Sénégal : Orienter l’investissement privé vers les territoires

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Nous proposons, dans le présent document, une analyse des enjeux et des conditions d’une orientation des investissements privés vers les territoires du Sénégal. Cette ambition se fonde, d’une part, sur l’hypertrophie économique de la capitale, Dakar, et les potentialités tangibles contenues dans les régions du pays, d’autre part, ces deux facteurs étant complétés par de réels gains à tirer de cette pratique au regard des bonnes pratiques internationales.

A l’heure où dans les villes occidentales, aménageurs et gestionnaires s’interrogent sur l’évolution des formes urbaines et évoquent le concept de polycentralité, de fragmentation, ou encore de renouvellement urbain, il est intéressant de se tourner vers les villes dites du Sud pour examiner les recompositions à l’œuvre (A. DIOP 2018).

Le Sénégal présente une situation où la concentration économique est une contrainte majeure de politique économique. Tendanciellement, les statistiques disponibles laissent apparaitre que la capitale sénégalaise abrite :
72% du PIB ;
62% des Administrations ;
58% des infrastructures de santé 47% des médecins ;
81% des établissements d’enseignement supérieur ;
87% des services financiers ;
95% des entreprises industrielles et commerciales ;
87% des emplois permanents ;
65% du parc automobile.
La concentration géographique qui constitue la 2ème contrainte après concentration sectorielle (Voir document de travail du PSE) est sans doute à lier avec le déclin industriel du Sénégal des années 80 qui a vu disparaitre de grandes industries de la périphérie (CF, SEIB, Huileries) et le centre de chemin de fer (SNCF).
Si le Sénégal doit s’engager dans la voie de la valorisation de ses terroirs, il tirerait profit des enjeux attachés à cette politique. Ces enjeux sont liés principalement à la construction d’une cohésion des territoires vecteur d’égalité et de démocratie. En outre, ils se réfèrent aux gains de productivité et de compétitivité induits par une distribution spatiale élargie de la production nationale. Synthétiquement, les résultats escomptés peuvent se résumer aux point ci-après
valorisation des atouts et opportunités de territoires ;
gains de productivité et de compétitivité (Plane) ;
gain de sécurité publique (occurrence d’accidents moins importante) ;
arrêt de l’exode rural ;
gain de croissance et résilience économique suivant les modèles de résilience post crises
captation des dépenses des ménages de la périphérie qui ont tendance à satisfaire leur besoins de consommations auprès des pays voisins, faute d’offre locale.
Dans ses travaux, le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan considère les dépenses dans territoires comme un des facteurs de définition des projets structurants devant donc bénéficier des incitations particulières. A cet égard, la dernière réforme fiscale de novembre 2012 consacre explicitement des rabais fiscaux progressifs pour les investisseurs désireux de s’implanter dans les territoires.

Sur la base du document de travail du PSE, les mesures de réorientation de l’investissement vers les territoires sont axées sur deux axes stratégiques, à savoir les dispositions d’ordre institutionnel et la définition de nouvelles opportunités pour le secteur privé.

Au titre des dispositions d’ordre institutionnel,
fiscalité et incitations diverses pour l’investissement privé ;
PSE & PUDC & PUMA & PROMOVILLES ;
Projet Directeur d’Urbanisme (PDU) de Dakar et ses environs horizon 2035 ;
6 pôles économiques régionaux PSE ;
plateformes régionales d’investissement.
En matière d’opportunités pour le secteur privé, nombre de projets du PSE sont conçus pour être réaliser dans les campagnes. Il s’agit de :
3 agropoles (Nord, Sud, Centre) ;
Pole Portuaire du Saloum ou Tambacounda ;
Université USSEIN de Kaolack ;
14 ISEP d’enseignement technique ;
Nouvelle UCAD rurale spécialisée dans l’agriculture, l’environnement, la santé et le développement communautaire ;
Chemin de Fer Dakar Bamako associé au MIFERSO et au hub minier Kédougou ;
Pharmacie Nationale d’Approvisionnement ;
14 centres régionaux de diabétologie ;
Unité de stockage des déchets pour la biomasse ;
Unités de structuration et valorisation mangues en Casamance ;
Autoroute Dakar/St Louis par le littoral sur 190 km ;
45 abattoirs dans les départements avec Dahra comme site Pilote).
Les leçons apprises sont centrées sur le marketing territorial, les capacités des Zones Economiques Spéciales, les pouvoirs des Chefs religieux et le modèle du Fonds Européen de Développement des Régions (FEDER).

Le marketing territorial apparait progressivement au cœur des nouvelles disciplines relatives à l’investissement dans les territoires. Il porte sur les meilleures pratiques destinées à promouvoir l’édification d’unités de production au sein des régions. A cet égard, il y a lieu de souligner la situation spécifique des villes telles que Vienne, Tanger, Barcelone, Melbourne, Cap Town qui ont gagné de nombreux prix internationaux pour leur attractivité et le cadre de vie qu’elles offrent. Il ressort des travaux du MEdays[[1]]url:https://mail.google.com/mail/u/0/#m_6950967544796154654__ftn1 que ces villes ont réalisé les actions communes de promotion économique portant sur :
cartographie des opportunités et plateformes locales de création de projets ;
définition de partenariats pour faciliter la construction d’infrastructures de base ;
renforcement de sécurité par des initiatives locales et partagées ;
développement des filières de formation axées sur les besoins des territoires ;
aménagement de Zones économiques spéciales, fondé sur les avantages comparatifs locaux ;
promotion du tourisme local, fondée sur une identité culturelle et historique etc.
Pour leur part, les Zones Economiques Spéciales, conçues sous formes d’espaces aménagés, présentent l’avantage d’assurer la disponibilité des facteurs de production et la connexion aux voies de communication pour offrir aux investisseurs les conditions d’un exercice optimal de leurs activités. Elles sont appelées à se développer dans les régions du Sénégal, impulsées par la définition en janvier 2017, d’une gouvernance y relative dans le cadre du PSE. Déjà, le parc industriel de Diamniadio qui en est le site pilote a suscité des intérêts au sein de sites comme Sandiara et Diass. De même, des zones sont en gestation à Thiénéba, Touba et en Casamance.

Le troisième pilier de territorialisation des investissements est constitué des pouvoirs religieux. Les travaux disponibles (Voir DIOP et Sagna) suivant une approche sociologique, indiquent une performance accrue des investissements portés par les foyers religieux. L’Etat pourrait encore tirer profit de la forte capacité des foyers religieux à drainer des ressources multiformes en vue de la valorisation des territoires.

Enfin, le Fonds Européen de Développement des Régions (FEDER), un des fonds structurels européens, constitue un modèle achevé dans la cohésion économique et sociale au sein de l’Union Européenne, par sa vocation à corriger les déséquilibres régionaux, à travers des allocations de fonds.

Il convient de souligner que l’investissement dans les territoires a pu se ressentir d’un déficit énergétique au Sénégal. A cet égard, depuis 2013 le pays a procédé à la construction de cinq (5) centrales solaires édifiées à Santhiou Mékhé pour 30 Mégawatts, Kahone (20 Mw), Sakal (20 Mw), Diass (15 Mw) et Bokhol (20 mw).

Cette production globale de 105 Mégawatts s’ajoute aux 821 Mw existants. Parallèlement, le pays entend se doter de 150 Mw issus du futur parc éolien de Taïba Ndiaye et vise désormais 23% d’énergies renouvelables en 2018, dépassant ainsi ses objectifs préliminaires de 20%.

[1] Instance internationale de dialogue économique organisée par l’Institut Amadeus animée par des chercheurs et décideurs africains servant de boite à idées pour le Roi du Maroc.

 

Abdoulaye LY
Directeur de la Promotion des Investissements

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