, ce jeune marié affiche une mine angoissée, il fait avec difficulté et hésite le récit de son mal-être. « Je vis avec cette maladie depuis tout jeune, j’ai essayé tous les traitements possibles et j’avoue que j’ai accordé trop de crédit à la médecine traditionnelle, j’ai fait le tour du Sénégal à la recherche du remède miracle. Mon entourage m’a toujours mis la pression pour que je prenne une femme et ils ne comprenaient pas ce que je vivais. Pour taire les rumeurs d’une impuissance créée de toutes pièces par de mauvaises langues j’ai sacrifié la première femme que j’ai fréquentée, je l’ai épousée et on vit comme des inconnus sur mon propre toit… »
« Ce phénomène se répète plusieurs fois par semaine », poursuit-il. « On me faisait croire à une femme de nuit et avec l’âge je me demande si tout cela ne se passe pas dans ma tête ». Un questionnement qui trouve son sens dans les propos du docteur Diaw qui soutient qu’il faut effectivement analyser l’aspect psychologique.
En effet, un choc émotionnel ou un fort stress peuvent provoquer des fuites urinaires durant la nuit mais pas que. Dans le cas suivant, l’interlocutrice de Dakaractu veut elle aussi garder l’anonymat c’est une femme dont le mari est atteint d’énurésie, nous la nommerons Anna.
« Ma relation ne tient plus qu’à un fil »
Anna est une femme très jeune, âgée d’à peine 19 ans elle croira vivre un rêve éveillé le jour où elle décide d’unir son destin à celui de M.K qui se trouve être à l’heure actuelle son mari.
Elle raconte : « Je me suis mariée sans hésitation car je trouvais mon petit ami très gentil et très compréhensif pour un homme de son âge, il répondait favorablement à chacun de mes caprices et me couvrait d’amour au quotidien. Son amour pour moi n’a fait qu’augmenter depuis notre mariage. Je l’ai très vite rejoint en Europe et le jour de notre nuit de noces a été un tournant décisif pour la suite de notre mariage. Il m’a tout avoué et ses aveux étaient tellement touchants que je ne me suis pas rendu compte de l’erreur que j’avais faite. Je me sentais redevable et je culpabilisais de son mal. Je me levais en bonne épouse à l’aube pour changer le linge et m’occupais de tout jusqu’au jour où j’ai parcouru un commentaire qui disait que nos réalités africaines mettaient en garde celles qui vivaient avec un homme atteint d’énurésie …»
En Afrique, plus particulièrement au Sénégal, lorsqu’un homme fait pipi au lit, celle qui partage son intimité soit impérativement faire pareil au risque de décéder d’une manière très brutale.
Anna poursuit : « Depuis ce jour, je n’arrive plus à le regarder de la même manière je ne sais pas si je dois y croire et ce stress permanent, cette peur de mourir du jour au lendemain me ronge de sorte que notre couple bat de l’aile. J’ai honte de croiser son regard.
Quand on parle de couple, on entend homme mais aussi femme. L’énurésie de la femme est souvent une conséquence de l’accouchement. Celui-ci amène différents troubles comme la dépression périnatale pour la partie psy et l’énurésie pour la partie organique. Le docteur Diaw nous apprend qu’on pourra traiter l’énurésie avec l’homéopathie et une rééducation du périnée. Une étape incontournable que trop de femmes négligent.
Réalités socio-culturelles et traitements
La médecine traditionnelle est la somme totale des connaissances, compétences et pratiques qui reposent sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en bonne santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales.
L’Oms définit les médicaments traditionnels comme des préparations obtenues à l’aide d’une ou plusieurs plantes. Quand plus d’une plante intervient dans la composition, on peut parler d’un mélange. Les produits finis et les mélanges peuvent contenir, outre les principes actifs, des excipients. Toutefois, si l’on y associe des principes actifs chimiquement définis, notamment des composés synthétiques et/ou des constituants chimiquement définis, isolés de plantes, ces produits ne sont pas considérés comme des médicaments à base de plantes. Au Sénégal, on entend par médicament traditionnel une poudre ou décoction prescrite par un charlatan ou médecin traditionnel n’ayant pas forcément les qualités requises pour soigner ou même porter un diagnostic par rapport au mal-être d’un individu.
Le Sénégal fait partie des pays d’Afrique les plus touchés par le phénomène des charlatans. Ces « guérisseurs » traditionnels sont consultés majoritairement par les femmes. Des femmes touchées dans leur intimité et qui ne peuvent pas en parler autour d’elles. Les guérisseurs auxquels elles font recours font souvent office de thérapeutes et de psychologues pour ces femmes qui n’ont plus aucun espoir.
Les traitements que ces guérisseurs leur donnent marchent dans certains cas, mais pas dans celui de notre prochaine intervenante.
« Il m’a ruinée et mon mari m’a répudiée »
Le sujet sexuel étant très tabou au Sénégal, bon nombre de femmes mariées ont du mal à se confier à leur entourage et vont de ce fait confier leurs problèmes aux guérisseurs traditionnels. C’est la situation dans laquelle Zeynab 35 ans, s’est mise. Une situation qu’elle aurait préféré ne jamais vivre.
Elle obtient les coordonnées de son « guérisseur » via internet et c’est là que son cauchemar commence. Zeynab confie « j’avais perdu espoir suite à un accouchement où finalement j’avais perdu le bébé mais également la santé physique et mentale. Je sortais d’une période difficile et je commençais à présenter une incontinence urinaire, je ne pouvais plus retenir mon urine. J’avais des fuites urinaires à chaque fois que je rigolais ou que je toussais et ça a empiré car je faisais aussi pipi au lit chaque soir. Mon mari s’éloignait de plus en plus et je voulais sauver mon ménage à tout prix, j’ai appelé le fameux numéro sur internet et je suis allée au rendez-vous. Une fois sur place j’ai expliqué mon calvaire et le guérisseur m’a donné des décoctions que j’ai ingurgitées. Ce n’était ni bon ni mauvais juste un peu fade. Aujourd’hui, avec du recul je me sens bête car ça ressemblait plus à du quinquéliba qu’autre chose. Il m’a donné la posologie en échange de la totalité de mes économies sous promesse que je ne verserai plus aucune goutte au lit, en définitive une sacrée somme d’argent qu’il a gracieusement rangée dans son porte-monnaie. Une remise qui m’a ruinée et pourtant je n’ai pas arrêté de faire pipi au lit et mon mari à cause des « on dit » m’a répudié pour aller épouser une autre au bout de quelques mois de mariage ».
Le vécu de Zeynab ressemble étrangement à celui de beaucoup de femmes qui elles, contrairement à Zeynab continuent à se battre pour trouver une solution à ce mal qui les empêche de dormir.
Une histoire qui ne semble pas choquer le prochain interlocuteur de Dakaractu qui pourtant fait partie de ces guérisseurs. Selon lui, il existe deux catégories de guérisseurs, ceux qui n’ont aucun savoir et arnaquent les personnes malades et ceux comme lui, qui ont le don de guérir certaines maladies sans rien attendre en retour.
« J’ai soigné plus d’une centaine de personnes, parfois je soigne gratuitement et je le fais pour aider »
Serigne Malick Guèye, guérisseur et tradi praticien interpellé par Dakaractu, entre en détails sur l’énurésie et tente d’apporter des éclaircissements sur les zones d’ombre qui existent autour de cette maladie.
Ses propos rejoignent ceux du Docteur Diaw.
Dans certains cas de figure, l’énurésie se définit de la même manière que ce soit dans le domaine de la médecine scientifique ou celle traditionnelle. Selon lui, tous les remèdes se valent du moment que cela apaise ou soigne le patient. Il soutient que l’énurésie est avant tout qu’on le veuille ou non une maladie et qu’il existe des traitements spécifiques à chaque client, car « il y a l’énurésie dû à un problème de vessie et il y a l’énurésie qui relève du domaine surréel », déclare l’interlocuteur de Dakaractu.
La perception de Serigne Malick Guèye reste que, malgré l’arnaque dont les patients ou clients sont victimes quelquefois, est inévitable car le métier de guérisseur ne demande en aucun cas une quelconque attestation donc, chacun en profite pour tirer son épingle du jeu et certains pseudos guérisseurs malintentionnés n’hésitent pas à s’enrichir à travers le mal être de leurs clients.
Toutefois, il affirme avoir soigné des gens sans aucune contrepartie, il poursuit : « je les ai soigné gratuitement juste pour les aider à retrouver l’équilibre au sein de leurs ménages ». Il soutient par ailleurs que l’énurésie se guérit mais à long terme car le traitement peut prendre des mois avant que l’on puisse obtenir des résultats probants.
« Peut-on réellement guérir de cette maladie ? »
Docteur Diaw nous renseigne qu’il existe bien des traitements contre l’énurésie. Il explique que dans tous les cas, il est surtout important de dédramatiser. Lorsque l’énurésie est liée à une autre maladie, elle peut être traitée en prenant en charge sa cause. Des traitements médicamenteux sont envisageables pour ne plus faire pipi au lit, sur avis médical. Cependant l’énurésie altère l’estime de soi et fait naître un sentiment de honte. Il peut être difficile d’en parler, y compris à son médecin.
L’énurésie peut aussi avoir des répercussions sur la vie sociale comme affirmé par nos recherches et peut se transformer en cercle vicieux provoquant ainsi, un sentiment d’angoisse au moment du coucher. Il est possible d’avoir des antidépresseurs pour traiter l’énurésie. En complément, l’utilisation d’un système d’alarme permet de détecter les gouttes d’urine et d’être averti pour aller aux toilettes pendant la nuit. Il est également conseillé d’adopter des mesures hygiéno-diététiques : uriner et s’hydrater régulièrement dans la journée, boire peu le soir et aller aux toilettes avant de se coucher, ne pas se retenir d’aller aux toilettes une fois au lit. Il existe aussi une pratique standard qui permet aux adultes incontinents de mieux contrôler leur vessie. Ladite pratique est appelée exercice de Kegel, elle vise à renforcer les muscles du plancher pelvien et aboutit dans la plupart des cas à une guérison totale.
Dakaractu