SENTV.info : « Le Témoin » quotidien avait eu l’occasion de s’alarmer contre les camions-bennes qui revenaient à Dakar avec une partie des ordures qu’ils sont censés déverser au dépotoir de Mbeubeuss, pour les recycler dans nos marchés !
D’où le surnom que nous avions donné à cette pratique : le « Mbalit-Dem- Dikk !» Aujourd’hui, les charretiers des zones urbaines dakaroises font pire que les conducteurs de bennes à ordures dans le domaine du ramassage -ou, plutôt, du déplacement ! — des ordures ménagères. Il est vrai que le recours à ces charretiers soulage un peu les habitants des Sicap Sacré-Cœur, Mermoz, Nord-Foire, Liberté et autres quartiers habités par des classes moyennes. En effet, les camions de ramassage ne passant pas tous les jours, les ménagères, pour se débarrasser de leurs ordures, font recours à ces « borom sarett ». Lesquels, à coups de klaxons sonores, sillonnent les quartiers pour collecter les- dites ordures. Malheureusement, ces éboueurs improvisés, au lieu de le résoudre, contribuent à aggraver le problème de l’insalubrité à Dakar.
En effet, après avoir récupéré des déchets dans les maisons, les boutiques, les lieux de travail etc. moyennant des sommes comprises entre 500 et 1.500 francs — tout dépend de la quantité —, et faute de décharge municipale aménagée dans la zone, ils se contentent de s’éloigner avec leur chargement nauséabond puis, à l’abri des regards, après avoir jeté des coups d’œil furtifs à droite et à gauche pour s’assurer que nul ne les a vus, déchargent leurs ordures avant de s’éloigner à toute vitesse. Ni vu, ni connu. Ou, plutôt, pas vu, pas pris ! Leurs lieux de prédilection pour servir de dépotoirs, et précisément sur la Voie de dégagement nord (Vdn), c’est l’autoroute Dakar- Yoff/Patte-d’oie, les abords du cimetière Saint-Lazare, le long de la piste de l’aéroport-Lss etc. Ou alors aux pieds du « Pont de l’émergence » de la Patte-d’oie et aux parkings du stade de l’Amitié transformés en décharges sauvages et clandestines. Une vidéo devenue virale dénonce d’ailleurs cette vilaine pratique. On y voit un charretier surpris par les riverains alors qu’il venait à peine de déverser ses déchets en bordure de route. Le cocher est sommé de ramasser ses ordures par une foule furieuse et prête à protéger son environnement. Pris de court, et devant des gourdins agités en sa direction, notre homme s’est exécuté pour sauver sa vie et son attelage. Ouf, l’environnement était préservé pour cette fois-là !
Selon un chef de collecte-benne de l’Unité de coordination et de gestion des déchets solides (Ucg), chargée du ramassage des ordures ménagères, la gestion des déchets solides représente un défi crucial, complexe et compliqué à Dakar. « D’abord, il faut déplorer le management anarchique dont fait l’objet l’Ucg transformée en parti politique. Chaque cadre ou coordinateur de l’Ucg a eu à embaucher au moins cinq membres de son entourage (neveux, voisins, militants, maitresses, frères). Plus grave, ces employés n’investissent jamais le terrain du balayage et du ramassage des ordures. Avec une telle paresse, comment voulez-vous que Dakar soit une ville propre ? En réalité, si le président de la République veut vraiment réaliser son programme « Zéro déchet », il n’a qu’à dissoudre l’Ucg comme le voudraient certains partenaires techniques ! » estime notre spécialiste des ordures ménagères. Il déplore aussi l’étroitesse des rues des cités comme les Hlm et les Sicap, ce qui ne facilite pas l’accès aux camions-bennes. « Les habitants des Sicap Sacré-Cœur, Liberté et Dieuppeul ont, eux-mêmes, constaté que les camions-bennes ne passent que dans les rues principales pour le ramassage des ordures. Cette absence de couverture totale des secteurs résidentiels par nos bennes ouvre la voie aux charretiers dont les attelages peuvent s’engouffrer dans les rues, ruelles et impasses les plus étroites pour y ramasser des ordures. Surtout au-delà de 14 heures, moment où tous les camions-bennes arrêtent leurs rotations. Il est vrai que des charretiers bien organisés auraient pu assurer une complémentarité avec les camions-bennes de l’Ucg, mais malheureusement ils rendent Dakar beaucoup plus sale. Pire, la plupart d’entre eux profitent de leurs activités de ramassage pour commettre des vols ou cambriolages. Même les poubelles en plastique coûtant entre 5.000 et 8.000 cfa ne sont pas épargnées » fustige ce chef de collecte-benne à propos de la collecte hippomobile des ordures dans les zones résidentielles de Dakar.
L’insalubrité chez le voisin
On ne s’étonnera pas dans ces conditions que le ramassage et le nettoiement des ordures ménagères se soit considérablement détérioré dans notre capitale. En cause en grande partie, les charretiers-éboueurs qui s’empressent de se débarrasser de leurs ordures dans les endroits publics ou terrains qui leur sont plus accessibles, sans se soucier des conséquences de leurs actes insouciants et inciviques.
Car le ramassage des ordures est avant tout une question d’organisa- tion et de management, que ce soit à l’intérieur de la maison qu’à l’extérieur. Il est temps que les gens apprennent à se comporter de façon civilisée, à commencer par la manière avec laquelle ils évacuent leurs ordures. Car faire recours aux charretiers, c’est créer l’insalubrité chez le voisin. Si ce n’est à travers des dépotoirs sauvages. Et même si l’accès aux camions-bennes et l’insuffisance des bacs de collecte d’ordures posent problèmes dans certains quartiers de Dakar. Pour parler comme nos cousins ivoiriens, Dakar comme Kigali… ce n’est pas demain la veille !