SENTV : Le drame d’un intellectuel digne de ce nom, c’est qu’il préfère se tromper seul que de se tromper avec la foule. Car son essence est la pensée, la pensée critique, l’analyse lucide et objective, le courage de mettre ses idées et celles d’autrui en péril, bref tout ce qui rebute à la foule. Un intellectuel qui renonce à ces exigences renonce en même temps à son essence d’intellectuel, il n’est plus qu’un lettré ou un produit des universités qui vit de ce qu’il récolte comme dividende lorsqu’il cède au chantage affectif des meutes ou des miettes qu’il reçoit dans le travail à la tâche qu’il exécute au profit du plus offrant.
On ne pense pas avec la foule, on pense contre elle et ce, précisément parce qu’elle ne pense pas, elle se passionne. Se faire aduler par la foule est la chose la plus facile, car même un pervers en fait plus que les saints. Au Sénégal on ne peut plus discuter car tout se ramène à une histoire de posture partisane : nous militons pour les personnes et les obédiences plus que pour la vérité. Un pays où il y a plus de saints que d’intellectuel peut toujours rêver d’abriter le peuple béni ou élu de Dieu, mais le développement sera une chimère pour lui.
Hannah Arendt a dit que « La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs » : les media sont largement coresponsable de ce pan-loisir qui non seulement empêche de penser, mais transforme le loisir en pensée ; le spectacle en norme de vie ; l’audimétrie en divinité. Parlez des choses de l’esprit on vous trouvera non seulement étrange, mais rêveur dangereux pour la machine du progrès.
* Par Alassane K KITANE