Populisme judiciaire : Maurice Dione alerte sur les dérives d’une justice sous influence

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SENTV : Invité de l’émission Objection sur Sud FM ce dimanche, le professeur agrégé de science politique Maurice Soudieck Dione a tiré la sonnette d’alarme sur les risques d’un glissement de la justice sénégalaise vers un populisme judiciaire. Dans un contexte où la lenteur du traitement des dossiers liés aux figures de l’ancien régime fait l’objet de critiques virulentes, notamment de la part de soutiens de l’actuel pouvoir, l’universitaire appelle à la retenue et au respect scrupuleux des principes de l’État de droit.

En citant le philosophe Gaston Bachelard, Dione a rappelé que si la justice est rendue « au nom du peuple sénégalais », cela ne signifie pas qu’elle doit se soumettre à la pression populaire. « L’opinion n’est pas la science », a-t-il martelé, soulignant que l’émotion collective ne peut se substituer aux procédures légales rigoureuses ni aux garanties fondamentales.

Dans une intervention dense, nourrie de références à la philosophie et à la sociologie politique, Dione a mis en garde contre les logiques de vengeance politique qui pourraient contaminer l’appareil judiciaire. Il a notamment évoqué un adage juridique ancien : « L’application excessive du droit peut conduire à l’injustice », pour illustrer les effets pervers d’un zèle judiciaire motivé par le climat politique ambiant.

Une instrumentalisation dangereuse de la justice
S’appuyant sur les théories de la communication de masse, dont la fameuse « seringue hypodermique » développée par Serge Tchakhotine, l’enseignant-chercheur a alerté sur les risques de manipulation de l’opinion publique par une rhétorique simplificatrice. Il a également convoqué les travaux de Gustave Le Bon et Gabriel Tarde pour expliquer les dynamiques de contagion émotionnelle au sein des foules, susceptibles d’influencer la perception collective de la justice.

Selon lui, une démocratie saine ne peut tolérer une justice qui agirait comme un bras vengeur au service de la majorité ou de l’exécutif. « La justice doit rester impartiale, indépendante et fondée sur le droit, pas sur la clameur publique », a-t-il martelé.

Entre efficacité judiciaire et respect des droits
Face à la pression populaire pour des résultats rapides dans les dossiers sensibles, Dione insiste : il ne s’agit pas de nier les attentes citoyennes en matière de lutte contre la corruption ou d’impunité, mais d’y répondre sans sacrifier les principes fondamentaux du droit. Il appelle à un équilibre entre l’efficacité des procédures et le respect scrupuleux des droits de la défense, condition sine qua non pour éviter une dérive autoritaire.

Sa prise de position fait écho aux nombreuses interpellations de la société civile et des organisations internationales sur la nécessité de garantir l’indépendance de la justice sénégalaise, dans un contexte politique marqué par des tensions post-électorales et des recompositions institutionnelles.

Un appel à la vigilance républicaine
En conclusion, Maurice Soudieck Dione exhorte les acteurs politiques, les magistrats et les citoyens à la vigilance. Pour lui, l’enjeu dépasse les procès individuels : il s’agit de préserver la crédibilité de l’institution judiciaire et, au-delà, la stabilité de la démocratie sénégalaise.

« La justice ne doit pas devenir un simple bras vengeur », a-t-il déclaré, appelant à dépasser les logiques de règlement de comptes pour inscrire l’action judiciaire dans une perspective républicaine et apaisée.

 

La rédaction de la SENTV.info 

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