Le débâcle de l’Afghanistan, un message au monde et à l’Afrique

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SENTV : Après la chute de Saigon en 1975 au bout de 15 ans d’engagement des États-Unis d’Amérique, avec jusqu’à un demi-million d’hommes, 141 milliards de dollars pour soutenir leur allié sud-vietnamien et plus de 56 000 Américains morts, voici donc que Kaboul se rend aux Talibans.

Après une guerre de 20 ans livrée par une armée de 500 000 hommes, organisée, entraînée, équipée et encadrée par l’armée américaine et ses alliés, dont la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, un corps expéditionnaire qui s’est élevé jusqu’à 110 000 soldats et un investissement de 822 milliards de dollars. Après 111 000 morts au sein de la population civile, 45 000 au sein des forces armées afghanes, 3 500 au sein des troupes étrangères coalisées, dont 2 218 au sein des forces américaines.

On imagine le niveau de dévastation du pays, l’ampleur des déplacements de population, de perturbation de la vie économique et sociale…

Le message au monde

Le président américain Gérald Ford a eu ces mots mémorables le 23 avril 1975, alors que les combattants du Front national de libération faisaient jonction avec l’armée du nord du Vietnam et fonçaient sur Saigon et que l’ambassade US fuyait dans le chaos : « Nous pouvons aider les autres à s’aider eux-mêmes… Mais le destin d’hommes et de femmes responsables, à travers le monde, reposent entre leurs propres mains pas entre les nôtres… »

Il arrivait à ce constat après 15 ans de bombardements intensifs, après deux millions de victimes dans la population, un usage intensif de gaz toxique qui a affecté des millions de gens à vie et contaminé l’environnement pour longtemps.

Aujourd’hui, voici que le nouveau président américain déclare nonchalamment au moment de retirer les Américains et alliés du pays : « le droit et la responsabilité de décider de leur futur et de la manière de diriger leur pays n’appartient qu’au seul peuple afghan. » Aveu de défaite ?

Les USA ont-ils compris enfin qu’ils n’ont ni la morale ni la loi internationale pour eux quand ils tentent militairement d’influer sur la vie et le cours des États et des nations ? Et qu’en plus, ils n’ont pas les capacités physiques et militaires de la faire ? Qu’une armée étrangère ne peut plus intervenir pour changer le cours de l’histoire d’un pays, de n’importe quel pays ?

Rien de moins sûr !

Si le président Biden annonce dans le même discours le retrait de ses troupes d’Afghanistan et son engagement dans la lutte contre le Covid-19 et pour relever les défis du réchauffement climatique, ceci ne présage nullement de la fin des interventions militaires US à travers le monde.

Il faut d’abord convenir que c’est le bellicisme des USA qui a, sinon suscité, du moins nourri le terrorisme, en particulier le terrorisme islamiste. Il faut se rappeler de l’intense activité semi-clandestine menée par la CIA et orchestrée par les médias mainstream du monde entier, qui a couvert une aide multiforme aux Talibans présentés alors comme le dernier rempart du monde libre face au communisme de l’Union soviétique. On sait maintenant que c’était en fait faire le lit d’un extrémisme islamo fasciste qui allait vite conduire au 11 septembre 2001.

Faut-il rappeler que la destruction du régime de Saddam Hussein et l’humiliation que les peuples d’Irak ont subie sont pour quelque chose dans l’éclosion de Daesh ?

On sait par ailleurs que c’est l’intervention de l’OTAN permise par le gouvernement américain de Barack Obama qui, en détruisant la Libye de Mouammar Kadhafi, a ouvert la voie aux hordes de fondamentalistes islamistes qui terrorisent aujourd’hui tous les pays du Sahel dont ils mettront bientôt à bas les États. Est-il possible à présent de modérer l’impérialisme américain ?

Il faut en tous cas en appeler aux forces progressistes du monde entier, et notamment celles à l’intérieur des États-Unis, pour faire pression sur le pouvoir américain, exécutif et Congrès confondus, afin de mettre un frein au bellicisme de l’oligarchie américaine.

Il faut en appeler aux États du monde entier pour œuvrer ensemble à l’ONU et dans toutes les instances internationales appropriées afin de contrer toute manœuvre des USA et de leurs alliés pour intervenir militairement dans les affaires intérieures d’autres pays.

Le message à l’Afrique.

La débâcle américaine et l’effondrement du régime de Kaboul face aux Talibans envoient un message sans ambiguïté aux oligarques africains du Sahel : les opérations militaires françaises, Barkhane ou autres, même renforcées par d’autres troupes et avec le meilleur équipement militaire, ne pourront contenir longtemps encore l’offensive djihadiste.

Offensive qui est maintenant partout : en Somalie depuis longtemps, dans tout le Golfe de Guinée, au Nigeria, au Cameroun et au Tchad, mais aussi en Centre Afrique, en RDC, en Ouganda, au Kenya et au Mozambique. Et elle s’étend.

Il est maintenant évident que les opérations militaires étrangères type Barkhane ou G5 au Sahel, même renforcées d’autres contingents européens, comme en rêve le président français, ne pourront pas tenir longtemps. Elles n’auront d’autres effets que d’entretenir la corruption de régimes oligarchiques, de déstructurer les armées nationales, d’aggraver des dissensions sociales et la pauvreté.

Seule une réponse collective du continent pourrait relever le défi. L’Afrique doit se résoudre à prendre en main sa propre sécurité comme le projette l’Union africaine à travers son Conseil Paix et Sécurité depuis plus 20 ans. Elle seule serait capable de faire face à l’offensive terroriste qui l’agresse de toute part, de la Corne de l’Afrique à l’Océan indien.

Il s’agit de mettre enfin en œuvre la Force africaine en attente au niveau des différentes régions du continent, préconisée depuis longtemps par l’Union africaine.

Les pays de la Communauté des États de l’Afrique australe (SADEC) notamment le Botswana, l’Afrique du Sud, le Rwanda et l’Angola qui viennent d’envoyer des contingents au Mozambique pour faire face aux islamistes, viennent de montrer la voie.

Les autres régions du continent doivent suivre rapidement l’exemple de la SADEC.

Alymana Bathily

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