Le Franc Cfa toujours bien vivant, un an après l’annonce de sa disparition

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SENTV : « Cette réforme Macron-Ouattara est un coup de bluff », déplore l’économiste Ndongo Samba Sylla. Selon plusieurs observateurs, la Côte d’Ivoire, principale économie de la zone avec le Sénégal, n’est pas particulièrement pressée de faire bouger les choses.

2020 devait voir naître l’eco, une monnaie commune pour remplacer le franc CFA en Afrique de l’Ouest, après 75 ans d’existence. Mais sur les marchés d’Abidjan ou de Lomé, les vieux billets continuent de s’échanger.

Un an après l’annonce en grande pompe par les présidents français et ivoirien Emmanuel Macron et Alassane Ouattara de la fin d’un des derniers vestiges de la « Françafrique », le traité est en train d’être ratifié par les parlementaires français.

Mais de nombreuses questions concrètes restent encore en suspens.

Eco/Franc CFA : quels changements ?

Outre le changement symbolique du nom de la devise, l’avènement de l’eco va modifier deux choses.

D’abord, la France va cesser de participer aux instances de gouvernance de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Ensuite, la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne devra plus déposer la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France, obligation qui était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du franc CFA.

« Ce sont deux questions particulièrement symboliques qui cristallisaient la quasi-intégralité des critiques adressées au franc CFA », assure à l’AFP une source à l’Elysée.

Une chose ne change pas en revanche: l’indexation de la devise sur le cours de l’euro qui apporte une stabilité aux économies des pays de la zone mais les rend également dépendants de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.

« Cette réforme Macron-Ouattara est un coup de bluff. Le cadre de la politique monétaire demeure inchangé, elle a juste porté sur les symboles qui fâchent comme le nom », déplore Ndongo Samba Sylla, économiste à la Fondation Rosa Luxembourg à Dakar.

« La question de la parité a été méticuleusement discutée en amont de l’annonce de la réforme et la réponse de nos interlocuteurs africains (…) était qu’il était souhaitable de maintenir cette parité, essentiellement pour des questions d’attractivité », répond une source à l’Elysée, reconnaissant un débat « légitime ».

Une autre union monétaire en Afrique centrale, distincte de l’UEMOA, utilise également le franc CFA et n’est pour l’instant pas concernée par la réforme.

Une monnaie commune… avec qui ?

L’annonce de la nouvelle monnaie commune concerne les pays de l’UEMOA qui utilisaient le franc CFA : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.

Mais l’idée d’un eco plus large est régulièrement évoquée, en y intégrant d’autres pays comme le Ghana et surtout le Nigeria, poids lourd économique du continent qui pèse 70% du PIB de la sous-région.

A maintes reprises, la ministre des Finances, Zainab Shamsuna Ahmed, a toutefois répété que les pays ouest-africains n’étaient pas prêts à une quelconque union monétaire, tant qu’ils ne respecteraient pas les critères de convergence : un déficit budgétaire n’excédant pas 3%, une inflation à moins de 10% et une dette inférieure à 70% du PIB.

« La question derrière tout ça c’est de savoir quel est le degré de solidarité auquel sont prêts les pays africains entre eux ? C’est un débat difficile avec beaucoup de non-dits », analyse l’économiste togolais Kako Nubukpo.

Que manque t-il pour lancer l’eco ?

« L’eco n’existe pas encore. Aujourd’hui, nous sommes toujours avec le franc CFA. On a l’impression de tourner en rond », déplore M. Nubukpo qui prépare un rapport sur les modalités de transition entre les deux monnaies.

Le Covid a obligé les Etats à revoir leurs priorités mais l’épidémie n’est pas la seule raison qui explique cette mise en oeuvre poussive.

« Ce qui bloque, c’est un problème purement politique : il y a des dissensions entre les dirigeants d’Afrique francophone », estime l’économiste franco-ivoirien Youssouf Carrius.

Selon plusieurs observateurs, la Côte d’Ivoire, principale économie de la zone avec le Sénégal, n’est pas particulièrement pressée de faire bouger les choses.

Plusieurs fois, le président Alassane Ouattara a défendu le franc CFA, « une monnaie solide », dont la parité avec l’euro, assure une stabilité économique.

Payer en franc CFA, jusqu’à quand ?

L’arrêt du franc CFA suppose avant tout l’impression de nouveaux billets de banque.

Pour l’heure, ils sont toujours imprimés à Chamalières, dans le centre de la France, dans une imprimerie de la Banque de France.

Aucune date n’a pour l’instant été dévoilée pour changer les billets.

« C’est un calendrier africain. Il y aura cette question-là dans les sujets qui seront débattus au prochain sommet Afrique-France en juillet 2021 », assure l’Elysée.

Un avis que partage Lambert N’Galadjo Bamba, conseiller au ministère de l’Economie et des Finances ivoirien : « Nous avons dû réactualiser la feuille de route en raison de la crise du coronavirus et nous donner plus de temps pour travailler sur la convergence. Tous ces processus demandent du temps, il faut compter quelques années encore » avant le lancement effectif de l’eco.

« Les Européens ont mis près de 30 ans pour avoir leur euro », rappelle l’économiste Ndongo Samba Sylla.

SENEWEB

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