SENTV : Sur la piste des « Fu Yuan Yu »
Dans une enquête publiée le 15 juin dernier, Libération quotidien révélait, documents à l’appui, que trois jours avaient suffi à l’Agence nationale des affaires maritimes (Anam) pour délivrer des certificats de nationalité à sept bateaux chinois avant de leur accorder des immatriculations sénégalaises allant de DAK 1329 à DAK 1335. Ces navires pillent les eaux sénégalaises selon Greenpeace qui a publié un rapport hier. Nos révélations de l’époque…
« Le 27 avril, puis le 7 mai 2020, le ministre des Pêches et de l’Economie maritime précisait n’avoir signé aucune nouvelle licence. Alioune Ndoye ajoutait qu’il s’agissait de renouvellements. Ensuite, après la publication, par nos confrères du journal « Le Témoin» de la copie d’une licence accordée à un navire chinois, les services de son département revenait à la charge : «Le ministère des Pêches et de l’Économie maritime tient à démentir très vigoureusement le journal «Le Témoin », qui, dans sa parution N° 1239, a titré à sa Une «octroi de licences, Alioune Ndoye dans les filets du Fu Yuan Yu 9889. Dans l’article publié à la page 9 dudit journal, l’auteur affirme de manière péremptoire que le ministre des Pêches et de l’Économie maritime a, en violation de la réglementation en vigueur, extirpé une demande de licence d’un lot de cinquante-deux (52) en cours d’examen par la commission consultative d’attribution qu’il a satisfaite par l’octroi d’une licence à la société Univers Pêches. Le ministre des Pêches et de l’Économie maritime tient à démentir très vigoureusement cette information totalement erronée, tendancieuse et de nature à jeter le discrédit sur le département. Le ministre des Pêches et de l’Économie maritime tient, par ailleurs, à préciser que le navire dont les caractéristiques sont évoquées dans l’article est naturalisé au Sénégal et exploité par la société de droit sénégalais Ft2, propriété de Madame Fatou Thiam qui opère dans le secteur depuis plusieurs dizaines d’années et qui avait déjà obtenu, une promesse de licence le 26 décembre 2017, renouvelée en 2018 et en juillet 2019 ».
Démenti contre démenti
Notre autre confrère « Source A» ira plus loin. Dans sa livraison du vendredi 12 Juin, le journal étale les preuves matérielles de la signature, à la date du 17 avril, d’un autre lot de licences. Le même jour pourtant, les services du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime répondaient à une lettre ouverte du Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes). Dans ce communiqué intitulé « réponse au Gaipes », le ministère disait, clairement, qu’il n’a pas procédé à la signature d’aucune licence et ajoutait «qu’à ce jour (ndlr, 17 avril), tous les navires sénégalisés, à titre provisoire ou définitif sont détenteurs d’une promesse de licence délivrée par l’autorité habilitée ».Dans cette missive au vitriol, le département de la Pêche renseignait que «sur les demandes de promesse de licence dont les requérants, sont des entreprises de droit sénégalais (….), aucune licence les concernant n’a été attribuée (sic) ».
Chinese connection
Libération révèle, documents à l’appui qu’en mode fast-track, le ministère de la Pêche a, entre le 31 mars 2020 et le 17 avril 2020, « sénégalisé» provisoirement, puis délivré des licences de pêches à 7 navires chinois (voir fac-similés). Ce qui pose un problème d’autant qu’à l’état actuel de nos investigations, et parce que le Sénégal et la Chine n’entretiennent aucune relation de coopération portant sur la pêche, ces navires, épinglés à plusieurs reprises par Greenpeace, ne devraient, en aucune manière, bénéficier de ces largesses en mode rapide.En effet, trois jours auront suffi, à l’Agence nationale des affaires maritimes (Anam), pour délivrer des certificats de nationalité aux sept bateaux «Fu Yuan Yu » avant de leur accorder des immatriculations sénégalaises allant de DAK 1329 à DAK 1335.Mieux, ces navires, tous baptisés «Fu Yuan Yu », de plus de 40 mètres de long, 7 mètres 25 de large et d’une hauteur de 3,80 mètres (de véritables mastodontes) ont déjà commencé à pêcher dans les eaux sénégalaises et à…exporter du poisson, sous le label Sénégal, vers la sous-région notamment en Côte d’Ivoire.
FT2, une curiosité artistique
Par ailleurs, il faut comprendre que dans la pêche industrielle, toute licence ou promesse de licence doit être instruite par la Commission consultative d’attribution du précieux sésame. Cette commission, présidé par le Directeur des pêches, instruit les demandes de licences pour les bateaux Sénégalais ou les demandes de promesses de licences pour les bateaux non encore « sénégalisés».
Ces promesses de licences permettent ensuite aux demandeurs de pouvoir faire leur démarche pour « sénégaliser » des bateaux nouvellement acquis. Une fois l’immatriculation obtenue, les demandeurs reviennent devant l’instance pour une demande de licence de pêche. Or, dans le dernier rapport de la Commission, publié en février 2020, aucune demande de promesse de licences ou de licences n’est enregistrées au nom de FT2, la société qui exploite les navires chinois.Mieux, seuls deux demandes de licences sur ce type de pêche (licences de pêche démersales profondes), au nom d’une société dénommée Mar, ont été autorisés d’après le rapport consulté en intégralité par Libération ».