Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblées dimanche dans le centre de la capitale marocaine en soutien à la contestation populaire qui secoue le nord du pays pour exiger la « libération » des leaders du mouvement toujours détenus. Selon une source au sein du ministère de l’Intérieur, le cortège qui s’étendait sur près d’un kilomètre, sur l’avenue Mohamed VI, principale artère de la Rabat, jusqu’à la place Bab el-Had, à la lisière de la médina, a rassemblé de 12 000 à 15 000 manifestants dimanche 11 juin. Sur les réseaux sociaux, des journalistes marocains indépendants ont estimé la participation à « plusieurs dizaines de milliers » de personnes.
Appels à la libération des détenus
« Vive le peuple », « Liberté, dignité, justice sociale », « Libérez les prisonniers », ont scandé les participants, qui pour la plupart marchaient en rang, disciplinés et reprenant les slogans crachés dans les micros des sonos. De nombreux drapeaux berbères et quelques oriflammes marocains flottaient au vent.
Beaucoup de marcheurs brandissaient à bout de bras le portrait de Nasser Zefzafi, chef de file de la fronde populaire qui secoue Al Hoceïma depuis une quinzaine de jours. Arrêté le 29 mai, le leader du « Hirak » (la mouvance, le nom de la contestation) a été placé en détention provisoire le 6 juin à Casablanca.
Son père ainsi que d’autres familles de détenus ont pris un moment la tête de la manifestation, qui se voulait une marche « nationale » de « solidarité » avec le Rif et « contre la hogra » (l’injustice).
Les islamistes majoritaires
Les islamistes étaient largement majoritaires dans le cortège, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Les forces de l’ordre étaient très peu visibles, et la manifestation, débutée vers midi, heure locale, s’est achevée plus de deux heures plus tard sans le moindre incident.
Plusieurs organisations avaient appelé à ce rassemblement : Justice et bienfaisance (interdite mais tolérée par les autorités), mais également des partis de gauche et d’extrême gauche, des militants de la cause amazigh et des activistes du « 20 février », fer de lance de la version marocaine des Printemps arabes en 2011.
Répression
Après sept mois de contestation dans la province d’Al Hoceïma, les autorités ont mené localement une vague d’arrestations depuis quinze jours visant le noyau dur du mouvement, justifiée selon elles par la nécessité de « faire respecter la loi ».
Selon les derniers chiffres officiels, 86 personnes ont à ce jour été présentées à la justice, dont une trentaine ont été placées en détention préventive, accusées de lourdes charges, et notamment « d’atteinte à la sécurité intérieure ».
Les manifestations se poursuivent depuis quinze jours à un rythme quotidien à Al-Hoceïma, ainsi que dans la localité voisine d’Imzouren, autre haut-lieu de la contestation.
Elles ont lieu de nuit pour cause de ramadan, et se déroulent la plupart du temps sans incident, mais parfois dans un climat de vive tension alors que la police, omniprésente, tente de prévenir tout rassemblement.
AFP