L’épopée politique (Par Chérif Diop)

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SENTV : Plus de deux cent candidats à la candidature et nous ne sommes pas encore au comble de notre étonnement.

Dans une précédente contribution, j’affirmais que la présidentielle de 2024 sera la première du genre à battre le record de postulants au poste de Chef de l’État. Nous y sommes. Plus de deux cent candidats à la candidature et nous ne sommes pas au comble de notre étonnement. Après avoir constaté que ces candidatures révèlent un opportunisme dispersé ainsi que la désacralisation de la fonction de Président de la République, au fond, les motivations des candidats témoignent d’une chose : un vif intérêt pour la politique. Engouement intéressant à bien des égards, parce que « vous avez beau ne pas vous occuper de la politique, la politique s’occupe de vous tout de même ».
La politique est toujours une affaire décisive. Elle reste responsable de notre destin commun. C’est pourquoi « rentrer en politique est un impératif catégorique en vue d’amorcer un renouvellement des idées, des méthodes et des pratiques soucieuses des intérêts du peuple, sur lequel une minorité exerce un pouvoir légitimé par le suffrage universel » nous disent les auteurs du livre « Politisez-vous ! » paru chez harmattan à la veille des législatives de 2017.

Cet ouvrage collectif prône l’engagement plutôt que le rejet puéril de la classe politique traditionnelle. Ce livre fait écho à celui de l’ancien Premier ministre français Michel Rocard, s’adressant aux jeunes « La politique, ça vous regarde » Gallimard, 2012. Au Sénégal, épris d’un changement de mode de gouvernance, les jeunes et moins jeunes se sont beaucoup intéressés à la politique ces dernières années. Ousmane Sonko en est l’archétype. C’est un truisme que de dire que le discours de Sonko trouve une caisse de résonance auprès d’une frange considérable de la jeunesse. Son narratif brut de décoffrage a caressé le cœur d’une certaine jeunesse. Mais ce n’est pas mon sujet. Ici, il m’importe de pointer l’appétence pour la politique et ce fort désir d’engagement et surtout de changement. J’évoque ce noble engagement, qui cherche à impacter positivement la vie des gens. L’engagement qui place l’humain au cœur de la pensée et de l’action publique. Dans cette optique, la flopée de candidats est une bonne nouvelle.

Au Sénégal, la politique fascine autant qu’elle exaspère. Mais, c’est une absurdité que de dire que les politiques ne servent à rien. Les politiques n’inventent pas des solutions chaque jour, mais c’est eux qui décident en dernière instance. Et rien n’est plus difficile que de trancher au nom et pour le compte du collectivisme. La technocratie a certes beaucoup de mérites, mais c’est le rôle du politique de faire accepter à l’opinion les décisions les plus difficiles. C’est en ce sens que s’engager en politique, c’est se jeter dans la fosse aux lions. On peut en sortir par la grande porte, avec un peu de tact, comme on peut en sortir en lambeaux.

Cependant, personne ne peut nier que la politique est un ascenseur social chez nous. Le reconnaître, c’est ne pas tomber dans l’angélisme qui voudrait faire croire que toutes les personnes qui s’intéressent à la chose politique sont des bons samaritains. Au contraire, l’histoire politique du Sénégal depuis 2000 a fini de nous démontrer le contraire. Autant, ces prédateurs sont inexcusables, autant l’extrême professionnalisation de la politique est un gros problème. Cette professionnalisation crée des rentiers qui valsent entre les convictions et les idéaux. La professionnalisation est la sève nourricière du déferlement d’hostilités aux politiques. Elle nourrit le sentiment de lassitude, alimente le pugilat digital au détriment de la confrontation de vraies visions politiques. Elle favorise, enfin, tout ce qui fait le lit d’un populisme autoritaire.

L’engouement inédit pour le scrutin de 2024 doit se refléter également, sur le taux de participation. Les sept millions trois cent soixante-huit mille huit cent trente-trois électeurs sénégalais détiennent l’avenir du pays entre leurs mains. Un avenir qui ne doit pas être perçu comme un insoutenable sinistre ou un « chaos indescriptible » mais plutôt comme une douce et agréable promesse. Une promesse de bien-être pour la jeunesse en particulier et le peuple en général.
Cette jeunesse frappée par l’oisiveté et le désespoir. La précarité n’est pas une fatalité, mais la perte de l’espoir, quelle affliction ! Nombre de sénégalais sont asphyxiés par les impératifs du quotidien.

Avec un taux d’inflation annuel de 9,6 % en 2022, le Sénégal est l’un des pays de l’UEMOA les plus touchés par la cherté de la vie, à coté du Togo 7,5 %, du Bénin 2,5 % de la Côte d’Ivoire 5,2 % et du Mali 9, 7 %, selon des chiffres de la Banque mondiale (situation économique du Sénégal en 2023).

En vue de 2024, à défaut de garantir les minimas sociaux, les politiques ont le défi et le devoir de rallumer la flamme de l’espoir dans les yeux de la jeunesse.

Chérif DIOP, Journaliste, citoyen sénégalais

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