« Moi Migrant noyé je vous écris depuis le fond de l’océan ». (Texte écrit en 2018) Par : IBRAHIMA KHALIL DIENG (Dans la peau d’un migrant noyé )

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SENTV : Mes yeux et mes oreilles se remplissent d’eau, le nez et la bouche n’en parlons pas, je m’alourdi et me voici m’enfoncer davantage dans ce grand ventre de l’océan qui m »engloutit encore et encore.
Je sens la mort m’embrasser, mes oreilles se bouchent, un bruit étrange me submerge, aucun support où m’accrocher , je suis entouré d’eau qui file entre mes doigts toutefois que j’essaye de m’accrocher pour éviter la faucheuse.

J’ai échoué !

Oui ! je l’accepte maintenant, je viens d’échouer ma prouesse en voulant lutter contre l’échec social….

JE ME NOIE !

Je me noie !

Oui ! je me noie dans l’océan comme je m’étais noyé dans mes rêves de réussite.
-Je me noie parce-que je voulais m’éviter de me noyer dans le chagrin de la pauvreté et de la vie précaire.
-Je me noie parce-que je voulais m’éviter de me noyer dans une vie d’alcoolique ou de drogué pour échapper au poid de la conscience.
-Je me noie parce-que je voulais repêcher ma famille qui se noie dans un océan de misère.
-Je me noie parce-que je voulais rejoindre l’Eldorado afin de goûter à la vie, être utile, être considéré, respecté, bref exister .
À l’origine de mon départ, une frustration sociale chronique, une galère qui s’intensifie de jour en jour, sans aucune lueur d’espoir.
Jeune de 28 ans , la belle vie ou disons la vie normale, je n’en voyait qu’à travers la télévision où sur internet.
Comme une statuette en poterie inutile, nul ne me calculait, mon existence quasi obsolète, ne valait plus la peine d’être vécue.
À chaque fois qu’il y avait un vol, une agression, ou toute autre malversation, voilà le moment, je dit bien le seul moment propice pour que je connaisse le succès, tous les esprits et les yeux étaient braqués sur moi.
J’étais le potentiel malfrats dans mon quartier et dans ma propre famille, le premier suspect de la police quand elle faisait une descente juste parce-que j’avais pas de bras long.

Des amis ?

Non , même pas dans mes rêves, qui voudrait être ami avec un moins que rien ?
Toujours exclu d’office dans toute prise de décision, je n’avais pas mon mot à dire lors des réunions de quartier même si j’avais des idées.

L’amour ?

Non j’étais tout simplement hors liste des prétendants , je me faisais sans cesse des râteaux, toute fille que j’essayais de draguer, la réponse était la même  » yaw khamo sa bopou, lecko, naano say nélaw doyoul »
Pendant ce temps mes Camarades de même âge se mariaient, construisaient des maisons, amènaient leurs parents à la Mecque, d’autres roulaient avec de belles voitures.
Certe ce n’est pas une raison pour risquer sa vie  » ndakh ndieurigne langa féké  » mais entre la mort et la mort j’ai choisi la mort .
Entre le risque de mort lente dans une vie de chagrin perpétuel et le risque de mort rapide pouvant aboutir à une vie normale, j’ai choisi la deuxième option.
Décidé à sortir de cette galère que m’impose le bled je me suis battue à rassembler une somme que j’ai versé pour être embarqué dans une pirogue de fortune qui nous a trahi en plein océan………
Dites à Maman que son fils l’aime , dites lui que je suis désolé, dites lui que c’était juste pour qu’elle soit heureuse que j’ai pris ce risque, même si je sais que ses larmes ne tariront pas de si tôt , dites lui que ce n’est pas ce que je souhaitais.
Dites lui qu’un soldat mort en guerre est un homme qui, fatigué, se couche pour dormir.
Dites à Maman que j’étais en Guerre contre sa situation difficile, dites lui que j’aimerais réussir pour rendre sa vie meilleure.
Dites lui d’arrêter de pleurer et de prier pour moi
Dites lui que Je ne me suis pas suicidé, j’ai juste tenté un coup qui n’a pas marché.
Dites lui que je suis désolé pour ces jours et nuits pendant lesquels elle patauge sans doute dans une marre de larmes.
Dite à Maman que je l’aime……Je l’aime ……Je l’aime…..Je l’aime à mourir….. Je l’aime au point de plonger en mer sans savoir nager .
Ami, parents, frères et sœurs , je ne me suis pas suicidé , j’ai juste tenté un coup qui n’a pas marché.
À Dieu……

NOus ne cautionnons pas l’émigration irrégulière mais nous la comprenons…..

IBRAHIMA KHALIL DIENG Journaliste ( Dans la peau d’un migrant noyé ) de

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