La lutte pour la succession de l’édile de Dakar semble déjà ouverte, avec les positionnements de certains, dont le maire de la Médina Bamba Fall, troisième adjoint derrière celui des Parcelles-Assainies, Moussa Sy, et Soham Wardini, première adjointe
En plus de courir le risque d’une inéligibilité à la présidentielle 2019, Khalifa Ababacar Sall encourt également une révocation de son poste de maire, en cas de condamnation définitive à l’issue de son procès. D’ores et déjà, la bataille pour sa succession semble être ouverte, avec les positionnements de certains de ses caciques dont le maire de la Médina Bamba Fall, troisième adjoint derrière celui des Parcelles-Assainies, Moussa Sy, et Soham Wardini, première adjointe.
Le compte à rebours de la destitution de Khalifa Ababacar Sall de la tête de la ville de Dakar est déclenché, avec le réquisitoire du procureur de la République qui préconise à son encontre une peine de 7 ans d’emprisonnement ferme assortie d’une amende de plus de 5 milliards de nos francs. Avant terme, en 2019, son magistère pourrait ainsi être écourté par une condamnation définitive, à l’issue de son procès dont le mis en délibéré du verdict est prévu le 30 mars prochain. En attendant cette date fatidique, le la de la bataille de la succession du maire de la ville de Dakar semble être donné. Et des têtes pour prétendre au poste commencent à émerger. Parmi les sérieux prétendants du maire de Dakar, figurent Soham Wardini, première adjointe, Moussa Sy, deuxième adjoint, et Bamba Fall, troisième adjoint.
Cependant, de tous ces prétendants, Bamba Fall est de loin le plus avantagé car, à la différence de Wardini et de Sy, il est du même camp que l’édile de la capitale.
En plus de partager les mêmes convictions politiques que le maire de Dakar, Bamba Fall est le seul des proches de Khalifa Sall à être présent non seulement au bureau, mais aussi au conseil municipal, à part son camarade Jean-Baptiste Diouf (5e adjoint au maire) qui a tourné casaque après le référendum de 2016 pour rejoindre le camp d’Ousmane Tanor Dieng. Avec l’avènement de l’Acte 3 de la décentralisation entré en vigueur en 2013, les maires des différentes communes d’arrondissement de Dakar passées entre-temps communes de plein exercice, ont cessé d’être des membres d’office du conseil municipal. De ce fait, à l’issue des élections locales de 2014, seul le maire de la Médina a eu le privilège de siéger et au bureau et au conseil municipal de la ville de Dakar. Ce qui le met aujourd’hui dans une position assez confortable pour suppléer le maire Khalifa Ababacar Sall, au cas où il devait y avoir de nouvelles élections au sein du Conseil de ville de Dakar.
A la guerre comme à la guerre
Toutefois, ses accointances récemment notées avec le régime du président Macky Sall et qui ont amené les plus sceptiques à suspecter une transhumance en douce, risquent de l’éloigner du cercle restreint du maire de Dakar, si ce n’est pas encore le cas. Depuis sa malencontreuse sortie au cours de laquelle il a déclaré son probable soutien au président de Rewmi Idrissa Seck, si jamais Khalifa Sall est condamné et donc écarté de la course à la présidentielle de 2019, ses relations avec ses autres camarades dont Barthélemy Dias et Idrissa Diallo ne sont plus au beau fixe. Depuis, c’est le clash même entre les deux camps. Une situation qui a d’ailleurs poussé le maire de Dakar, depuis sa cellule, à tenter une médiation pour calmer les ardeurs. ‘’Que personne n’insulte, ne calomnie ou ne dénigre Bamba Fall. Il est mon frère et il le restera pour l’éternité, même si un jour il devait y avoir rupture du cordon ombilical’’, aurait transmis depuis sa cellule le maire de Dakar à un émissaire dépêché auprès de ses proches et dont les propos sont rapportés par le journal ‘’Source A’’ dans sa livraison d’hier.
A défaut de le vaincre par les urnes, le régime pourrait très bientôt venir à bout de Khalifa Ababacar Sall. La chaise tant convoitée du maire de Dakar de 2012 à nos jours par le président de la République Macky Sall et son régime, pourrait dorénavant basculer à l’issue du procès relatif à la caisse d’avance.
Cette stratégie risque de porter tous ses fruits, si jamais le parquet suit le procureur dans son réquisitoire de condamner Khalifa Sall à une peine de 7 ans de prison assortie d’une amende de plus de 5 milliards de francs Cfa. Un tel scénario ouvre désormais la voix à la succession de l’édile de Dakar avant que son mandat n’arrive à terme.
Les dispositions de la loi
Dans les liens de la détention depuis le 7 mars 2017 pour détournement de deniers publics portant sur la somme de 1,8 milliard de francs Cfa, blanchiment de capitaux, d’escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écriture administrative et de commerce, et d’association de malfaiteurs avec six autres de ses proches collaborateurs, Khalifa Sall continue pour autant d’expédier les affaires courantes de la ville de Dakar en tant que maire. Selon son conseiller politique, si depuis tout ce temps la mairie continue de fonctionner normalement et que toutes les délibérations sont votées à la majorité sans aucun dysfonctionnement, cela veut dire simplement que le groupe de Khalifa reste toujours majoritaire au sein du conseil municipal. ‘’Taxawu Dakar est divisée, mais elle reste toujours majoritaire, même si elle a enregistré le départ de quelques conseillers’’, déclare Moussa Taye. Toutefois, cette situation ne saurait perdurer éternellement. Et l’issue du procès sera décisive par rapport à l’avenir de Khalifa Sall à la tête de la ville de Dakar.
Quoi qu’il en soit, estime l’avocat Me Moussa Bocar Thiam, deux situations risquent de se poser, en cas de condamnation. Soit le ministre en charge de la Gouvernance locale révoque le maire et après le conseil municipal se réunit pour en élire un autre. Soit le président de la République, à travers un décret présidentiel, met la mairie sous délégation spéciale. L’un comme dans l’autre, précise Ndiogou Sarr, Maître de conférences à la faculté de Droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le Code général des collectivités locales a tout réglementé. ‘’On ne peut mettre la délégation spéciale que quand le conseil qui est élu ne fonctionne plus. Si le conseil est absent ou est secoué par une rébellion qui est portée par un nombre important qui empêche le fonctionnement normal et si c’est constaté, le code prévoit à ce que le président de la République décide qu’on mette en place une délégation spéciale’’, déclare-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Si Khalifa Sall est condamné, il perd tous ses droits civils et politiques. Ainsi, il ne sera plus habilité à diriger une mairie. S’il n’y a pas de dysfonctionnement, le conseil va continuer à fonctionner et va désigner son maire.’’
Toutefois, il y a toujours un écart entre ce que prévoient les textes et les pratiques dans un pays comme le Sénégal où tout est presque politisé. Selon M. Sarr, il est tout aussi probable que les tenants du pouvoir, par des manœuvres, empêchent le bon fonctionnement du conseil municipal pour imposer une délégation spéciale. ‘’Attendez-vous demain, s’il est condamné, à ce qu’on crée des troubles au niveau du conseil municipal pour créer un dysfonctionnement qui va amener le président de la République à mettre une délégation spéciale. Mais dans ce cas, la loi est très claire : c’est le président qui va désigner les membres de la délégation spéciale et ce sont les fonctionnaires de la hiérarchie A qui vont la diriger. Il n’y a pas de vide juridique, le code a réglé toutes ces questions’’, avertit-il.