Paris est lancé dans d’intenses tractations diplomatiques pour convaincre Washington d’offrir un soutien financier, par le biais des Nations unies, à la force antijihadiste pour le Sahel, région hautement instable où la France est engagée dans l’opération Barkhane.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian doit à cet égard diriger une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU lundi pour tenter de consolider l’aide au G5 Sahel, une force conjointe formée de soldats du Mali, du Niger, du Tchad, du Burkina Faso et de Mauritanie, qui doit lancer sa première opération dans les tout prochains jours.
En particulier, la France cherche à obtenir l’aide logistique et financière des Nations unies, ce à quoi s’opposent les Américains, premiers contributeurs de l’organisation.
« Les Etats-Unis sont engagés à soutenir la force conjointe du G5 à travers une assistance sécuritaire bilatérale, mais nous ne soutenons pas le financement, l’autorisation ou l’aide logistique par l’ONU à la force », a rappelé un porte-parole de la mission américaine auprès des Nations unies.
« Notre position sur une plus grande implication de l’ONU (…) reste inchangée », a-t-il précisé.
La région du Sahel est devenue ces dernières années un important foyer pour les groupes extrémistes, notamment depuis que la Libye a sombré dans le chaos en 2011, que la secte Boko Haram s’est étendue au Nigeria et que des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda se sont emparés du nord du Mali en 2012.
« Longue liste de failles »
Ces derniers avaient été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, mais les violences perdurent et quatre soldats américains ont été tués par des jihadistes en octobre au Niger, dans la zone frontalière du Mali.
La mission de maintien de la paix au Mali, elle, a perdu 17 Casques bleus lors d’attaques subies cette année.
« Le soutien logistique de l’ONU pourrait faire une grande différence », estime Paul Williams, expert des questions de maintien de la paix à l’université George Washington.
« Pour être pleinement opérationnelle, la force a besoin de combler une longue liste des failles logistiques et d’équipement », précise-t-il. Selon lui, les réserves émises par Washington ne sont d’ailleurs pas qu’une question d’argent, mais aussi de fond, les Etats-Unis estimant que le rôle onusien est mal défini.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, propose quatre options pour soutenir la force du G5, allant pour la plus ambitieuse de la création d’un bureau de soutien dédié, sous mandat du Conseil de sécurité, à un simple appui logistique de la Minusma.
« Au mieux limiter les dégâts »
Ce à quoi l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, s’est une nouvelle fois opposée. Cette dernière est en fait surtout focalisée sur les économies que les Etats-Unis peuvent réaliser en retirant des financements à l’ONU, et une baisse de 600 millions de dollars sur le budget du maintien de la paix a déjà été négociée.
Pour sa part, l’ambassadeur français François Delattre a estimé qu’un « mélange d’aide multilatérale et bilatérale » était nécessaire, à l’issue d’une visite au Sahel.
Le G5 a calculé le coût de fonctionnement de sa force à 423 millions d’euros pour sa première année, mais certains pays se sont montrés ouverts à une révision à la baisse. La France, notamment, estime que ce budget peut être ramené à 250 millions d’euros.
A ce jour, le financement du G5 Sahel n’est couvert qu’à hauteur de 108 millions, pour lui permettre notamment de se doter d’une compagnie mécanisée légère par bataillon, et de capacités d’observation, y compris de drones.
Les défis sont pourtant grands dans la région et la force « devrait au mieux limiter les dégâts causés par certains réseaux criminels et insurgés », juge Paul Williams.
« Mais même alors, ces résultats ne seront pas durables sans financement adéquat. »