Depuis 2012, le Mali vit une crise sécuritaire associée ces dernières semaines à une crise socio-politique, exacerbée par la contestation des résultats des dernières élections législatives.
Des milliers de manifestants se sont rassemblés vendredi dernier dans la capitale, Bamako, pour exiger la démission du président Keita et comptent le faire de nouveau ce vendredi.
Menée par l’imam conservateur Mahmoud Dicko, une coalition de partis et de mouvements d’opposition, épaulée par des organisations de la société civile et des militants anti-corruption réclame des réformes politiques et économiques.
Ils demandent la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta, accusé entre autres d’avoir échoué à mettre fin à l’escalade des violences djihadistes et intercommunautaires.
Il faut revenir au dialogue
Une situation aux conséquences imprévisibles de l’avis d’Alioune Tine, l’expert indépendant chargé par le Conseil des droits de l’homme de suivre la situation dans le pays.
Alioune Tine lance un appel « à la responsabilité aux autorités religieuses et politiques toutes tendances confondues ».
« Il faut revenir au dialogue afin de trouver des solutions qui ne mettent pas en péril l’Etat malien » ajoute-t-il.
Le président IBK s’est engagé à former un nouveau gouvernement avec les membres de l’opposition.
Mais les négociations entre les deux parties la semaine dernière sont restées lettre morte.
Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques »
Vendredi dernier le 19 juin, une foule monstre s’est rassemblée sur la place de l’Indépendance de Bamako, pour vomir son ras-le-bol à grand renfort de pancartes avec des slogans contre le pouvoir.
Une lettre a également été envoyée au président par l’opposition, toujours, pour exiger sa démission.
Selon l’agence de presse Reuters, l’opposant Cheick Oumar Sissoko, a également appelé dans un discours à la désobéissance civile jusqu’à la démission de M. Keïta.
Une manifestation similaire a eu lieu le 5 juin, à l’initiative de la même coalition. Le groupe a depuis adopté le nom de « Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques ».
Ibrahim Boubacar Keïta, 75 ans, connu sous le nom d’IBK, a été élu pour la première fois à la tête du Mali en 2013. Il a été réélu pour un second mandat de cinq ans en 2018.
Mais il subi une pression croissante depuis des mois en raison de la dégradation de l’économie malienne, du coronavirus et d’une grève des enseignants.
Pour l’analyste Abdourahmane Coulibaly, la position des différentes parties dénote une cristallisation des frustrations qui persistent depuis plusieurs mois et qui semble avoir atteint son apogée.
« La pauvreté gagne du terrain et les inégalités sociales se renforcent, et sont exacerbé par un climat de corruption, ce qui fait que beaucoup de jeunes n’ont ni espoir ni perspectives d’avenir. Ces jeunes constituent la majeure partie des manifestants. Il y a aussi une cristallisation des tensions sociales que les différents acteurs politiques instrumentalisent », déclare l’économiste malien Abdourahmane Coulibaly.
Une délégation de la CDEAO sert de médiateur entre l’opposition et le pouvoir.
Mais les manifestants affirment que l’on ne fait pas assez pour endiguer la corruption ou restaurer l’économie en crise.
L’imam Dicko, nouvel homme fort de Bamako ?
Originaire de Tombouctou, dans le nord du pays, Mahmoud Dicko a longtemps dirigé le Haut Conseil islamique malien, avant de céder la place à l’imam Ousmane Madani Haïdara en 2019. Il fonde dans la foulée un mouvement politique à son nom, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS).
C’est en 2009 que l’imam se lance pour la première fois sur le terrain politique en luttant avec succès contre une réforme du code de la famille, qui aurait accordé davantage de droits aux femmes.
Depuis, l’influence du chef religieux n’a cessé de croître. Il avait soutenu IBK lors de sa campagne électorale victorieuse en 2013.
Mahmoud Dicko prône la négociation avec les groupes armés, y compris djihadistes. L’année dernière, l’imam a fait limoger Soumeylou Boubèye Maiga alors premier ministre du Mali et partisan de la manière forte contre les djihadistes
Les législatives contestées
Des tensions politiques sont également apparues à la suite d’une élection législative contestée en mars et des allégations de corruption. Ce que l’expert en droits de l’homme Alioune Tine a qualifié de crise de la démocratie.
La publication des résultats définitifs du second tour des élections législatives tenues en plein épidémie de coronavirus entre mars et avril a donné lieu à une nouvelle vague de manifestations.
Des suspicions de fraudes ont jetés dans les rues de plusieurs villes des milliers de personnes qui ont dénoncé « le vol de leur victoire ».
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Les résultats définitifs publiés par la Cour constitutionnelle attribuaient au parti au pouvoir 10 sièges de plus que lors de l’annonce des chiffres provisoires.
Ce qui a valu au Rassemblement pour le Mali (RPM), 53 des 147 sièges de l’Assemblée nationale, et non 43 comme annoncé une semaine auparavant par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.
Un retournement de situation que la cour a expliqué par la prise en compte d’une partie des recours introduits par des candidats.
L’instabilité et l’insécurité
Le Mali est en proie à l’instabilité depuis 2012, date à laquelle une insurrection indépendantiste et djihadiste a éclaté dans le pays.
Et depuis, les attaques contre les FAMA, les forces armées maliennes s et les casques bleu de l’ONU se poursuivent.
La reprise partielle des cours au Mali, prévue mardi 2 juin après plus de deux mois de fermeture des écoles pour cause de coronavirus, a dans un premier temps été boycottée par les enseignants du secteur public, de source syndicale.
« La période allant du 2 juin au 31 juillet sera mise à profit pour exécuter un programme d’enseignement condensé et destiné aux élèves candidats aux examens », avait affirmé lundi 01 juin dans un communiqué le ministre de l’Education, Mahamadou Famanta.
« La réouverture des autres classes, qui ne sont pas des classes d’examen, interviendra le 1er septembre 2020 », avait-il ajouté.
Le ministre a promis que « toute les mesures de prévention de la pandémie seront observées » et lancé un « cri du coeur » aux enseignants pour qu’ils retournent en classe.
La reprise concernait les élèves des classes dites d’examen du primaire et du secondaire, ainsi que des instituts de formation des maîtres.
Les syndicats de l’enseignement avaient relancé en janvier des mouvements de grève pour réclamer des augmentations de salaires, promises selon eux depuis octobre 2016 par l’Etat, mais jamais mises en œuvre.
A ce jour, il n’est pas possible d’avoir des informations sur le nombre d’élèves ayant repris le chemin de l’école.
BBCA