SENTV : L’ancien président Nicolas Sarkozy est attendu mardi au procès « Bygmalion » pour s’expliquer au sujet du « financement illégal » de sa campagne présidentielle de 2012.
Nicolas Sarkozy est attendu mardi 15 juin au tribunal. On ne l’a pas vu en trois semaines d’audience, et son nom a été si peu évoqué qu’on en aurait presque oublié que c’est aussi son procès. L’ancien chef de l’État, qui se fait représenter depuis l’ouverture du procès Bygmalion le 20 mai, sera présent devant le tribunal correctionnel de Paris pour son interrogatoire, prévu à 13 h 30, pour son interrogatoire sur les dépenses excessives de sa campagne 2012.
Les treize autres prévenus – anciens cadres de Bygmalion et de l’UMP, directeur de campagne, experts comptables – qui ont défilé à la barre, sont tous soupçonnés d’être impliqués à des degrés divers dans le système de double facturation imaginé pour masquer l’explosion des dépenses autorisées pendant la campagne du président candidat à sa réélection.
« Financement illégal de campagne »
Le prix réel des quelque 40 meetings organisés par l’agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit, et le reste – 80 % des factures – réglé par l’UMP (devenu LR), au nom de conventions fictives du parti.
Contrairement aux autres, renvoyés notamment pour escroquerie ou usage de faux, Nicolas Sarkozy n’est pas mis en cause pour ce système, et comparaît pour « financement illégal de campagne » uniquement. Il encourt un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
En mars, il était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à de la prison ferme (trois ans dont un ferme), pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ».
Dans le dossier Bygmalion, « l’enquête n’a pas établi » selon l’accusation que Nicolas Sarkozy aurait pu « ordonner », « participer », voir même être informé du système.
Mais le président-candidat, loin d’être « déconnecté de sa campagne », a fait le choix avec son équipe de « meetings spectaculaires et dispendieux », et demandé d’accélérer le rythme – jusqu’à un meeting par jour. Une campagne « d’une rare densité », marquée par une « totale improvisation » des donneurs d’ordre, avait décrit l’accusation.
« Faut que ça pète »
Pour les organisateurs, une consigne : « faut que ça pète », a résumé au début du procès le responsable des meetings chez Bygmalion, Franck Attal.
L’accusation estime que M. Sarkozy a laissé filer les dépenses, malgré plusieurs alertes claires sur les risques de dépassement, et ainsi « incontestablement » bénéficié de la fraude, qui lui a permis de disposer de « moyens bien supérieurs » à ce qu’autorisait la loi : au moins 42,8 millions au total, soit près du double du plafond légal à l’époque.
Pour lui éviter de devoir reconnaître publiquement que ses dépenses avaient dérivé « de manière spectaculaire », « avec les conséquences politiques et financières » qui s’en seraient suivies, dit l’accusation, il a été décidé de « purger » le compte de campagne.
Une thèse à laquelle ne croit pas Nicolas Sarkozy : le prix de ses meetings était « parfaitement en ligne » avec ceux de son opposant François Hollande, avait-il dit aux enquêteurs. Alors, « où est passé cet argent ? »
L’ex secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé, blanchi dans cette affaire et entendu comme simple témoin la semaine dernière, a bien une idée. « Il faut toujours se demander à qui cela profite », avait-il répondu au tribunal alors qu’on lui demandait son « hypothèse » sur la question du procès : qui a ordonné la fraude ?
« Les décisions se prenaient à l’Élysée »
Les sarkozystes et copéistes se sont toujours rejeté la responsabilité de ce scandale qui a causé des déflagrations en série à droite. Quand l’affaire avait été révélée dans la presse en 2014, Jean-François Copé avait d’abord été accusé d’être derrière un système créé pour constituer une « caisse noire » dédiée à son avenir politique.
Jérôme Lavrilleux, à l’époque directeur de cabinet de M. Copé et directeur-adjoint de la campagne, et seul à l’UMP à avoir reconnu la fraude, assure que ni son patron, ni Nicolas Sarkozy, n’avaient été mis au courant.
Les autres anciens cadres de l’UMP et de la campagne ont de leur côté évité de parler de l’ex-chef de l’État. « Les décisions se prenaient à l’Élysée », a-t-on tout au plus entendu.
En marge de l’interrogatoire du directeur de campagne Guillaume Lambert la semaine dernière, un avocat de la défense s’en était étonné : « quelqu’un va poser une question sur Sarkozy à un moment ? » Le procès est prévu jusqu’au 22 juin.