Dès le début de la pandémie, en mars, les initiatives se sont multipliées à travers le continent. Prévention, solidarité, innovation, recherche, information, divertissement : la créativité et l’excellence sont au rendez-vous. En cette journée mondiale de l’Afrique, RFI revient sur 10 initiatives africaines qui ont fait la différence face au coronavirus.
Prévention en chanson dans les langues nationales
À travers l’Afrique, les artistes sont montés au créneau assez tôt pour diffuser les bons messages sur les gestes barrières. Emblématique de ce type d’initiative, une version reggae du chanteur et opposant ougandais Bobi Wine a rencontré un grand succès sur les réseaux sociaux, de même que Youssou N’Dour, qui a rassemblé la jeune scène rap sénégalaise en wolof avec l’excellent clip Daan Corona. De son côté, la Ndlovu Youth Choir, une chorale de jeunes Sud-Africains, a mis en musique dès le 11 mars les conseils de sécurité de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le coronavirus, en traduisant les principaux messages dans certaines des 11 langues nationales sud-africaines.
Lockdown Heights, série sud-africaine sur Instagram
L’Afrique du Sud vient-elle d’inventer avec la série Lockdown Heights « l’Instavela », feuilleton populaire sur Instagram, diffusé par épisodes de 9 à 12 minutes depuis le 27 mars ? Des acteurs confinés à Johannesburg ont décidé de rompre l’isolement sans trop s’angoisser sur leur avenir. Ils continuent à faire rire et jouer la comédie, par plaisir, avec un script dont chacun filme sa partie chez lui. Le tout est ensuite monté par l’initiateur de la série, Ayanda Makayi, qui s’est dit au début du confinement : « Pourquoi on ne ferait pas un feuilleton sur nos téléphones portables ? »
Des fonds alimentés par la solidarité
Encore un type d’initiative qui a pris des proportions exemplaires en Afrique : le Maroc, dès le 15 mars, a monté un Fonds de lutte contre le Coronavirus qui a rassemblé en moins d’un mois plus de 3 milliards d’euros, l’équivalent de 3 % de son PIB, avec de l’argent à 85 % marocain. Hautement symbolique : tous les hauts fonctionnaires, du ministre au directeur de fondation nationale, ont donné un mois de leur salaire. Alors que le même type de geste ne s’est guère vu qu’en Bulgarie et en Autriche en Europe, l’Afrique du Sud a emboîté le pas en annonçant que le président, le vice-président, les ministres et ministres délégués donneraient durant la pandémie le tiers de leur salaire au Fonds national solidaire de lutte contre le Coronavirus (130 millions d’euros réunis à ce jour). À noter, la solidarité paie 3,5 fois moins au pays de « l’Ubuntu », l’Afrique du Sud, qu’au pays de la « Teranga », le Sénégal, pourtant plus pauvre. Son Fonds Force Covid-19, un compte ouvert auprès de la BCEAO, avait déjà rassemblé 455 millions d’euros au 23 avril, sous forme de dons d’institutions, entreprises et particuliers.
Les philanthropes mettent la main à la poche
D’autres initiatives du secteur privé africain démolissent encore le cliché selon lequel l’Afrique n’aurait pas d’argent. Une coalition du secteur privé contre le Coronavirus (Cacovid) a été lancée au Nigeria par le capitaine d’industrie Aliko Dangote et le groupe bancaire Access Bank, promettant 57 millions de dollars pour construire des centres d’isolement, hôpitaux sous des tentes, achat de tests de dépistage, etc. À titre de comparaison, en Afrique du Sud, le magnat minier Patrice Motsepe (Africain Rainbow Minerals) et la famille Ruppert (Remgro Ltd) ont chacun mis une somme qui frappe les esprits : un milliard de rands (53 millions de dollars). Soit deux fois plus, à eux deux, que tout l’argent mobilisé par l’Union africaine (UA).
Carte sénégalaise de suivi de la pandémie en Afrique
L’OMS, l’Université John Hopkins et le Centre de contrôle des maladies américain font référence sur la progression de la pandémie dans le monde. Ce qui n’a pas empêché les initiatives d’essaimer pour informer en Afrique avec des chiffres africains, dans les médias et de manière indépendante. Cédric Moro, un consultant franco-sénégalais en « risques majeurs », a ainsi mis au point à Dakar un site Internet comprenant une carte et un tableau, qui dénombrent chaque jour et par pays le nombre de cas de contamination. Son intérêt : il liste les pays par nombre de cas recensés, et comprend des données non exhaustives sur le nombre de personnels soignants contaminés par pays. Ses chiffres reposent sur des sources officielles (OMS, Cédéao, ministères de la Santé) et sont un peu plus élevés que ceux du Centre de contrôle des maladies (CDC) de l’Union africaine (UA), qui se base sur les données nationales et sous-régionales. La carte du CDC a quant à elle l’avantage de donner le nombre de cas déclarés de Covid-19, mais aussi de décès et de guérisons, ainsi que des données par sous-région.
Midad, un prototype de masque intelligent au Maroc
Une équipe de huit scientifiques bénévoles, dénommée Tech4Covid et dirigée par l’ingénieur, « design thinker », entrepreneur et professeur Mouhsine Lakhdissi, s’est formée pour développer des solutions face à la pandémie. En visio-conférence, depuis chez eux, ils ont mis au point le Masque intelligent de détection à distance (Midad), une première mondiale. Equipé de capteurs, il analyse le souffle des patients qui le portent, afin de détecter les premiers symptômes d’infection – taux d’oxygène dans le sang, insuffisances respiratoires, toux, éternuements – et de permettre un suivi médical à distance et la collecte de données par Bluetooth permettant un tracking des cas contacts avec questionnaire sur mobile. Ce petit boîtier intelligent, qui peut se poser sur les masques standards FFP2, fait l’objet de deux prototypes en cours d’approbation par la Commission nationale sur l’informatique et les libertés (Cnil) au Maroc. Si tout va bien, ils seront vendus 20 euros, à prix coûtant.
Un test de dépistage bon marché en cours de certification au Sénégal
L’Institut Pasteur de Dakar (IPD), une fondation sénégalaise dirigée par le Dr Amadou Sall, gérée depuis 2009 par l’État du Sénégal et l’Institut Pasteur de Paris, fait régner depuis fin mars un grand espoir. Elle s’est en effet associée au laboratoire britannique Mologic et au fabricant Diatropix, basé à Dakar, afin de produire à grande échelle un kit de dépistage sérologique à 1 euro l’unité – contre 30 euros le test actuel, fondé sur la recherche du génome du virus. Les résultats seront disponibles en 10 minutes, au lieu de 24 heures actuellement. Les prototypes sont en cours d’évaluation, dans le cadre d’un processus de certification qui doit aboutir en juin.
Des jeunes distribuent gratuitement du gel hydro-alcoolique à Yaoundé
D’ordinaire, Christian Achaleke, 30 ans, milite pour la paix. Ce qui lui a valu d’être nommé, entre autres, Jeune de l’année par le Commonwealth en 2016. Face au Covid-19, qui frappe plus durement son pays que d’autres en Afrique centrale, son association Local Youth Corner a lancé la campagne « Une personne, un désinfectant pour les mains ». Après avoir constaté que le gel hydro-alcoolique était difficile à trouver et trop cher à Yaoundé, il a décidé d’en produire lui-même en suivant la recette de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En ponctionnant ses fonds propres, son salaire et celui de son équipe, il s’est organisé pour produire en quantité, en s’associant à des médecins et un laborantin. Objectif : donner du désinfectant aux personnes démunies, tout en diffusant la bonne information sur les gestes de prévention.
Borne automatique de lavage des mains au Bénin
Comment se laver les mains sans toucher à rien ? Une borne de lavage automatique des mains fonctionnant à l’énergie solaire a été mis au point au Bénin par une équipe d’étudiants en énergies renouvelables et systèmes énergétiques à la Faculté des sciences et techniques de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Equipé de deux robinets sensibles à la présence des mains, comme dans les aéroports, le poste fait couler de l’eau et du savon liquide. Ses concepteurs, qui travaillent sous l’égide et le contrôle de leur professeur, prennent les commandes pour équiper particuliers et institutions à moindre coût.
Une plateforme de réflexion au Cameroun
Le Muntu Institute, fondé par le sociologue et anthropologue Parfait Akana au Cameroun, a monté début mars une plateforme Internet dénommée « Initiative des sociologues contre le Covid-19 au Cameroun ». Elle recueille les réflexions à travers le continent, mais aussi des témoignages sur le Covid-19 dans le pays. « Il s’agit de raconter la pandémie à partir des expériences ancrées localement, d’un point de vue décalé avec une place importante au récit, à l’observation, au ressenti », explique Parfait Akana. Les chercheurs Achille Mbembe, Patrice Yengo et Joseph Tonda ont notamment contribué. Un partenariat avec le site Corona Times, plateforme de recherche académique lancée par l’Université du Cap et ouverte sur le monde, permet aux articles d’être repris en anglais.
RFI