Lettre ouverte au Président de la République du Sénégal (Par Dr Demba GUEYE, maître de conférences en Analyse du discours à l’UCAD)

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SENTV : Monsieur le Président de la République,

Moi, Demba GUEYE, universitaire sénégalais, investi dans le développement intellectuel et politique de notre nation, souhaite par la présente exprimer mes profondes inquiétudes face aux agissements du Premier ministre Ousmane Sonko.

Le Sénégal est une nation bâtie sur des principes démocratiques solides, où le dialogue et la concertation sont des valeurs cardinales.

En tant que président de la République, vous incarnez l’autorité suprême de l’État, telle que définie par notre Constitution.

Or, il nous apparaît de plus en plus évident que les interventions et prises de parole du Premier ministre, en particulier dans des domaines qui relèvent exclusivement de vos attributions, menacent l’équilibre de nos institutions.

Nous ne pouvons passer sous silence sa déclaration lors de son meeting au Grand théâtre. Il a menacé ouvertement tous ceux qui seraient tentés d’aller trop loin dans des développements critiques vis-à-vis du gouvernement.

Plus inquiétant encore, le Premier ministre semble vouloir se substituer au procureur de la République et au ministre de la Justice en menaçant publiquement différents segments de la société.

Ces derniers temps, nous assistons avec beaucoup de tristesse à ce qui ressemble à une mise à exécution des menaces de O. Sonko

Cette tendance à outrepasser ses fonctions juridiques et administratives est particulièrement préoccupante, car elle remet en question l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs.

Une telle immixtion fragilise l’État de droit, en donnant l’impression que le pouvoir exécutif cherche à contrôler des institutions censées être autonomes et impartiales.

Les informations relayées par la presse portent à croire que Monsieur Cheikh Yerim Seck et Monsieur Bougane Gueye Dany sont accusés de diffamation et de contestation des chiffres avancés par le premier ministre sur la situation financière du pays.

Si cela est avéré, nous vous demandons, Monsieur le Président, de prendre les mesures correctives urgente pour rassurer la communauté scientifique à la quelle j’appartiens.

La judiciarisation du débat public est une dérive inquiétante qui fragilise la liberté d’expression et la pluralité des opinions. En transformant les désaccords politiques et sociaux en affaires judiciaires, on limite la capacité des citoyens à débattre ouvertement et sans crainte. Ce recours excessif aux tribunaux pour trancher des questions d’opinion empêche la société de discuter de manière constructive, tout en renforçant la censure. Il est urgent de réaffirmer l’importance du dialogue et du débat démocratique, libres des menaces judiciaires qui étouffent la diversité d’idées et réduisent la participation citoyenne.

Nous sommes pleinement conscients de l’importance de la reddition des comptes dans une démocratie. Cependant, les déclarations intempestives du Premier ministre risquent de fausser l’esprit même de cette reddition des comptes. En politisant les processus judiciaires et en lançant des accusations publiques sans respect pour les procédures établies, ces interventions compromettent la transparence et l’équité indispensables à un véritable exercice démocratique. Une telle approche engendre la confusion dans l’opinion publique et sape la confiance dans les institutions.

Le Premier ministre, en tant que chef du gouvernement, a un rôle déterminant dans la mise en œuvre de la politique définie par l’exécutif, sous votre égide. Cependant, nous constatons avec préoccupation que des décisions et des prises de parole récentes de M. Sonko excèdent les prérogatives qui lui sont conférées, créant ainsi une confusion dangereuse tant au niveau de la gouvernance que de l’opinion publique.
Ces actions, perçues comme des tentatives de subversion des règles établies, fragilisent la stabilité institutionnelle de notre pays.

Nous tenons à rappeler que la stabilité politique du Sénégal repose sur une coopération harmonieuse entre les différentes branches de l’État. Chaque acteur politique doit s’astreindre à respecter ses attributions, sans quoi nous risquons d’alimenter des tensions inutiles qui, à terme, pourraient porter atteinte à notre cohésion sociale.

Monsieur le Président, nous vous exhortons à réaffirmer, avec la fermeté et la clairvoyance qui vous caractérisent, vos prérogatives constitutionnelles et à veiller à ce que le Premier ministre respecte pleinement les limites de ses fonctions. Il est essentiel pour l’avenir de notre nation que chaque responsable politique se conforme aux exigences de la loi et aux règles de bonne gouvernance.

Nous espérons que vous prendrez les mesures nécessaires pour rappeler l’importance du respect de nos institutions, dans l’intérêt supérieur de la nation sénégalaise.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.

Dr Demba GUEYE, maître de conférences en Analyse du discours,
Université Cheikh Anta Diop

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